Zalat c. R., 2019 QCCA 1829

La destruction volontaire des notes est à décourager et la destruction systématique des notes est contraire aux obligations de conservation de la preuve.

[33] Premièrement, la destruction volontaire de ses notes est certainement à décourager, comme le souligne avec raison la juge, mais il ne s’agit là que d’un aspect de la conduite du policier McCann dans la procédure suivie pour obtenir le mandat de perquisition dans une maison d’habitation.

[34] Deuxièmement, son interprétation manifestement déraisonnable de la Politique à l’appui de la destruction systématique de ses notes est contraire aux obligations de conservation de la preuve : Wood c. Schaeffer, 2013 CSC 71 (CanLII), [2013] 3 R.C.S. 1053, paragr. 67; Tremblay c. R., 2018 QCCA 2170 (CanLII), paragr. 27; R. v. Forster, 2005 SKCA 107 (CanLII), paragr. 30-31; voir également Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 326, bien que dans cette affaire l’obligation de conservation et de communication des notes était expressément prévue par une loi.

[35] En se justifiant ainsi, le policier aggrave son comportement et dénote un niveau de négligence inacceptable, de l’indifférence ou de l’insouciance à l’égard des procédures criminelles à venir et des droits d’une personne accusée. La Politique prévoyait en effet clairement que « tout document » concernant un informateur devait être conservé, mis sous scellés et transmis au « Module de contrôle des informateurs ».

[36] Troisièmement, en détruisant volontairement les notes de sa rencontre avec sa source, le policier McCann savait qu’il privait l’appelant d’une possibilité de les obtenir par ordonnance ou autrement, sous réserve du privilège de l’informateur bien entendu : Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 207; R. c. Antoine, 2017 QCCS 487 (CanLII). En effet, dans le contexte, il est difficile de dissocier son habitude de détruire ses notes de rencontres et sa pratique, tel qu’il en a aussi témoigné, de prendre « …le moins de notes possibles en sachant ce que ça peut donner à la Cour, Madame la Juge ».

[37] Quatrièmement, le policier se présente devant le juge autorisateur avec une dénonciation qui s’éloigne considérablement des exigences de sincérité, de clarté et d’absence de tromperie. Non seulement a-t-il sciemment omis d’informer le juge autorisateur qu’il était le contrôleur de l’informateur, mais il rédige la dénonciation de manière à le cacher, d’une part, et, d’autre part, en laissant croire qu’il a pris connaissance de l’information à la lecture d’un document émanant de la source, ce qui est faux. Cette façon de faire, alors que le déclarant affirme sous serment la véracité des informations dans une procédure ex parte, soulève des questions hautement préoccupantes. De plus, la rédaction attribue à l’informateur des informations plus précises que ne le révèle le rapport de source. Et au bout du compte, ce rapport de source ne peut plus être comparé aux notes d’entrevue, ces dernières ayant été détruites.

[38] Cinquièmement, que dire de l’affirmation non équivoque du policier qui révèle de façon manifeste que le résultat de sa saisie le préoccupe davantage que l’impact de son comportement dans le processus qui y a mené lorsqu’il affirme à la juge que « … peu importe la décision que vous allez rendre, je le sais que j’ai enlevé une arme à feu de la rue. C’est ça qui m’importe. ».

[39] Le processus d’autorisation préalable ne peut pas être perverti de la sorte. L’ironie, même s’il est impossible de pousser l’examen à sa limite en l’absence des notes qui ont été détruites, est sans doute que ce comportement n’était pas nécessaire pour obtenir le mandat recherché. Cette atteinte au processus est néanmoins permanente et irrémédiable. Les tribunaux ne peuvent tolérer un tel manque de transparence dans une procédure ex parte visant à perquisitionner une maison d’habitation. Il s’agit d’un cas clair où l’arrêt des procédures est la seule réparation appropriée.