Délai déraisonnable : 11b) de la Charte.

R. c. Boisvert, 2014 QCCA 191 :

[34]        La juge ne retient pas que l’intimé a fait la preuve d’un préjudice, mais affirme simplement qu’il y a lieu d’y conclure puisque le délai est de cinq ans. Il est utile de reproduire de nouveau ses propos en ce sens :

Quant au préjudice et son évaluation, je fais miens les propos du Juge Cromwell tels qu’énoncés dans l’arrêt Godin qui reprend l’énoncé de la Cour suprême dans l’arrêt Morin à l’effet qu‘on peut déduire qu’il y a eu un préjudice en raison de la longueur du délai.

Plus le délai est long, plus il est vraisemblable qu’on pourra faire une telle déduction.

En l’espèce, le délai est de cinq (5) ans.

Le Tribunal considère que ce délai a causé un préjudice au requérant, à la sécurité de sa personne, c’est-à-dire de ne pas avoir à subir le stress, l’anxiété et le climat de suspicion que suscite une accusation criminelle.

[Nous soulignons.]

[35]        Bien que nous reconnaissons qu’une cour d’appel intervient rarement à l’égard d’une décision d’un juge de première instance portant sur l’évaluation du préjudice, la présente situation requiert que nous le fassions puisque la juge a commis des erreurs et qu’il est évident que sa conclusion aurait été différente n’eût été de celles‑ci.

[36]        S’il est permis de déduire un préjudice depuis la seule longueur du délai, une telle déduction peut être contestée, notamment par le ministère public :

Toutefois, outre le fait de pouvoir déduire qu’il y a eu préjudice, chaque partie peut se fonder sur la preuve pour démontrer qu’il y a eu préjudice ou pour écarter une telle conclusion.

[…]

Inversement, la poursuite peut démontrer au moyen d’éléments de preuve que l’accusé fait partie de la majorité qui ne souhaite pas avoir un procès rapproché et que le délai lui a profité plutôt que de lui causer un préjudice.  La conduite de l’accusé qui ne correspond pas à une renonciation peut servir à démontrer qu’il n’y a pas eu préjudice.  Comme je l’ai mentionné précédemment, le degré du préjudice ou l’absence de celui-ci constitue également un facteur important pour déterminer la longueur du délai institutionnel qui sera toléré.  Ce facteur influera sur l’application de toute ligne directrice.[15]

[37]        Cela est d’autant important que :

La Cour suprême, dans la trilogie Morin, Sharma, et CIP Inc., a fait du préjudice un élément essentiel à l’existence d’une violation de l’alinéa 11b) de la Charte et, surtout, en a imposé le fardeau de la preuve à l’accusé, bien que dans certains cas, il puisse s’inférer de la longueur des délais […] [16]

[Notes omises.]

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