(voir aussi récemment Perron c. R., 2022 QCCA 1716)
Quant au « transport » constitutif de trafic, la preuve nécessite davantage que le déplacement de la substance illégale d’un point à un autre par une personne. Un verdict de culpabilité exige en effet la démonstration que le transport « forms part of a transaction that is intended to promote the distribution of a narcotic to another person ».
[11] La jurisprudence et les auteurs ont précisé qu’une opération de « vente » en matière de trafic de drogues doit être interprétée selon le sens ordinaire de ce terme. La preuve doit donc établir que la drogue a été remise à un tiers contre une considération, le plus souvent monétaire[4].
[12] Quant au « transport » constitutif de trafic, la preuve nécessite davantage que le déplacement de la substance illégale d’un point à un autre par une personne. Un verdict de culpabilité exige en effet la démonstration que le transport « forms part of a transaction that is intended to promote the distribution of a narcotic to another person »[5]. La preuve d’un transport proprement dit de la substance et de son but est donc nécessaire.
La possibilité de tirer des conclusions sur la base d’une preuve circonstancielle analysée selon l’expérience humaine et le bon sens comporte ses limites.
[29] La Cour suprême a souligné que les inférences raisonnables que le juge tire d’une preuve circonstancielle peuvent, et doivent, résulter de l’appréciation logique de la preuve, ou de l’absence de preuve, « suivant l’expérience humaine et le bon sens »[14].
[30] Néanmoins, la possibilité de tirer des conclusions sur la base d’une preuve circonstancielle analysée selon l’expérience humaine et le bon sens comporte ses limites. On ne peut tout inclure sous le couvert d’une preuve dite circonstancielle. Dans R. v. JC[15], le juge Paciocco de la Cour d’appel de l’Ontario formule des observations pertinentes à ce sujet :
(1) The Rule Against Ungrounded Common-Sense Assumptions
[58] The first such rule is that judges must avoid speculative reasoning that invokes “common-sense” assumptions that are not grounded in the evidence or appropriately supported by judicial notice: […]. For clarity, I will call this “the rule against ungrounded common-sense assumptions”.
[59] To be clear, there is no bar on relying upon common-sense or human experience to identify inferences that arise from the evidence. Were that the case, circumstantial evidence would not be admissible since, by definition, the relevance of circumstantial evidence depends upon using human experience as a bridge between the evidence and the inference drawn.
[60] Nor is there any absolute bar on using human experience of human behaviour to draw inferences from the evidence. […].
[61] Properly understood, the rule against ungrounded common-sense assumptions does not bar using human experience about human behaviour to interpret evidence. It prohibits judges from using “common-sense” or human experience to introduce new considerations, not arising from evidence, into the decision-making process, including considerations about human behaviour.
[…]
[73] As a matter of principle, an error is “based” on a stereotype or improper inference when thatstereotype or improper inference played a material or important role in explaining the impugned conclusion. Where it did so, even if the trial judge offered other reasons for the impugned conclusion, it cannot safely be said that the trial judge would have reached the same conclusion without the error. Where the erroneous reasoning does not play a material or important role in reaching the impugned conclusion, and was only incidental, the accused will not have been prejudiced by it and no reversible error occurs.
[Soulignements et caractères gras ajoutés; références omises]
Pour reconnaître un accusé coupable d’aide à la commission d’une infraction au sens de l’alinéa 21(1) b) C.cr., « [e]n premier lieu, il faut qu’une infraction ait effectivement été commise ».
[31] L’argument de l’appelant selon lequel le juge a rendu un verdict non fondé sur la preuve et déraisonnable en concluant à sa culpabilité pour avoir aidé quelqu’un à commettre l’infraction de trafic, alors qu’aucune preuve n’a établi la commission réelle de cette infraction, trouve appui dans l’arrêt Autorité des marchés financiers c. Forget[16] :
[83] On peut d’abord convenir, sur le modèle du droit criminel, que l’art. 208 L.v.m., tout comme les al. 21(1)b) ou c) C.cr., permet de déclarer le complice (en l’occurrence celui qui a fourni son aide), en tant que participant à l’infraction, coupable de celle-ci sans égard au fait que l’auteur principal en ait été acquitté ou, même, qu’il n’ait pas été poursuivi: la disposition ne requiert en effet pas que l’auteur principal de l’infraction en ait été déclaré coupable, mais simplement qu’il l’ait perpétrée, ce qui doit encore être démontré.
[84] Au chapitre de l’actus reus, l’art. 208 L.v.m.exige donc que la preuve à l’endroit du compliceétablisse hors de tout doute raisonnable la commission de l’infraction par l’auteur principal : on ne peut bien sûr pas, au sens de cette disposition, être pénalement responsable d’avoir aidé une personne qui n’aurait pas commis d’infraction.
[Soulignements et caractères gras ajoutés; renvoi omis]
[32] Ce principe fut également soulevé dans l’arrêt Protection de la jeunesse – 525, dans lequel la Cour a rappelé, quoique succinctement, que pour reconnaître un accusé coupable d’aide à la commission d’une infraction au sens de l’alinéa 21(1) b) C.cr., « [e]n premier lieu, il faut qu’une infraction ait effectivement été commise »[17].
[33] Il en va de même de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. J.F. :
[22] Le paragraphe 21(1) du Code précise qu’une personne peut être jugée responsable comme « particip[a]nt à une infraction » de trois façons.
(1) Participent à une infraction :
a) quiconque la commet réellement;
b) quiconque accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre;
c) quiconque encourage quelqu’un à la commettre.
[…]
[24] Malgré tous les efforts de l’appelant en vue d’appliquer la logique de l’arrêt Déry à la responsabilité comme participant aux cas où l’infraction reprochée est le complot, j’estime que cette comparaison est inappropriée, car elle revient à comparer des pommes avec des oranges. L’explication est très simple,contrairement au crime de tentative, la responsabilité comme participant n’a pas un caractère inchoatif. Pour que le ministère public puisse invoquer cette forme de responsabilité, il faut que l’auteur principal ait commis l’infraction sous‑jacente. […][18]
[Soulignements ajoutés]
[34] La Cour d’appel de l’Ontario, se référant entre autres à l’arrêt R. v. Kenning and others[19], rendu par la Cour d’appel de l’Angleterre et du Pays de Galles, a quant à elle affirmé ce qui suit dans l’arrêt R. v. Nguyen :
[47] Under s. 21(1) of the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46, every person is a party to an offence who:
(a) actually commits it;
(b) does or omits to do anything for the purpose of aiding any person to commit it; or
(c) abets any person in committing it.
[48] As is evident from the section, before someone can be convicted for an offence as a party, the underlying offence must have been committed. This point was underscored in J.F., at para. 24: “In order for the Crown to rely on party liability, the underlying offence must have been committed by the principal.”[20]
[Soulignements ajoutés; renvoi omis]
[35] D’autres jugements au pays ont également fait état de ces principes[21].
…
[37] De la même façon en l’espèce, faute d’une preuve que l’ACI, ou toute autre personne, a commis « réellement »[24] l’infraction de trafic à titre d’auteur primaire, l’appelant ne pouvait raisonnablement être déclaré coupable de cette même infraction à titre d’auteur secondaire.