R. c. Léger, 2017 QCCM 21

La preuve présentée démontre-t-elle hors de tout doute raisonnable que le défendeur avait les capacités affaiblies par l’effet de la drogue au moment de la conduite de son véhicule?

 

[53]      Bien que les policiers avaient des motifs d’arrêter le défendeur, il demeure que la poursuite a le fardeau de prouver, hors de tout doute raisonnable, que la capacité de conduire du défendeur était affaiblie par l’alcool ou une drogue.

[54]   La poursuite a le fardeau de prouver un degré d’affaiblissement susceptible d’affecter le jugement et la conduite d’un véhicule. Elle n’a pas à prouver que l’affaiblissement était «marqué» comparativement à la normale (Aubé c. La ReineR.J.P.Q. 93-319)

[55]   La poursuite doit donc prouver que le défendeur avait consommé de la drogue et que cette consommation a produit chez le défendeur un affaiblissement ou une diminution de sa capacité à conduire un véhicule.

[56]   La consommation de drogue est prouvée par le dépôt du rapport d’expertise  de Madame Faucher. D’ailleurs, ce rapport n’est pas contredit.

[57]   Le témoignage de l’agent évaluateur Blais est à l’effet que le défendeur avait consommé du cannabis. Ce témoignage n’est pas contredit.

[58]   Il reste à déterminer si cette consommation de drogue a affecté la capacité du défendeur à conduire un véhicule.

[59]      Comme l’a mentionné la Cour d’appel dans l’arrêt Aubé la preuve de l’affaiblissement de la capacité de conduire une automobile s’établit par l’observation de circonstances telles que l’apparence, le comportement, la façon de parler et de marcher, les caractéristiques de la conduite d’une automobile eu égard aux circonstances.  

[60]      D’ailleurs, dans l’arrêt R. c. Laprise (1997) 1996 CanLII 6000 (QC CA), 113 C.C.C. (3d) 87 la Cour d’appel précise les moyens dont la poursuite bénéficie afin de prouver l’affaiblissement des facultés d’un conducteur :

« Pour établir que le conducteur avait les facultés affaiblies, la poursuite dispose de moyens de preuve très variés.

Tout d’abord, elle peut mettre en preuve, par le témoignage d’un policier ou tout autre personne, les caractéristiques de la conduite de l’accusé.  Cet état peut également se déduire de constatations usuelles, comme l’odeur de l’alcool, la démarche chancelante ou les yeux vitreux…. »

[61]   Dans la présente cause, le policier Fugère-Riel a fait les constatations suivantes :

▪  Conduite d’un véhicule routier de façon erratique

▪  Vitesse du véhicule. Il circule à 20 km/h dans une zone de 50 km/h.

▪  Forte odeur de cannabis provenant de l’habitacle du véhicule;

▪  Pupilles du défendeur étaient dilatées;

▪  Le défendeur avait les yeux rouges (conjonctive);

▪  Le défendeur avait la bouche pâteuse.

[62]   Ces constatations permettent-elles d’inférer que la capacité de conduire du défendeur était affaiblie par la drogue ?

[63]   Il faut souligner que les policiers n’ont rien constaté d’anormal dans la démarche du défendeur, son équilibre, son haleine, son langage et sa capacité à fournir les documents. Les policiers ont déclaré que le défendeur a été coopératif durant toute l’intervention.

[64]   Lors des épreuves de coordination de mouvements (ECM) et lors des tests d’évaluation par l’agent évaluateur, les policiers n’ont pas constaté que le défendeur était euphorique, hyperactif, qu’il dégageait un sentiment de bien-être, qu’il était somnolent ou confus. La preuve révèle plutôt qu’il était «relax».

[65]   La preuve révèle que le défendeur a échoué certains tests suite à une mauvaise concentration ou une mauvaise coordination. Par contre, le rapport de l’agent évaluateur indique que le défendeur n’avait pas dormi depuis 2 jours et les tests se sont terminés à 3h56.

[66]  Les constatations du policiers Fugère-Riel ne sont pas probantes quant à l’effet de la drogue au moment de la conduite du véhicule. Les observations du policier peuvent avoir été causées par la fatigue.

[67]   Madame Faucher, signataire du rapport d’expertise n’a pas témoigné lors du procès, et  son rapport n’indique pas les effets potentiels des substances constatées au moment de la conduite du véhicule.  Au surplus, elle mentionne que les effets d’une drogue et leur durée varient en fonction de différents facteurs et que la présence de drogue dans l’urine du défendeur indique uniquement qu’il y a eu administration de cette drogue.

[68]   En conclusion, la preuve démontre, hors de tout doute raisonnable que le défendeur avait consommé des substances illicites, mais la preuve ne permet pas de conclure que sa capacité de conduire un véhicule était affaiblie par la consommation de cette ou ces substances.

[69]      Le Tribunal a analysé et a apprécié l’ensemble de la preuve et  conclut que  la culpabilité du défendeur n’a pas été établie, hors de tout doute raisonnable.

[70]   D’ailleurs, dans la cause de Benoit Girard c. R (R.J.Q. 1528 (C.A.Q.) 28 juin 1996, l’honorable Michel Proulx de la Cour d’appel définissait le doute raisonnable en ces termes :

« Être convaincu au-delà de tout doute raisonnable, ce n’est pas rechercher la certitude absolue ou mathématique, c’est être vraiment sûr et satisfait que l’accusé est coupable, c’est d’en avoir la ferme conviction. Si vous pouvez uniquement conclure que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, c’est que vous n’êtes pas fermement convaincu de sa culpabilité et vous avez un doute raisonnable».

[71]   L’ensemble de la preuve laisse subsister un doute et le défendeur doit en bénéficier.