R. c. Rainville, 2018 QCCQ 1956

L’accusé est inculpé d’avoir conduit un véhicule à moteur alors qu’il était soumis à une ordonnance d’interdiction en vertu du Code criminel.  Il prétend avoir été l’objet d’une arrestation illégale parce que sans motif raisonnable.

[36]      Dans son essence, ce que l’accusé reproche est une interception fondée sur des informations très sommaires, ce qu’il qualifie de partie de pêche.

[37]      Selon l’accusé, l’arrestation s’est déroulée en portant atteinte à son droit au silence, lorsque la policière s’est adressée à lui en utilisant son nom, et dans les circonstances, l’arrestation s’est faite sans motif raisonnable.

[38]      Il réfère le Tribunal, entre autres, au jugement de St-Germain c. R.[2].

[39]      Le contexte d’intervention de cette affaire s’inscrit dans le cadre d’une activité réglementée, soit la conduite automobile.

[40]      Comme il est bien connu, la conduite automobile n’est pas un droit mais un privilège et les policiers ont des pouvoirs d’interception lorsqu’un individu circule sur la voie publique en automobile. L’article 636 du Code de la sécurité routière prévoit que :

  1.   Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu’il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l’article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.[3]

[41]      En ce qui concerne les pouvoirs d’un policier d’intercepter et d’arrêter, les règles en ce domaine sont claires depuis longtemps.

[42]      Notre Cour d’appel l’a encore énoncé de façon succincte dans l’arrêt Lévesque Mandanici c. R.[4] :

[51]      Le test portant sur la qualification des motifs raisonnables est à double volet : l’un est objectif, l’autre est subjectif. Cela signifie que l’arrestation doit non seulement être raisonnablement justifiée, mais encore faut-il que l’agent de la paix croie que tel est le cas. Ces motifs doivent être objectivement raisonnables et s’imposer à une personne placée dans la même situation que l’agent. La seule intuition ne peut constituer des motifs raisonnables, tout comme d’ailleurs les simples soupçons (…).

[43]      La jurisprudence a établi que la norme de preuve pour des motifs raisonnables de croire n’est pas très élevée et se situe au-delà des soupçons raisonnables, mais en deçà de la balance des probabilités ou d’une preuve prima facie.

[44]      L’Honorable Daniel Royer dans l’affaire St-Germain énonce également les règles particulières reliées à une détention pour fin d’enquête. Il mentionne que celle-ci « n’est pas autorisée en l’absence de motifs raisonnables de soupçonner que l’individu est relié à une infraction criminelle, à moins qu’elle ne soit justifiée par la législation provinciale relative au contrôle routier. »[5].

[45]      Dans la présente affaire, la policière Corriveau connaît l’accusé pour l’avoir déjà arrêté auparavant au volant de ce même véhicule qui semble être assez unique dans la région par son lettrage.

[46]      Quelques jours avant l’interception, elle reçoit des informations d’un collègue policier selon lesquelles l’accusé conduirait sans permis son véhicule.

[47]      Elle débute une enquête à ce sujet en effectuant de la surveillance.

[48]      Ainsi, lorsque quelques jours plus tard elle voit circuler ce même véhicule, elle possède, à ce moment, suffisamment d’informations pour l’intercepter afin d’enquêter plus avant.

[49]      Le Tribunal considère qu’elle a des motifs raisonnables de soupçonner la commission d’une infraction criminelle, soit le non-respect d’une ordonnance de cour.

[50]      Ce sont ces motifs qu’elle a transmis à ses collègues.

[51]      Par ailleurs, il y a lieu de noter que cette enquête implique deux législations distinctes, mais qui se complètent en matière de conduite automobile.

[52]      Dans la présente affaire, même si l’objectif est de vérifier si l’accusé a enfreint une ordonnance et commis une infraction criminelle, il commet également en vertu du Code de la sécurité routière une infraction en conduisant sans permis valide, ce que les policiers sont en droit de contrôler.

[53]      De plus, la policière qui a procédé à l’interception a vu le véhicule circuler.  Elle n’est pas intervenue auprès d’un véhicule stationné depuis un certain temps, comme dans l’affaire St-Germain.

[54]      La preuve révèle que les deux individus sortent de leur véhicule en même temps et le fait qu’elle l’a interpellé par son nom a très peu de conséquences, puisqu’un conducteur a, de toute façon, l’obligation de s’identifier. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une façon détournée d’enfreindre les droits de l’accusé.

[55]      Dans ce contexte très particulier, il n’y a donc pas eu atteinte aux droits constitutionnels de l’accusé et les policières étaient justifiées d’intercepter le véhicule de l’accusé, puisqu’elles avaient des motifs raisonnables de soupçonner la commission d’une infraction criminelle.

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la requête en exclusion de preuve.