Prostitution : La Cour suprême de Canada.

La CSC dans Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72 a invalidé les articles 210, 212(1)j) et 213(1)c) du Code criminel au motif que ces derniers sont contraires aux principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 de la Charte.

Voici des extraits pertinents :

Article 210 : Interdiction des maisons de débauche

[134]                      Je conviens avec elles que l’effet préjudiciable de l’interdiction sur le droit à la sécurité des demanderesses est totalement disproportionné à l’objectif.  J’estime donc inutile de me prononcer sur sa portée excessive dans le cas de la prostituée qui travaille seule chez elle (C.A., par. 204).  La juge de première instance conclut de la preuve que dispenser leurs services dans une maison de débauche accroîtrait la sécurité des prostituées en [traduction] « les faisant bénéficier de l’avantage sécuritaire de la proximité d’autres personnes, de la familiarisation avec les lieux, d’un personnel chargé de leur sécurité, de la télésurveillance en circuit fermé et de toute autre mesure que permet un lieu permanent situé à l’intérieur » (par. 427).  Après avoir mis en balance ces éléments avec la preuve selon laquelle [traduction] « rares sont les plaintes pour nuisance déposées contre un établissement où se pratique la prostitution » (ibid), elle conclut que l’effet préjudiciable de la disposition est totale disproportionné à son objectif.

[…]

[136]                      À mon avis, cette conclusion n’est pas erronée.  Les préjudices relevés par les juridictions inférieures sont totalement disproportionnés à l’objectif de réprimer le désordre public.  Le législateur a le pouvoir de réprimer la nuisance, mais pas au prix de la santé, de la sécurité et de la vie des prostituées.  La disposition qui empêche une prostituée de la rue de recourir à un refuge sûr comme Grandma’s House alors qu’un tueur en série est soupçonné de sévir dans les rues est une disposition qui a perdu de vue son objectif.

Alinéa 212(1)j) : Proxénétisme

[142]                      La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la disposition va néanmoins trop loin et porte ainsi atteinte au droit à la sécurité des demanderesses selon des modalités qui sont étrangères à l’objectif poursuivi.  Est sanctionné quiconque vit des produits de la prostitution d’autrui sans que ne soit établie de distinction entre celui qui exploite une prostituée (tel le proxénète contrôlant et violent) et celui qui peut accroître la sécurité d’une prostituée (tel le chauffeur, le gérant ou le garde du corps véritable).  La disposition vise également toute personne qui fait affaire avec une prostituée, y compris un comptable ou un réceptionniste.  Certains actes sans aucun rapport avec l’objectif de prévenir l’exploitation des prostituées tombent aussi sous le coup de la loi.  La disposition sur le proxénétisme a donc une portée excessive.

Alinéa 213(1)c) : Communiquer en public à des fins de prostitution

[148]                      La juge de première instance conclut que le préjudice causé par l’interdiction de communiquer en public est totalement disproportionné à l’objet de la disposition, à savoir mettre fin à la nuisance que constitue la prostitution dans la rue.  Elle s’appuie sur des éléments de preuve qui, à son avis, démontrent que la possibilité de jauger les clients est [traduction] « essentielle » à la détection de ceux qui sont violents ou ivres (décision de première instance, par. 432).

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