Proférer des menaces (264.1 C.cr.)
*À noter que la jurisprudence citée provient soit du Code criminel annoté Cournoyer-Ouimet, du Code criminel annoté Dubois-Schneider ou encore de nos recherches personnelles.
De façon générale, voici les éléments que le ministère public doit démontrer relativement à l’infraction d’avoir proférer des menaces:
Fondement : «Le législateur, lorsqu’il a créé cette infraction, a reconnu que l’acte de menacer permet à la personne qui profère la menace d’utiliser l’intimidation pour atteindre son but. Il n’est pas nécessaire que la menace soit exécutée; l’infraction est complète lorsque la menace est proférée. Elle est destinée à faciliter la réalisation du but visé par la personne qui profère la menace. Une menace est un moyen d’intimidation visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire. Le but et l’objet de l’article sont d’assurer une protection contre la crainte et l’intimidation. Le législateur, lorsqu’il a adopté l’article, a agi pour protéger la liberté de choix et d’action de la personne, une question d’une importance fondamentale pour les membres d’une société démocratique.» (R. c. McCraw 1991 CanLII 29 (CSC))
ACTUS REUS
Identification;
A soit, selon le cas :
Proféré;
Transmis;
Fait recevoir par une personne;
Une menace de soit :
Causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un
Des lésions corporelles sont une « blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance (art. 2 C.cr.);
L’expression lésions corporelles comprend la blessure psychologique grave et importante. Il soit s’agir d’une blessure psychologique qui nuit de manière importante à la santé ou au bien-être du plaignant (R. c. McRaw, [1991] 3 R.C.S. 72);
« à quelqu’un » : La loi n’exige pas que la poursuite amène la preuve de l’identité de la victime. La menace de causer la mort à un membre d’un groupe déterminé de citoyens constitue une violation de cet article. […] L’infraction prévue à l’article 264.1 C.cr. est complète dès lors que la menace est proférée. Elle a pour but de protéger les personnes contre l’intimidation et la crainte. (R. c. Rémy, 1993 CanLII 3851 (QC CA))
De brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles;
De tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un
L’actus reus de l’infraction est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. Pour décider si une personne raisonnable aurait considéré les paroles prononcées comme une menace, le tribunal doit les examiner objectivement, en tenant compte des circonstances dans lesquelles elles s’inscrivent, de la manière dont elles ont été prononcées et de la personne à qui elle est destinée (R. c. Clemente, [1994] 2R.C.S. 758).
MENS REA
Crime d’intention spécifique
La mens rea de l’infraction est l’intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, i.e comme visant à intimider ou à être pris au sérieux (R. c. Clemente, [1994] 2 R.C.S. 758).
Autrement dit, le fait que l’accusé n’ait pas eu l’intention de mettre à exécution ses menaces n’est pas un élément essentiel de l’art. 264.1 C.cr. La mens rea est l’intention de menacer et que la menace soit prise au sérieux, mais pas nécessairement d’exécuter la menace (R. c. Leblanc,[1989] 1 R.C.S. 1583).
La question de savoir si l’accusé avait l’intention d’intimider ou si les termes qu’il a employés visaient à être pris au sérieux sera habituellement tranchée, en l’absence d’explication de l’accusé, en fonction des mots utilisés, du contexte dans lequel ils s’inscrivent et de la personne à qui ils étaient destinés (R. c. Clemente, [1994] 2 R.C.S. 758).
La réaction de la personne concernée par la menace est pertinente relativement à l’analyse du contexte :
[10] Après avoir correctement exposé les principes applicables, la juge du procès a plutôt estimé, à juste titre, qu’elle était tenue [traduction] « d’envisager les mots [prononcés par M. O’Brien] à la lumière du témoignage de [la personne à qui ils étaient destinés] ». Ce témoignage était pertinent, et donc admissible pour apprécier le contexte dans lequel les mots s’inscrivaient (R. c. O’Brien, 2013 CSC 2).
Il n’est pas nécessaire de prouver que la personne visée par la menace se soit sentie menacée ou en danger. La réaction de cette personne est toutefois pertinente pour déterminer s’il y a eu menace (R. c. McDonald (2002) (C.A. Ont.)
La notion de cercle fermé n’existe pas en droit pénal canadien :
La notion de « cercle fermé » est donc non fondée en droit. Les menaces sont des outils d’intimidation et de violence. Pour cette raison, dans toute situation où les menaces sont exprimées dans l’intention qu’elles soient prises au sérieux, même à des tiers, les éléments de l’infraction seront établis (R. c. McRae, 2013 CSC 68).