R. c. Vigneault, 2017 QCCQ 2185

L’accusée prétend  avoir été dans l’obligation de conduire pour des raisons de sécurité, dans un contexte de violence conjugale.

 

[20]        La conduite avec capacité affaiblie et les résultats de l’alcootest ne sont pas contestés. L’accusée invoque la défense de nécessité. La Cour suprême en identifie les conditions de base, dont l’existence d’un danger imminent et l’absence d’autre solution raisonnable et légale.[5]

[21]        Bien que d’application restreinte et limitée[6], cette défense a toutefois conduit à des acquittements en contexte d’alcool au volant[7].

[22]        Pour trancher le présent litige, le Tribunal analysera les deux conditions de base.

 

1) Le danger imminent

[23]        Par définition, le mot « imminent » correspond à une situation qui va se produire dans très peu de temps, dans l’immédiat.[8]

[24]        Ici, l’accusée prétend qu’elle a conduit puisqu’elle craignait pour sa sécurité.

[25]        Cette version comporte plusieurs faiblesses.

1)        L’accusée reconnaît qu’elle voulait surtout protéger son auto et prévenir la diffusion d’images personnelles par le conjoint.

2)        Il est en preuve que l’accusée et son ami ont vu le conjoint se diriger en sens inverse de l’autogare. L’ami précise : « J’avais la certitude [qu’il] ne se trouvait pas à proximité du véhicule »[9].

3)        L’accusée pense que le conjoint se rend dans l’appartement pour voler son ordinateur. L’ami témoigne que les lumières de l’appartement sont allumées[10], laissant soupçonner que le conjoint s’y trouve. D’ailleurs, l’ami tient le cellulaire pour appeler la police en cas de besoin dans les cinq prochaines minutes[11]. Dans ce contexte, le fait que l’accusée retourne dans l’appartement en risquant de rencontrer son conjoint contredit la thèse du danger imminent.

[26]        Au total, le présent cas diffère des affaires suivantes où des acquittements ont été prononcés dans des situations d’alcool au volant avec danger imminent :

▪   R. v. Costoff[12] : L’ami de l’accusé tombe à la renverse et se frappe la tête sur une moulure de bois, ce qui cause une coupure, un saignement et des évanouissements. Comme il n’y a pas d’ambulance à proximité, l’accusé décide de conduire son ami à l’hôpital.

▪   Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Dumont[13] : Un individu se présente chez l’accusé et le frappe. Une violente bagarre éclate et les meubles sont renversés. Le téléphone est introuvable. Pris de panique et craignant pour sa vie, l’accusé se sauve sans prendre le temps de se chausser. Il monte dans sa camionnette pour s’éloigner de l’agresseur puis se fait intercepter par la police qui constate les capacités affaiblies.

▪   R. c. Julien[14] : Le conjoint de l’accusée venait de subir une importante coupure et croyait qu’il allait mourir au bout de son sang. Dans ce contexte, l’accusée, qui avait les capacités affaiblies, a pris le volant pour se diriger en urgence à l’hôpital. Après l’interception sur un barrage routier, les policiers ont eux-mêmes appelé l’ambulance.

[27]        Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que la première condition n’est pas rencontrée.

 

2) Autre solution

[28]        Outre la conduite de son automobile, plusieurs solutions s’offraient à l’accusée qui était en possession de son cellulaire : appeler un taxi (comme elle venait de la faire) ou la police (comme elle avait déjà fait). En outre, elle pouvait envisager d’aller chez son ami ou de revenir à l’appartement en marchant.

[29]        Elle a choisi la plus mauvaise des nombreuses solutions.

[30]        La défense ne rencontre donc pas la deuxième condition.

Conclusion sur le moyen de défense et la culpabilité

[31]        La défense de nécessité est rejetée.

[32]        La poursuite ayant démontré hors de tout doute raisonnable la commission des infractions, une déclaration de culpabilité doit être prononcée.