Nature de la distinction
La distinction entre un crime d’intention générale et un crime d’intention spécifique est la suivante :
L’infraction d’intention générale est celle pour laquelle l’intention se rapporte uniquement à l’accomplissement de l’acte en question, sans qu’il y ait d’autre intention ou dessein. L’intention minimale d’avoir recours à la force qui doit exister dans le cas de l’infraction de voies de fait en est un exemple.
Une infraction d’intention spécifique se caractérise par la perpétration de l’actus reus assortie d’une intention ou d’un dessein qui ne se limite pas à l’accomplissement de l’acte en question. Frapper une personne ou lui administrer du poison avec l’intention de la tuer, ou encore commettre des voies de fait avec l’intention de mutiler une personne ou de lui infliger des blessures, voilà des exemples de telles infractions (R. c. Bernard, [1988] 2 S.C.R. 833 au para. 61).
Si l’on résume à nouveau, d’une part, les actes de la première catégorie sont accomplis intentionnellement en ce sens qu’ils ne sont pas le produit d’un accident ou d’une erreur. L’intention générale signifie donc que l’accusé sait ce qu’il fait et a l’intention de faire ce qu’il fait.
D’autre part, les actes de la deuxième catégorie ont été préconçus et constituent des étapes franchies délibérément dans la poursuite d’un objectif illégal. L’intention spécifique se rencontre donc dans les infractions complexes où l’auteur recherche un but ou une conséquence ultérieure.
L’intérêt pratique de la distinction
La distinction présente un intérêt pratique sous trois aspects différents :
1) La défense d’intoxication volontaire
Une personne en état d’intoxication volontaire a un esprit coupable suffisant pour commettre une infraction d’intention générale et est tout aussi coupable qu’une personne sobre qui envisage de façon consciente l’acte illégale. Si l’infraction requiert une intention spécifique, l’état d’esprit coupable requiert la preuve supplémentaire d’un dessein. Ce dessein ultérieur doit être voulu expressément par l’accusé et la preuve d’une simple insouciance ne peut donc suffire dans ce cas. Cela s’explique pourquoi l’intoxication volontaire peut constituer un moyen de défense car elle susceptible de susciter un doute raisonnable quant à l’existence de cette intention spécifique.
2) L’exclusion de l’insouciance
L’intérêt pratique de la distinction se manifeste aussi à un autre niveau. Lorsqu’on exige la preuve d’une intention spécifique, l’état d’esprit d’insouciance ne suffit pas pour condamner l’accusé. L’arrêt Chartrand confirme que l’insouciance ne permet pas de prouver une infraction d’intention spécifique. L’intention spécifique fait appel à un critère plus rigoureux. Elle nécessite de savoir que la conséquence interdite surviendra certainement ou quasi certainement.
3) Le transfert d’intention
La personne qui croit erronément commettre un crime autre que celui qu’elle a commis réellement devrait-elle être tenue responsable? C’est dans ce contexte qu’intervient la doctrine du transfert d’intention.
D’après R. c. Deakin (1974) 16 C.C.C. 1 (C.A. Man.), pour pouvoir transférer l’intention à l’intérieur des infractions identiques d’intention spécifiques, il faut avoir une disposition législative qui le permette (par ex. 229b) ou 244 ou 322 Cc.r., etc.).
***Attention, semblerait-il que seule cette décision a établi ce principe et il semblerait que les juges auraient interprété d’une façon erroné une décision anglaise.
Source : Traité de droit pénal canadien, 4e édition aux pp. 417 et s. écrit par Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon.