Johnson c. R., 2020 QCCA 1003

Les déclarations antérieures compatibles font l’objet d’une règle d’exclusion générale pour trois motifs : elles n’ont aucune force probante, il s’agit de déclarations intéressées et, en outre, elles constituent du ouï-dire lorsqu’elles sont utilisées pour la véracité de leur contenu.

L’un des principaux problèmes liés aux déclarations antérieures compatibles peut être décrit comme suit : « même répétée à plusieurs reprises, une déclaration inventée demeure inventée ».

[8] En principe, les déclarations antérieures compatibles sont inadmissibles. Dans les décisions R. c. Stirling[2], R. c. Dinardo[3] et R. c. Ellard[4], la Cour suprême discute de cette règle générale d’exclusion[5]. La Cour affirme que les déclarations antérieures compatibles font l’objet d’une règle d’exclusion générale pour trois motifs : elles n’ont aucune force probante[6], il s’agit de déclarations intéressées[7] et, en outre, elles constituent du ouï-dire lorsqu’elles sont utilisées pour la véracité de leur contenu[8]. L’un des principaux problèmes liés aux déclarations antérieures compatibles peut être décrit comme suit : « même répétée à plusieurs reprises, une déclaration inventée demeure inventée »[9]. Dans Ellard, la majorité expose la difficulté en des termes on ne peut plus clairs :

Le raisonnement justifiant l’exclusion de ces déclarations est que la répétition ne renforce pas la valeur ou la véracité d’un témoignage et ne doit pas être considérée comme telle. Parce qu’il existe un risque que des déclarations antérieures similaires, particulièrement celles faites sous serment, puissent sembler plus crédibles à un jury, elles doivent être traitées avec prudence.[10]

[9] La jurisprudence reconnaît une série d’exceptions techniques à ce principe général d’exclusion, notamment lorsque la preuve revêt une valeur probante suffisante pour écarter les dangers liés à la preuve préconstituée. La Cour d’appel de l’Ontario a récemment rassemblé une formation de cinq juges pour se pencher sur cette règle d’exclusion générale et les exceptions dont elle souffre. Dans des motifs concourants, le juge Doherty nous convie à adopter une approche « raisonnée » (principled approach) :

[58] The admissibility of prior consistent statements is governed by what I would describe as the traditional common law model. We are told that prior consistent statements are presumptively inadmissible subject to a series of discrete exceptions. Admissibility depends on whether the proffered evidence fits into any of the pre-existing exceptions. This approach, once common to most evidentiary rules, most notably the rules governing hearsay evidence, has to a large extent been abandoned in favour of a principled-based approach to admissibility.

[59] The admissibility of a prior consistent statement, like the admissibility of other forms of evidence, turns on the relevance, materiality and probative value of the evidence. When a prior consistent statement is tendered, the admissibility inquiry should focus on these broader considerations rather than the technicalities of established exceptions. This change in focus would not produce any significant change in the circumstances in which the prior statement would be admitted. The existing exceptions are to a large extent a product of the application of the broader principles underlying the admissibility of evidence. An approach which looks to broader principles would, however, require counsel and the trial judge to come to grips with the precise use of and value of the evidence of the prior consistent statement in the specific circumstances of the case. I think an approach based on the broader principles is much more likely to focus the minds of counsel and the trial judge on exactly what the evidence is said to do and the ability of the evidence to further that stated purpose. Instead of broad statements such as “the evidence goes to credibility”, the principled approach should produce reasons explaining exactly how the evidence, in the circumstances of the case, goes to credibility[11].

[10] Lorsqu’une déclaration antérieure compatible est admise en preuve par le biais d’une des exceptions à la règle générale d’exclusion, son admissibilité demeure restreinte. La preuve admise comporte une utilité limitée qui varie selon l’exception en cause. Ces règles d’admissibilité strictes ont deux corollaires. D’une part, le juge chargé de statuer sur l’admissibilité d’une déclaration antérieure compatible doit cerner le but poursuivi par la partie qui tente de la faire admettre en preuve. Il doit également définir l’utilité limitée qu’aura la déclaration une fois admise. D’autre part, lorsque le procès se déroule devant jury, le juge doit communiquer des directives limitatives précises aux jurés pour cibler l’utilisation permise et l’utilisation non permise d’une telle déclaration.

[11] La jurisprudence est claire : lorsque la déclaration risque de renforcer la crédibilité ou la fiabilité d’un témoin, une directive limitative sera presque toujours requise[12]. Cela dit, des directives lacunaires ne justifient pas automatiquement une intervention en appel. Le juge Watt de la Cour d’appel de l’Ontario l’a rappelé dans R. c. M.P.[13] :

[80] The effect of the failure of a trial judge to properly apprise a jury about the limited use of prior consistent statements in reaching its verdict varies. Sometimes fatal. Other times, not. As noted above, perfection is not the standard by which we are to judge the adequacy of jury instructions. Each case falls to be decided according to its own idiosyncratic facts, but the authorities yield some relevant considerations:

i. Did the prior consistent statement extend beyond the mere fact of its making to include incriminatory details?

ii. How many prior consistent statements were introduced or repeated?

iii. Who introduced the evidence?

iv. Did the party introducing the evidence rely on it for a prohibited purpose?

v. Was any objection taken to the introduction of the prior consistent statements or to the failure to provide instructions limiting their use?