Bernard c. R., 2019 QCCA 1227

[34] Par ailleurs, il faut bien admettre que le raisonnement du juge réduit la règle des confessions à une analyse négative, c’est-à-dire qui consiste uniquement à déterminer l’absence ou la présence de menaces ou de promesses explicites[25]. La preuve doit plutôt permettre une réelle analyse contextuelle[26]. Déjà au début du siècle dernier, la Cour suprême énonçait, dans Sankey v. The King, qu’un minimum de preuve de l’ensemble des circonstances de la prise de la déclaration doit être présenté[27].

[29] En vertu de la règle des confessions, issue de la common law, la déclaration extrajudiciaire de l’accusé à une personne en autorité, qu’elle soit incriminante ou disculpatoire[12], est en principe inadmissible lors de son procès, à moins que la poursuite ne démontre, par une preuve hors de tout doute raisonnable, qu’elle a été faite volontairement[13]. Cette règle trouve application lors même que le déclarant n’est ni arrêté ni détenu[14]. L’analyse du caractère libre et volontaire de la déclaration est contextuelle[15]. Il appartient au tribunal de s’efforcer de bien comprendre les circonstances de la confession et de se demander si elles soulèvent un doute raisonnable quant à son caractère volontaire[16]. L’existence ou l’absence d’une mise en garde est un facteur important, sans être nécessairement déterminant, pour trancher cette question[17].

[30] Si le ou la juge du procès examine toutes les circonstances pertinentes et applique correctement le droit, il y a alors lieu de faire preuve de déférence à l’égard de sa décision concernant le caractère libre et volontaire de la déclaration en litige puisqu’il s’agira dès lors d’une question de fait, ou mixte de fait et de droit[18]. Dans cette situation, seule la démonstration d’une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve justifiera l’intervention en appel[19]. Un désaccord avec le ou la juge de première instance relativement au poids qu’il convient d’accorder à divers éléments de preuve ne constitue pas un motif justifiant d’infirmer sa conclusion à l’égard du caractère volontaire d’une confession[20].

[31] L’appelant soutient essentiellement que le juge d’instance a erré en droit dans son application du fardeau de la preuve dans le cadre du voir-dire. Plus précisément, il « soumet que le raisonnement mis de l’avant par le juge d’instance équivaut à dire : puisque les témoins n’ont aucun souvenir des circonstances de la déclaration faite le 1er septembre 1987, l’intimée a rencontré son fardeau de preuve car il y a absence de preuve du caractère involontaire de ladite déclaration. »[21]. Effectivement, la preuve administrée, c’est-à-dire le témoignage de l’ex-enquêteur concerné, est des plus minces, notamment en ce que ce dernier n’a pris, à l’époque, aucune note de la rencontre. Ainsi, il n’est pas en mesure de fournir au tribunal des informations élémentaires telles que le lieu de l’échange et la durée de celui-ci. Son unique certitude est qu’il a rencontré l’appelant à titre de témoin et ne lui a pas donné son droit à l’avocat pour cette raison.

[32] Au stade de l’argumentation, l’intimée a soutenu devant le juge du procès qu’ « [i]l aurait suffi que monsieur Bernard prenne la boîte puis vienne vous dire écoutez, moi quand j’ai fait la déclaration, j’étais – – on est sur voir-dire, là, il y a quand même un minimum. »[22]. Visiblement, la poursuite se méprend sur le fardeau qui est le sien. Il est bien entendu qu’une confession ne sera pas jugée inadmissible si elle a été faite dans des circonstances qui ne soulèvent pas de doute raisonnable quant à son caractère volontaire, mais encore faut-il que la poursuite présente une quelconque preuve de ces circonstances. De la même façon, la décision du premier juge mérite déférence dans la mesure où celui-ci a examiné toutes les circonstances pertinentes et appliqué correctement le droit[23].

[33] En l’espèce, le juge de première instance a retenu que « [r]ien ne démontre dans la preuve qu’il était détenu ou qu’il a été l’objet de menaces ou de contraintes pour donner sa version de certains faits comme témoin » et que « [r]ien dans la preuve sur le voir-dire ne laisse voir quelque subterfuge utilisé par l’enquêteur. » Le juge n’a pas eu tort puisque la preuve offerte par l’intimée ne révèle que très peu des circonstances entourant l’obtention de la déclaration. L’intimée elle-même concède que « [l]’agent Houle se remémore bien certains aspects de la déclaration, quoique ses souvenirs soient limités. »[24].

[34] Par ailleurs, il faut bien admettre que le raisonnement du juge réduit la règle des confessions à une analyse négative, c’est-à-dire qui consiste uniquement à déterminer l’absence ou la présence de menaces ou de promesses explicites[25]. La preuve doit plutôt permettre une réelle analyse contextuelle[26]. Déjà au début du siècle dernier, la Cour suprême énonçait, dans Sankey v. The King, qu’un minimum de preuve de l’ensemble des circonstances de la prise de la déclaration doit être présenté[27] :

We feel, however, that we should not part from this case without expressing our view that the proof of the voluntary character of the accused’s statement to the police, which was put in evidence against him, is most unsatisfactory. That statement, put in writing by the police officer, was obtained only upon a fourth questioning to which the accused was subjected on the day following his arrest. Three previous attempts to lead him to « talk » had apparently proved abortive—why, we are left to surmise. The accused, a young Indian, could neither read nor write. No particulars are vouchsafed as to what transpired at any of the three previous « interviews »; and but meagre details are given of the process by which the written statement ultimately signed by the appellant was obtained. We think that the police officer who obtained that statement should have fully disclosed all that took place on each of the occasions when he « interviewed » the prisoner; and, if another policeman was present, as the defendant swore at the trial, his evidence should have been adduced before the statement was received in evidence. With all the facts before him, the learned judge should form his own opinion that the tendered statement was indeed free and voluntary as the basis for its admission, rather than accept the mere opinion of the police officer, who had obtained it, that it was made  » voluntarily and freely. »

It should always be borne in mind that while, on the one hand, questioning of the accused by the police, if properly conducted and after warning duly given, will not per se render his statement inadmissible, on the other hand, the burden of establishing to the satisfaction of the court that anything in the nature of a confession or statement procured from the accused while under arrest was voluntary always rests with the Crown. The King v. Bellos (1927 CanLII 39 (SCC), [1927] S.C.R. 258); Prosko v. The King ((1922) 1922 CanLII 584 (SCC), 63 Can. S.C.R. 226). That burden can rarely, if ever, be discharged merely by proof that the giving of the statement was preceded by the customary warning and an expression of opinion on oath by the police officer, who obtained it, that it was made freely and voluntarily.

[Soulignements ajoutés]

[35] Vu ce qui précède, il m’apparaît que le juge de première instance a erré en droit en admettant la déclaration extrajudiciaire faite par l’appelant le 1er septembre 1987.

[36] L’intimée, étant d’opinion que ce premier moyen devait échouer, n’a nullement invoqué la disposition réparatrice. Sa preuve reposant en très grande partie sur les déclarations extrajudiciaires de l’appelant, il convient de souligner que le juge a permis que sa déclaration du 1er septembre 1987 soit utilisée contre lui lors de son contre-interrogatoire sans que celle-ci ait été produite[28], ce qui militerait en faveur d’un nouveau procès. J’estime nécessaire, néanmoins, de traiter des autres moyens d’appel.