La Cour d’appel du Québec, dans Côté c. R., 2013 QCCA 1437 traite de la défense d’autorisation légitime relativement à une accusation de harcèlement criminel.

Voici les passages pertinents :

[32]        L’article 264(1) C.cr. prévoit qu’il est interdit, sauf autorisation légitime, en anglais, without lawful authority, de poser certains gestes à l’égard d’une personne, sachant que celle-ci se sent harcelée.

[33]        Dans le contexte de l’article 264(2) C.cr., il apparaît clairement que l’effet de l’autorisation légitime est de rendre légal un geste qui ne le serait pas autrement. Autrement dit, ce que l’autorisation apporte, c’est une exclusion à la loi.

[34]        Il est acquis que l’exclusion couvre les cas où une personne est autorisée par la loi ou par la common law à poser les gestes autrement interdits. On peut comprendre que les huissiers et les policiers peuvent ainsi bénéficier de l’exclusion. Peut-être certains détenteurs de permis, tel un détective privé, pourraient-ils aussi bénéficier de l’exclusion, selon les dispositions législatives en cause.

[35]        Il ne s’agit donc pas de vérifier si la communication est permise comme l’allègue l’appelant, mais si les gestes, autrement illégaux, peuvent être exécutés parce que permis par un texte de loi ou par la common law.

[36]         C’est d’ailleurs l’interprétation retenue par quelques décisions rendues dans d’autres provinces canadiennes. En 1997, dans l’affaire R. c. Sillipp[8], la Cour d’appel de l’Alberta a établi que la définition de lawful authority dans le contexte du harcèlement criminel ne fait que rendre légale une conduite qui serait autrement interdite :

The definition of “lawful authority” in the context of criminal harassment means nothing more than rendering legally permissible that which would otherwise be prohibited conduct. The defence posture at trial was that no prohibited conduct within the meaning of s. 264 had occurred. It follows that the defence of “lawful authority” had no air of reality.

(Accentuation prononcée)

[37]        L’autorité légale doit être spécifique. La loi ou le règlement ou tout autre acte comportant une telle autorisation doit être suffisamment clair quant au droit de poser certains gestes, par ailleurs illégaux. Un citoyen ne peut prétendre détenir une autorité légitime ou légale implicite d’enfreindre l’article 264(2) C.cr. parce qu’il aurait, par exemple, le droit de s’exprimer ou de manifester[9] ou, encore, de communiquer avec les élus ou les personnes en autorité.

[38]        La légitimité de la communication ou des motifs à son soutien n’est pas pertinente non plus à l’analyse de l’autorisation légitime. Il ne s’agit pas de rechercher une justification ou une excuse qui permettrait un geste, ce que tente l’appelant en plaidant son droit à communiquer avec les élus.

[39]        L’appelant n’a pas démontré détenir une autorisation légitime ou légale de harceler la plaignante, ni quiconque d’ailleurs, ce qui justifiait le juge de décider qu’en droit, l’appelant ne pouvait bénéficier de cette défense. Son énoncé est conforme au droit en vigueur au Canada[10] et je suis d’avis qu’il n’a pas commis d’erreur à ce sujet et qu’il n’avait pas à soumettre ce moyen de défense au jury.

[40]        Ajoutons que les juges majoritaires de la Cour suprême rappellent, dans R. c. Cinous[11], qu’un moyen de défense ne doit être soumis au jury que s’il présente un air de vraisemblance :

50        La common law reconnaît depuis longtemps qu’il n’y a lieu de soumettre un moyen de défense à l’appréciation du jury que s’il a un fondement probant. Cette règle vénérable reflète la crainte concrète que, si on permet qu’un moyen de défense dépourvu de fondement probant soit soumis au jury, il n’en résulte un verdict non étayé par la preuve et que cela ne contribue qu’à semer la confusion dans l’esprit des jurés et n’empêche de tenir un procès équitable et de prononcer un verdict juste. Depuis l’arrêt Pappajohn, précité, la question de savoir si un moyen de défense a un fondement probant est connue sous le nom de critère de vraisemblance. Voir l’arrêt Park, précité, par. 11.

51           Deux principes bien établis émanent de l’exigence de base que les moyens de défense invoqués aient un fondement probant. Premièrement, le juge du procès doit soumettre au jury tous les moyens de défense qui peuvent être invoqués d’après les faits, peu importe que l’accusé les ait expressément invoqués ou non. Lorsqu’un moyen de défense est vraisemblable, il doit être soumis à l’appréciation du jury. Deuxièmement, le juge du procès est formellement tenu de soustraire à l’appréciation du jury le moyen de défense qui est dépourvu de fondement probant. Le moyen de défense qui n’est pas vraisemblable doit être soustrait à l’appréciation du jury. Voir les arrêts Wu, Squire, Pappajohn, Osolin et Davis, précités. Comme l’illustre l’arrêt R. c. Latimer, 2001 CSC 1 (CanLII), 2001 CSC 1 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 3, 2001 CSC 1, il en est ainsi même lorsque le moyen de défense qui n’est pas vraisemblable représente la seule chance de l’accusé d’être acquitté. […][12]

(Mes soulignements)

[41]        Les faits mis en preuve n’établissent pas le fondement probant de la défense que souhaite invoquer l’appelant, puisque la loi, la réglementation ou une exception de la common law n’ont pas été démontrées.

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