Kanya c. R., 2019 QCCA 343

Le ministère public assume un rôle quasi-judiciaire dans la conduite des affaires criminelles, lequel vise avant tout à ce que la justice la plus complète soit rendue

[27]        Accepter la proposition du ministère public pourrait avoir comme conséquence de priver un accusé[2] de son droit d’appel s’il s’avérait financièrement incapable d’assumer les frais de transcription d’une preuve qu’il n’estime pas nécessaire à la solution de son litige ou, encore, de faire débourser des frais inutiles par l’État lorsqu’un mandat d’aide juridique est délivré. Cette proposition me semble irréconciliable avec l’intention de la Cour lors de l’adoption des Règles voulant que les appels soient non seulement menés à terme diligemment, mais également de manière équitable.

[28]        Je tiens également compte du fait que le ministère public assume un rôle quasi-judiciaire dans la conduite des affaires criminelles, lequel vise avant tout à ce que la justice la plus complète soit rendue : voir Boucher c. R. 1954 CanLII 3 (SCC), [1955] R.C.S. 16. À titre de partie intimée, il est vrai que sa situation diffère de celle d’une même partie en matière civile. L’absence d’une partie des transcriptions jugées utiles par le ministère public le place, à titre de partie intimée, dans une situation inconfortable vu ce rôle quasi judiciaire. Il pourrait être embarrassé de simplement prétendre devant la Cour, avec raison peut-être, que l’appelant a omis de produire une partie importante des transcriptions sans les produire lui-même. S’il adopte cette position et lorsqu’il le fera, nul doute que l’ensemble des circonstances lui permettra alors de démontrer que la justice la plus complète peut néanmoins être rendue à partir d’une transcription partielle. Si tel n’est pas le cas, il pourrait, dans le respect de son rôle, déposer les extraits additionnels nécessaires.

[29]        En l’occurrence, il ne fait pas de doute que l’appelant aurait dû consulter le ministère public lors de la réception du formulaire transmis par le greffe de première instance en vertu de l’article 30 des Règles de façon à permettre aux parties d’identifier de façon diligente les éléments de preuve nécessaires à la solution de l’appel. Son défaut d’agir en temps opportun entraîne un retard inutile dans la préparation du mémoire d’appel de l’intimée.

[30]        Ceci étant, il demeure que le ministère public ne peut exiger que l’appelant obtienne, à ses frais, la transcription de l’ensemble du procès. Il lui reviendra de décider s’il désire néanmoins l’obtenir à ses propres frais, dans le respect de son rôle quasi-judiciaire. Dans le cas contraire, si la transcription partielle déposée par l’appelant à l’annexe 3 de son mémoire devait s’avérer insuffisante, à la lumière notamment des propos du juge de première instance, il pourrait se le faire reprocher par la Cour qui rendra la décision qui convient. Je propose donc de rejeter la requête du ministère public.

[31]        Il en sera de même de la requête de l’appelant visant à obtenir le paiement des honoraires extrajudiciaires encourus pour débattre de la demande du ministère public, laquelle n’est pas fondée dans les circonstances. D’abord, même en tenant pour acquis que la Cour puisse imposer de tels honoraires, il semble bien que la collaboration déontologiquement attendue entre les parties et recherchée par les Règles ne se soit pas ici matérialisée. Le comportement de la partie appelante ne semble pas étranger à la situation. Ensuite, bien que non fondée, la demande du ministère public ne constitue pas pour autant un comportement abusif au sens de la jurisprudence (Québec (Directeur des poursuites criminelles et pénales) c. Jodoin, 2017 CSC 26 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 478, paragr. [29]).