La présomption d’identité (identity presumption) :

L’alcoolémie du sujet au moment de la conduite (donc de l’infraction alléguée) correspondrait à celle enregistrée au moment de l’épreuve d’alcootest.

La « preuve contraire » toujours admissible pour réfuter la présomption d’identité :

 Voir notamment : Lemieux c. R., 2013 QCCS 4420  :

[13]        On dit qu’un événement est probable lorsque sa réalisation ou son existence, sans être certaine, peut ou doit être affirmée plutôt que niée compte tenu des informations possédées et des règles de la logique…

[14]        Cette définition, tirée de « Le Grand Robert – Dictionnaire de la langue française », évoque la prépondérance de la preuve, un fardeau plus exigeant que celui de soulever un doute raisonnable.

[15]        L’un comme l’autre de ces fardeaux doit cependant avoir un fondement factuel probant.

[16]        L’expert conclut donc que l’existence chez l’appelant, le 20 février 2011 à 3 h 33, d’une alcoolémie inférieure à .08 qui, sans être certaine, peut être affirmée plutôt que niée si comme, en l’espèce, son scénario de consommation est retenu. A-t-il ainsi renversé la présomption d’identité ou devrait-il en faire davantage?

[17]        Le paragraphe d.1) de l’article 258 (1) C. cr. prévoit que la présomption d’identité peut être repoussée par une :

… preuve tendant à démontrer que la consommation d’alcool par l’accusé était compatible avec, à la fois :

(i)            une alcoolémie ne dépassant pas quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent (100) millilitres de sang au moment où l’infraction aurait été commise,

(ii)            l’alcoolémie établie par les analyses visées aux alinéas c) ou d), selon le cas, au moment du prélèvement des échantillons.

[18]        Que la preuve offerte constitue ou non une preuve de chevauchement, les exigences relatives à la preuve contraire susceptible de contrer les effets de présomption d’identité sont les mêmes.

[19]        Dans R. c. Boucher 2005 CSC 72 (CanLII), [2005] 3 R.C.S. 499, la plus haute Cour rappelle qu’il suffit que la preuve contraire soulève un doute raisonnable à l’effet que le certificat ne reflète pas correctement le taux d’alcoolémie au moment de l’infraction.

[20]        L’opinion de l’expert relativement au taux d’alcoolémie repose, en l’espèce, sur un scénario de consommation affirmé par l’appelant. Si le témoignage de ce dernier n’est pas retenu par le juge des faits, celui de l’expert ne fait qu’apporter des données théoriques qui ne sauraient éclairer le Tribunal et constituer une preuve contraire[2].

[21]        À l’opposé, lorsque retenue, la version de l’appelant combinée à l’opinion favorable de l’expert devrait suffire à renverser la présomption.

[22]        Or, ce que retient le juge relativement au poids de la preuve de la défense est que l’impossibilité de déterminer avec précision une fourchette de résultats chevauchant la limite jumelée à l’ignorance des probabilités situées dans cette fourchette, anéantit la valeur de cette « preuve contraire ».

[23]        Or, la loi n’exige pas de l’appelant qu’il fasse une telle démonstration et il lui suffit, pour renverser la présomption d’identité, de soulever un doute raisonnable que son taux d’alcoolémie au moment de l’infraction était différent de celui qui a été mesuré au moment de l’alcootest et inférieur à .08.

[24]        Il était erroné d’exiger de lui davantage. La preuve de l’appelant était donc admissible et pertinente à résoudre la question en litige. Il importe, à cet égard, de souligner que le juge ne pouvait, au moment où il rend la décision, le 15 janvier 2013, profiter des enseignements de la Cour suprême dans R. c. Ibanescu[3]* qui n’a été rendue que le 30 mai 2013 et qui infirme l’arrêt de la Cour d’appel du Québec.

[25]        De plus, la valeur probante de la preuve offerte ne peut dépendre uniquement de l’existence ou non d’une démonstration de résultats chevauchant de façon plus ou moins éloignée de la limite légale.

[26]        La preuve qui est crue et qui tend à démontrer une alcoolémie, au moment de l’infraction, différente du résultat de l’alcootest et inférieure à la limite suffit en principe à rendre inopérante la présomption d’identité et à soulever un doute raisonnable de la culpabilité.

[27]        À défaut du bénéfice de la présomption d’identité, le ministère public pouvait apporter à la connaissance du juge une preuve démontrant une alcoolémie supérieure à .08 au moment de la conduite du véhicule à 3 h 33, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

head_img_01