Célant c. R., 2019 QCCA 198

L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 15 septembre 2017 par la Cour supérieure (l’honorable Richard Grenier), district de Baie-Comeau, qui a trouvé l’appelant coupable de l’infraction de conduite d’un véhicule à moteur avec une alcoolémie dépassant quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang, renversant ainsi le verdict d’acquittement prononcé en Cour du Québec.

[14]        La permission d’appeler a été accordée sur les questions de droit suivantes[3] :

  1. Quels sont les critères qui permettent au/à/la technicien/ne qualifié/e de déterminer qu’un échantillon d’haleine permet une analyse convenable, selon l’article 254(3)(a)(i) du Code criminel?
  2. Lorsque le technicien qualifié détermine que l’échantillon d’haleine ne permet pas une analyse convenable, mais que l’alcootest enregistre malgré tout un résultat, le technicien qualifié doit-il conserver ce résultat et l’inclure dans son rapport pour fin éventuelle de divulgation à l’accusé?
  3. Les réponses à ces questions sont-elles susceptibles de renverser les présomptions d’exactitude et d’identité prévues à l’article 258(1)(c) du Code criminel, en raison de l’utilisation incorrecte de l’alcootest?

[…]

[16]        La jurisprudence reconnaît depuis longtemps qu’en vertu de cette disposition, le technicien qualifié a le pouvoir de s’assurer du caractère adéquat des échantillons requis pour procéder à une analyse convenable et qu’un échantillon ou une analyse rejetée en raison de son opinion ne constitue pas un échantillon au sens de l’article 258(1)c) C.cr., qui confère la présomption d’exactitude et d’identité aux résultats de l’alcootest[4]. Comme l’écrivait le juge Howland pour la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Perrier[5] :

In my opinion the words « each sample » in s. 237(1)(c)(ii) (iii) and (iv)[6] must be interpreted in conjunction with s. 235(1)[7]. The words « each sample » in these subsections means each sample which in the opinion of a qualified technician is necessary to enable a proper analysis to be made within s. 235(1). […] The words « each sample » in s. 237(1)(c)(ii) (iii) and (iv) do not include any sample of which in the opinion of the qualified technician a proper analysis cannot be made. […]

If each sample within s. 237(1)(c) included a sample of which a proper analysis could not be made, then it would unduly limit the operation of the presumption in that section and would not give proper effect to s. 235(1). It is also hard to credit that Parliament intended a sample to be analyzed which was not capable of proper analysis. […]

[17]        Le juge Howland précise cependant que « [i]t is of course important that a chemical analysis be made of each sample of which a proper analysis can be made so that the accused will not be deprived of an analysis which may be more favourable to him ». Par conséquent, le pouvoir accordé au technicien qualifié doit être exercé raisonnablement par ce dernier.

[18]        Dans cette affaire, la décision du technicien qualifié de rejeter un échantillon résultant d’un souffle par ailleurs adéquat qui s’était par la suite partiellement échappé de l’appareil en raison du détachement d’un tuyau a été considérée comme un exercice raisonnable de la discrétion que lui accorde l’article 254(3)a)(i) C.cr.

[19]        Cela dit, l’exercice par le technicien de sa discrétion n’est pas réservé aux seuls cas où le caractère inadéquat de l’échantillon aux fins d’analyse convenable résulte d’un mauvais fonctionnement de l’appareil après un souffle suffisant. Il se peut également que l’échantillon soit jugé inadéquat par le technicien en raison de l’insuffisance même du souffle de l’accusé. Dans R. v. Bell, le juge Salhany explique que l’insuffisance du souffle peut revêtir deux formes[8] :

4         Constable Culham testified that he advised the appellant to make a tight seal with his lips around the mouthpiece and blow as long and as hard as he could into the breathalyzer machine. The machines requires at least 56-1/2 millilitres of breath sample to raise the piston to the top. Once the piston reaches the top, a green light is activated indicating that there is a sufficient sample for analysis. Since the breathalyzer is intended to analyze deep lung air, the technician is required to ensure that the sample of breath inserted into the machine comes from the lungs and not the mouth of the subject. The Criminal Code recognizes the necessity of entrusting to the technician the discretion to require from the subject « samples of his breath as in the opinion of a qualified technician . . . are necessary to enable a proper analysis to be made . . . » (s. 235(1) of the Criminal Code). In my view, this envisages two possible situations. The first is where the technician concludes that there is not a sufficient sample « capable » of analysis because the piston has not been raised to the top of the machine. The second situation is where the sample itself is not « suitable » for analysis because it is not deep lung air. Once these two criteria are met then, in my view, the officer is not entitled to refuse arbitrarily to analyze the sample. His refusal to analyze a sample must be bona fides […]

[Soulignements ajoutés]

[20]        Partant, contrairement à la prétention de l’appelant, rien n’empêche le technicien de refuser un échantillon même si l’appareil a déclenché ou produit une analyse. Le simple fait qu’une analyse soit déclenchée ne signifie pas que l’échantillon est valide. Bien entendu, le technicien doit fournir les explications qui ont motivé sa décision. Comme l’indique le juge Salhany : « […] it was incumbent on the police officer to explain what he meant by a suitable analysis. As indicated earlier, it is not a discretion to be exercised arbitrarily or capriciously »[9].

[21]        Ces enseignements ont été suivis par la suite,  nonobstant les avancées technologiques en matière d’alcootest.

[22]        Ainsi, dans l’affaire R. v. Rourke, le technicien qualifié avait rejeté le deuxième échantillon fourni par l’accusé et analysé par l’appareil au motif que ce dernier avait soudainement arrêté de souffler. Comme en l’espèce, le technicien a témoigné que le souffle était à son avis insuffisant pour fournir un échantillon adéquat d’air alvéolaire (« deep lung air »), et ce, même si la quantité d’air s’était avérée suffisante pour déclencher automatiquement une analyse par l’appareil. Siégeant en appel des poursuites sommaires, le juge Belzil de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta écrit[10] :

30       The wording of s. 254(3)(a) has not been amended, and it must be noted that over the years a number of more advanced types of breathalyzer instruments have been certified for use in Canada, and one can only presume that as technology continues to evolve, newer and more advanced machines will be certified for use in the future.

31        The fact remains, however, that the advent of more advanced technology has not ousted the requirement that a qualified technician obtain the breath samples.

32        Surely, when Parliament in s. 254(3)(a) used the words « as in the opinion of a qualified technician… » it intended that there would be a discretion vested in the technician to determine whether the sample is or is not suitable for analysis. This clearly incorporates a subjective element as it would be impossible to incorporate an objective test which would cover all technicians in all circumstances for all accused.

[…]

43        It seems to me that if the Appellant’s argument were accepted, this would lead to the result that the discretion vested in the technician by Parliament would be rendered nugatory by the electronic operation of a machine.

44        In my view, the advent of new computerized technology has not ousted the discretion vested in the technician by Parliament, and that in circumstances such as these where the finding that the discretion was properly exercised is supported by the evidence, no error can be found.

[23]        Comme l’a écrit le juge Pronovost dans une décision citée par le ministère public dans son mémoire : « C’est le technicien qualifié qui décide de la qualité des échantillons et non la machine »[11].

[24]        Dans R. c. Lessard, le juge Trudel écrivait pour sa part que le technicien qualifié a le pouvoir de décider de la validité d’un échantillon d’haleine « sans égard au fait qu’il ait été analysé ou non par l’appareil »[12], faute de quoi l’article 254(3) serait vide de sens[13].

[25]        À ce sujet, il est par ailleurs intéressant de rapporter les propos du juge Chapdelaine dans l’affaire R. c. Drolet au sujet du rôle du technicien qualifié, alors qu’il discute de la preuve d’expert portant sur la fiabilité des appareils Alco-Sensor IV-RBT IV (utilisé en l’espèce par le sergent) et Intoxilyzer 5000C[14] :

[87]      De l’avis de tous les experts, les alcootests sont des instruments scientifiques utilisés pour effectuer des mesures scientifiques, mais ces appareils sont opérés dans des conditions différentes de celles d’un environnement traditionnel de laboratoire.

[88]      C’est pourquoi, de l’avis de tous ceux qui ont eu à se prononcer sur cette question, la formation du technicien qualifié est très importante et le rôle qu’il joue dans le processus de prélèvement et d’analyse d’échantillons d’haleine est crucial.

[…]

[92]      Tous les experts s’entendent pour dire que le processus de prélèvement d’échantillons d’haleine est capital.

[…]

[96]      Il [le technicien qualifié] doit donner des explications claires sur la façon de fournir l’échantillon d’haleine, car il souhaitera obtenir le dernier tiers d’une exhalation profonde. La variabilité des résultats des analyses est à plus de 80 % le fait de l’échantillonnage. Il doit aussi s’assurer que le sujet ne fait pas d’hypoventilation ni d’hyperventilation, des conditions pouvant respectivement surestimer ou sous-estimer l’alcoolémie du sujet de près de 15 %.

[97]      Le technicien qualifié est aussi la personne qui détermine au cours du processus de prélèvement si l’échantillon d’haleine obtenu est convenable. Il doit de plus inscrire un certain nombre de données dans l’appareil. Finalement, il est tenu de colliger certaines informations.

[98]      Il est possible pour le technicien qualifié de modifier l’heure du prélèvement d’un échantillon. De même, il peut, sur un des alcootests (Alco-Sensor IV-RBT IV), annuler l’analyse d’un échantillon après l’affichage du résultat,  avant qu’il ne soit imprimé.

[Soulignements ajoutés]

[26]        La preuve présentée dans ce dossier, à laquelle la juge Deschamps fait référence dans R. c. St-Onge Lamoureux[15], soutient la thèse selon laquelle le ou la technicienne qualifiée n’est pas qu’une simple exécutante dont le rôle se limite à mettre en marche un appareil qui fait ensuite tout le travail. Son jugement professionnel est au contraire crucial pour le prélèvement d’échantillons permettant des analyses fiables de l’alcoolémie du prévenu.

[27]        C’est au technicien qualifié, et non à l’appareil, il faut le répéter, que les législateur/es ont choisi de confier la tâche de s’assurer de la fiabilité des résultats.

[28]        L’unique question est donc de savoir si la/le technicien qualifié a bien exercé sa discrétion lorsqu’il rejette un échantillon ou une analyse. Pour ce faire, il doit nécessairement témoigner. Le juge Fontana écrit à ce sujet dans R. v. Cunningham[16] :

19        So then the issue becomes, did the qualified breath technician properly exercise his discretion […] We know of course that he has no untrammelled discretion to discard those readings. […] The opinion which the officer provides to the effect that one or more of the samples were not suitable must be founded upon a proper grounding of fact. It may be that he is not obliged to disclose his reasoning or the fact to the accused at the time of breath sampling but certainly he has an obligation to disclose it to the court so that the court can make the assessment as to whether the opinion, his opinion, is fully grounded. The court cannot assess whether the officer’s discretion was properly exercised in the absence of evidence of that fact […]

[29]        Il s’agit bien entendu d’une analyse qui se fera au cas par cas, en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Dans tous les cas, la décision du ou de la technicienne qualifiée ne saurait être arbitraire.

[30]        Autrement, accepter la position défendue par l’appelant reviendrait à dire que,  lorsque l’appareil a produit une analyse, seul un mauvais fonctionnement de celui-ci permettrait de rejeter le test. Cette thèse n’est pas conforme à la jurisprudence discutée ci-dessus et elle a clairement été rejetée par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Dobrowolski[17] :

1         The appellant asserts that once a qualified breathalyzer technician submits a breath sample for analysis and an approved instrument produces a result, absent any indication that the approved instrument has malfunctioned, the sample is a sample « necessary to enable proper analysis » within the meaning of s. 254(3) of the Criminal Code and the technician has no discretion to reject it. We do not accept that submission. On a plain reading of s. 254(3) there is no such limitation in the section.

[31]        Dans cette affaire, le juge Power de la Cour supérieure de l’Ontario avait pour sa part écrit[18] :

33        In conclusion, therefore, in my opinion, an « analysis », as the word is used in ss. 254 and 258(2), means an analysis which, in the opinion of an approved qualified technician, is a reliable one. In other words, where there is credible evidence that the result is not reliable it, the unreliable result, need not be taken into account even though the reading might be the lower or lowest of two or more. It can be rejected because it will not permit a « proper analysis to be made in order to determine the concentration, if any, of alcohol in the person’s blood … »

34        I conclude that there are no valid policy reasons why a breath technician cannot, in circumstances such as here, reject a reading where he or she, honestly exercising his or her professional training and experience, knows to be an unreliable one, even where there is no evidence of the device malfunctioning, but where there is evidence that the accused contributed to the low reading by his or her conduct.

[32]        En l’espèce, ni l’appelant ni le juge du procès ne remettent en doute que, lors de la prise du second échantillon, l’appelant a arrêté d’expirer avant que le sergent technicien qualifié ne lui ait indiqué de ce faire[19]. Par conséquent, il est difficile de remettre en doute la bonne foi du technicien qualifié, lorsqu’il a témoigné qu’il s’agissait à son avis d’un échantillon inadéquat, lequel ne permettait pas de procéder à une analyse convenable de l’alcoolémie de l’appelant. Il est intéressant de noter que l’expert de la défense, dans son rapport, écrit au sujet de la procédure enseignée que « [l]e TQ doit s’assurer des critères débit, volume, expiration complète et temps »[20]. Il indique également que l’appareil utilisé en l’espèce déclenche une analyse lorsque « le volume minimal d’haleine requis » est atteint. Par conséquent, le témoignage du sergent selon lequel le souffle émis par l’appelant était insuffisant pour contenir un échantillon adéquat d’air alvéolaire, malgré qu’il ait rempli les caractéristiques minimales de l’appareil, n’a rien de surprenant, bien au contraire.

[33]        Ceci dit, l’invalidation permanente du deuxième test par le technicien qualifié, dans les circonstances que l’on connaît, a-t-elle privé l’appelant d’un élément de preuve pertinent pour la conduite de sa défense? La Cour d’appel de l’Ontario a répondu par la négative à une question identique dans l’arrêt R. v. Melville[21] :

2         The second ground of appeal arises out of the conduct of the intoxilyzer test. After a proper demand, the appellant provided a sample of his breath which registered a reading of .93. The technician then, following the established practice, waited fifteen minutes and demanded the second sample contemplated by the statutory scheme. The appellant provided a breath sample and the machine began to analyze that sample. The readings that appeared on the machine as it analyzed the sample initially increased in small amounts, but then dropped precipitously causing the technician to abort the analysis, determine that the sample was unsuitable and demand a further sample. That sample yielded a reading of .103.

3         Counsel for the appellant forcefully argues that the failure to keep a printout or other record of the aborted second analysis contravenes the appellant’s rights under s. 7 of the Charter and invalidates the analysis of the other two samples upon which the conviction was based.

4         We disagree. The language of s. 254(3) of the Criminal Code as interpreted in R. v. Dobrowski, [2005] O.J. No. 2576 contemplates that a qualified technician may in the course of administering a test, determine that a sample is unsuitable in which case a demand for a further sample may be made under the scheme. In this case, the qualified technician made the assessment based on her training that the second sample provided by the appellant was not suitable for analysis. Whether she was ultimately, as a matter of science, right or wrong in that assessment is irrelevant. Under the statutory scheme, she was entitled to make that assessment in good faith. Her good faith was not challenged in this proceeding.

5         Once it is accepted, as it must be on the authorities, that the qualified technician was entitled to reject the second sample as inadequate, the results of the partial or aborted analysis of that inadequate sample could not have potentially assisted the appellant in any way in his defence on the « blowing over » charge.

[Soulignements ajoutés]

[34]        L’appelant prétend que la décision de la Cour suprême dans R. c. St-Onge Lamoureux a modifié l’état du droit en la matière. Il n’en est rien. Dans cette affaire, la majorité a refusé de se prononcer sur la nature et sur l’étendue de la preuve qui pourrait être pertinente pour l’accusé qui souhaite soulever un doute quant au bon fonctionnement ou à l’utilisation correcte de l’appareil approuvé[22] :

[42]      Comme la nature et l’étendue de la preuve qui pourrait être jugée pertinente n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire dans le présent pourvoi, il ne convient pas d’en étudier les limites précises. Je me contenterai de signaler que, suivant la preuve retenue par le juge de première instance, lors d’une accusation fondée sur l’al. 253(1)b) C.cr., plusieurs éléments de preuve peuvent être transmis à la personne accusée, par exemple les relevés de l’alcootest, le certificat du technicien qualifié et celui de l’analyste concernant l’échantillon d’alcool type.

[35]        S’il est vrai que la juge Deschamps réfère dans ce paragraphe aux relevés de l’alcootest, elle précise plus loin que l’accusé a droit à la communication des éléments pertinents pour faire valoir une « défense réelle » :

[78]      Bien que le législateur exige maintenant une preuve tendant à établir une défaillance dans le fonctionnement ou l’utilisation de l’appareil, cela ne limite pas pour autant les éléments qui peuvent être raisonnablement utilisés par la personne accusée pour soulever un doute sur ces aspects. En effet, les personnes accusées peuvent demander communication des éléments pertinents qui sont raisonnablement disponibles pour leur permettre de faire valoir une défense réelle. En cas de refus, la personne accusée peut invoquer les règles régissant la communication de la preuve ainsi que les réparations qui peuvent être accordées à cet égard […]

[Soulignements ajoutés]

[36]        Or, comme l’énonçait la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Melville précité, un échantillon rejeté pour un motif valable par le technicien qualifié n’est d’aucune aide pour la défense de l’accusé. En l’espèce, même si le sergent avait imprimé le résultat de l’analyse plutôt que de l’effacer, l’appelant n’avait rien à en tirer du moment que l’on accepte le témoignage du technicien qualifié que son souffle incomplet ne permettait pas une analyse convenable.

[37]        Il est vrai que la Cour suprême, dans R. c. Gubbins[23], a précisé que les relevés établis au moment des analyses sont des documents pertinents à la question d’un possible mauvais fonctionnement de l’appareil.

[38]        On peut certes concevoir que, suivant les circonstances propres à chaque affaire, l’annulation irrévocable d’une analyse par le technicien qualifié à la suite d’un mauvais fonctionnement de l’appareil ou d’une manipulation incorrecte de celui-ci puisse être utile à l’accusé pour comprendre ce qui s’est passé et tenter de soulever un doute sur la fiabilité des résultats et, ainsi, repousser la présomption d’exactitude et d’identité. Il est cependant beaucoup plus difficile d’accepter qu’il puisse en être ainsi lorsque l’annulation d’une analyse résulte non pas d’une défaillance liée au mauvais fonctionnement ou à la manipulation incorrecte de l’alcootest, mais bien d’un agissement de l’accusé, comme en l’espèce, volontaire ou non.

[39]        Le 6 décembre dernier, dans l’arrêt R. c. Cyr-Langlois, la Cour suprême a résumé en ces termes le fardeau de preuve qui incombe à l’accusé qui entend repousser la présomption d’exactitude et d’identité[24] :

[4]        L’accusé se décharge de son fardeau si les conditions suivantes sont réunies : (i) il offre une preuve portant directement sur le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’appareil et (ii) il établit que ce vice tend à mettre en doute la fiabilité des résultats. Chacune de ces conditions comporte un volet théorique et un volet pratique. En conséquence, pour établir l’utilisation incorrecte de l’appareil, il faut d’abord conclure qu’une procédure précise est généralement requise (volet théorique), puis établir que celle-ci n’a pas été respectée dans les faits (volet pratique). La preuve qui permet d’inférer que ce vice tend à mettre en doute la fiabilité des résultats doit également être envisagée de la même manière. Il est satisfait au volet théorique s’il est prouvé que la procédure en question a pour objectif d’assurer la fiabilité des résultats. Pour le volet pratique, la preuve doit établir que ce vice est susceptible ici d’avoir influé sur la fiabilité des résultats.

[40]        La majorité précise que pour soulever un doute raisonnable, la possibilité réelle que le vice de fonctionnement ou d’utilisation « ait influé sur la fiabilité des résultats » doit être « suffisamment sérieuse »[25]. Par conséquent, la simple utilisation incorrecte qui ne tend pas à remettre en doute la fiabilité des résultats ne suffit pas[26].

[41]        Or, la faiblesse de la thèse défendue par l’appelant, et retenue par le juge du procès, est justement que l’utilisation incorrecte de l’appareil alléguée, soit l’avortement pour souffle insuffisant d’un seul test sur les trois tests réalisés en l’espèce, ne permet aucunement de remettre en doute la fiabilité des résultats des analyses des échantillons 1 et 3. Le relevé du deuxième test, même s’il avait été imprimé, n’aurait été d’aucun secours à l’appelant puisque son absence de fiabilité aurait résulté d’un souffle insuffisamment profond pour contenir l’air alvéolaire recherché par le technicien qualifié, et non d’une défaillance de l’appareil ou d’une utilisation incorrecte de l’appareil susceptibles de déteindre sur la fiabilité des résultats des analyses des deux autres échantillons dont les prélèvements ne font l’objet d’aucun reproche. C’est avec raison que le juge de la Cour supérieure a renversé l’acquittement et trouvé l’appelant coupable de l’infraction reprochée.

[42]        Pour ces motifs, je propose de REJETER le pourvoi.