R. c. K.G.K., 2020 CSC 7

L’alinéa 11b) protège à la fois les intérêts de l’accusé et ceux de la société. La dimension individuelle de l’al. 11b) protège les droits de l’accusé à la liberté, à la sécurité de sa personne et à un procès équitable. Sa dimension sociétale reconnaît notamment que les procès instruits en temps utile sont bénéfiques aux victimes et aux témoins, ainsi qu’aux accusés, et inspirent confiance au public envers l’administration de la justice

[24] L’arrêt Jordan visait la culture de complaisance qui avait pris racine dans le système de justice criminelle — une culture qui contribuait à l’écoulement de longs délais avant que l’on traduise un accusé en justice. Lorsque l’arrêt Jordan a été rendu, rien ne suggérait que le temps de délibération en vue du prononcé du verdict s’inscrivait dans cette culture ou contribuait d’une quelconque façon à la création des délais qui s’écoulaient avant que l’on traduise un accusé en justice. Aucune suggestion de la sorte n’a en outre été faite lors de l’audition du présent appel. Qui plus est, les difficultés d’ordre pratique qu’entraînerait l’inclusion du temps de délibération en vue du prononcé du verdict dans les plafonds fixés par l’arrêt Jordan ajoutent foi à la conclusion selon laquelle la Cour n’entendait pas que ce temps soit inclus. Comme je l’expliquerai, il faut plutôt appliquer un test différent pour déterminer si le temps de délibération en vue du prononcé du verdict a porté atteinte aux droits que l’al. 11b) garantit à l’accusé.

Puisque l’al. 11b) protège l’accusé contre les délais déraisonnables jusqu’au moment de la détermination de la peine inclusivement, il s’ensuit forcément que le temps qu’il a fallu au juge pour délibérer et rendre son verdict — toutes des actions qui précèdent le processus de détermination de la peine — est également inclus.

[28] Puisque l’al. 11b) protège l’accusé contre les délais déraisonnables jusqu’au moment de la détermination de la peine inclusivement, il s’ensuit forcément que le temps qu’il a fallu au juge pour délibérer et rendre son verdict — toutes des actions qui précèdent le processus de détermination de la peine — est également inclus.

[29] Cette conclusion trouve un appui supplémentaire dans l’arrêt Rahey. Dans quatre opinions distinctes, la Cour, divisée, a néanmoins conclu à l’unanimité que l’omission du juge de rendre une décision sur une requête en obtention d’un verdict imposé dans un délai raisonnable violait les droits que l’al. 11b) garantit à l’accusé. Le juge Lamer (plus tard juge en chef) (avec l’accord du juge en chef Dickson) a suivi le raisonnement suivant :

En l’espèce, le délai est survenu avant la détermination de la culpabilité ou de l’innocence et ainsi, tant que l’instance est demeurée pendante, l’appelant a continué d’éprouver de la tension et de l’angoisse. [. . .]. Les stigmates résultant d’une inculpation disparaissent non pas lorsque l’inculpé est traduit devant les tribunaux pour subir son procès, mais lorsque le procès prend fin et que la décision est rendue. [p. 610‑611]

De plus, le juge La Forest (avec l’accord du juge McIntyre) a conclu que toute ambiguïté quant à la question de savoir si la portée de l’al. 11b) comprend le temps de délibération peut être résolue par la version française de la disposition qui prévoit que « [t]out inculpé a le droit [. . .] d’être jugé dans un délai raisonnable ». À son avis, le verbe « jugé » a le sens du verbe anglais « adjudicated » et il en a conclu que l’al. 11b) « vise donc clairement la conduite adoptée par un juge en rendant sa décision » (p. 632). En outre, il a reconnu que « les tribunaux, à titre de gardiens des principes enchâssés dans la Charte, doivent eux‑mêmes être assujettis à l’examen que prévoit la Charte dans l’exécution de leurs fonctions », et que « [l]e fait d’être cité rapidement à son procès constituerait une maigre consolation pour un accusé si le procès lui‑même pouvait être prolongé indéfiniment par le juge » (p. 633).

[30] Cela dit, le simple fait que l’al. 11b) vise le temps de délibération en vue du prononcé du verdict ne mène pas inexorablement à la conclusion que ce temps est inclus dans les plafonds fixés par l’arrêt Jordan. Au contraire, comme nous le verrons, les plafonds présumés fixés par cet arrêt n’étaient pas censés viser toute la période à laquelle s’applique l’al. 11b).

Interprétés correctement, les plafonds fixés par l’arrêt Jordan s’appliquent à compter de la date du dépôt des accusations jusqu’à la fin réelle ou anticipée de la présentation de la preuve et des plaidoiries, c’est‑à‑dire lorsque la participation des parties quant au fond du procès est terminée, et que l’affaire est remise au juge des faits.

[40] Dans l’arrêt Jordan, la Cour a reconnu que les tribunaux avaient un rôle à jouer pour modifier la culture de complaisance, mais elle n’a nullement laissé entendre que le temps de délibération des juges contribuait à cette culture. Elle a plutôt invité les tribunaux à changer la « culture en salle d’audience » en mettant en œuvre des procédures plus efficaces pour les procès, notamment des pratiques d’établissement de calendriers, en revoyant leurs régimes de gestion des instances et en faisant des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès (par. 114 et 139; voir aussi R. c. Cody, 2017 CSC 31, [2017] 1 R.C.S. 659, par. 37‑39).

[50] Bref, lorsqu’on l’interprète correctement, l’arrêt Jordan n’a pas tranché la question de savoir comment déterminer si le délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict a porté atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable que l’al. 11b) garantit à l’accusé. Comme je l’ai mentionné, les plafonds présumés fixés par Jordan ne s’appliquent que jusqu’à la fin réelle ou anticipée de la présentation de la preuve et des plaidoiries dans le cadre du procès, et pas plus. Cette interprétation est compatible avec les objectifs de l’arrêt Jordan et permet d’éviter les graves problèmes d’ordre pratique qui surgiraient si les plafonds étaient étendus de manière à viser le temps de délibération en vue du prononcé du verdict. En termes simples, les plafonds présumés fixés par l’arrêt Jordan ne constituent pas le critère approprié pour apprécier le caractère raisonnable du délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict.

Lorsqu’il s’agit de déterminer si le délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict a porté atteinte au droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable, il faut se demander si ce temps de délibération a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstance

[53] Enfin, comme je l’ai expliqué, l’arrêt Jordan n’a pas tranché la question de savoir comment il faut apprécier le temps de délibération en vue du prononcé du verdict aux fins de l’application de l’al. 11b). C’est cette question que je vais maintenant aborder.

[54] À mon avis, lorsqu’il s’agit de déterminer si le délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict a porté atteinte au droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable, il faut se demander si ce temps de délibération a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances[1].

[55] Ce test doit être abordé en tenant compte de la présomption d’intégrité dont bénéficient les juges. Cette présomption « reconnaît que [ces derniers] sont tenus de respecter leur serment professionnel et de s’acquitter des obligations qu’ils ont fait le serment de remplir » (Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30, [2013] 2 R.C.S. 357, par. 17, citant R. c. Teskey, 2007 CSC 25, [2007] 2 R.C.S. 267, par. 29, la juge Abella, dissidente). Dans le cadre de leur devoir de faire respecter les droits garantis par la Charte, les juges ont l’obligation de réduire les délais au minimum à toutes les étapes du procès, notamment à la phase de la délibération en vue du prononcé du verdict. Depuis l’arrêt Jordan, les juges — comme tous les participants au système de justice — doivent demeurer pleinement conscients des problèmes systémiques qui favorisent l’écoulement de délais, qui peuvent, à leur tour, donner lieu à une violation de l’al. 11b).

[56] Comme je l’expliquerai, la présomption d’intégrité judiciaire fait naître dans ce contexte une présomption selon laquelle le temps qu’il a fallu au juge du procès pour arriver à son verdict n’a pas été plus long qu’il était raisonnablement nécessaire qu’il le soit. Plus précisément, on doit présumer que le juge du procès a établi un équilibre raisonnable entre la nécessité d’instruire rapidement les affaires et les considérations liées à l’équité du procès — qui revêtent un caractère différent une fois que la présentation de la preuve et des plaidoiries dans le cadre du procès a pris fin — et, aussi, les contraintes pratiques auxquelles les juges font face. Il incombe à l’accusé de réfuter cette présomption en expliquant pourquoi, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, le temps de délibération en vue du prononcé du verdict a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être. Lorsque l’accusé s’acquitte de ce fardeau, dans une affaire donnée, je m’empresse d’ajouter que, bien que significative, cette conclusion ne devrait pas être considérée comme mettant en doute la compétence générale ou le professionnalisme du juge.

[58] Pour atteindre les objets de l’al. 11b), qui sont bien établis, il est essentiel d’agir en temps opportun. Dans l’arrêt Morin, le juge Sopinka a expliqué que l’objet principal de l’al. 11b) est la protection des droits individuels de l’accusé, mais qu’il protège aussi les intérêts de la société (p. 786). La Cour a donné des précisions sur ces objets dans K.J.M., au par. 38 :

À l’échelle de l’individu, [l’al. 11b)] protège « [la] liberté [de l’accusé], en ce qui touche sa détention avant procès ou ses conditions de mise en liberté sous caution; la sécurité de sa personne, c’est‑à‑dire ne pas avoir à subir le stress et le climat de suspicion que suscite une accusation criminelle; et le droit de présent

Les ressources affectées au système judiciaire et à l’administration des tribunaux ont aussi des limites.

[62] Les ressources affectées au système judiciaire et à l’administration des tribunaux ont aussi des limites. Il va sans dire que cette charge administrative en amont a un impact sur le temps de délibération en aval, en particulier dans les ressorts qui travaillent encore pour répondre à l’arrêt Jordan. Il ne manque pas de commentaires à ce sujet. Par exemple, dans Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada (2017), le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a indiqué que « [l]’un des problèmes récurrents soulevés par les témoins ainsi que dans l’arrêt Jordan est l’insuffisance chronique des ressources financières » (p. 2). Ce rapport précise que les grands obstacles à la célérité du système judiciaire attribuables à la gestion des instances et des dossiers sont la surréservation des salles d’audience et leur manque d’effectifs, de même que l’élaboration et l’intégration insuffisantes de solutions technologiques qui permettraient d’améliorer l’efficacité des tribunaux (comme l’installation de systèmes de vidéoconférence et d’accès à distance, et l’amélioration de l’établissement des calendriers) (p. 86 et 101). Le rapport fait également état d’un urgent besoin de « pourvoir rapidement les postes vacants de juge de nomination fédérale » (p. 3, voir aussi les p. 6 et 97 et ss.). Il laisse entendre que « [t]ous les problèmes attribuables à la gestion des dossiers et à la gestion efficace des dossiers seraient amoindris si le Canada disposait d’un effectif suffisant de juges pour gérer le nombre d’affaires criminelles en attente de procès » (p. 97). Les juges doivent composer avec ces restrictions institutionnelles et gérer leur charge de travail le plus efficacement possible. Cela dit, rien dans les présents motifs ne doit être interprété comme diminuant la responsabilité du gouvernement de veiller à ce que les tribunaux disposent de ressources suffisantes pour remplir la promesse de l’al. 11b) (voir Jordan, par. 40‑41, 117 et 140).

[63] Bien souvent, la mise en balance des considérations mentionnées précédemment donne lieu au prononcé d’un verdict dans le délai indicatif de six mois fixé par le Conseil canadien de la magistrature (« CCM »). Dans le texte intitulé Principes de déontologie judiciaire (2004), le CCM qualifie le respect de ce délai de « fonctio[n] juridictionnell[e] » (p. 20) liée à la charge judiciaire, et décrit le contenu de cette fonction de la façon suivante :

[L]e juge doit prononcer son jugement, et les motifs qui l’accompagnent, dès qu’il est raisonnablement possible de le faire, compte tenu de l’urgence de l’affaire et des autres circonstances particulières auxquelles le juge fait face. Ces circonstances peuvent comprendre la maladie; la longueur ou la complexité de l’affaire; ainsi qu’une charge de travail ou un autre facteur exceptionnels pouvant empêcher que le jugement ne soit prononcé plus rapidement. En 1985, le Conseil canadien de la magistrature a, par voie de résolution, exprimé l’avis que, sauf s’il existe des circonstances particulières, les juges qui ont mis une affaire en délibéré doivent rendre jugement dans les six mois qui suivent l’audience. [Note omise; p. 21.]

[64] Ce délai suggéré de six mois est certes important, mais il ne constitue pas un facteur déterminant en matière de constitutionnalité. Il ne suffira pas de démontrer que le délai a excédé les lignes directrices pour établir une violation de l’al. 11b). En effet, les Principes de déontologie judiciaire rédigés par le CCM se veulent de « simples recommandations » (p. 3). Les énoncés et principes qu’ils contiennent « ne constituent pas un code ou une liste de comportements prohibés et [. . .] ne doivent pas être utilisés comme tel »; en outre, « [i]ls n’énoncent pas de normes définissant l’inconduite judiciaire » (p. 3). De plus, le délai indicatif suggéré par le CCM reconnaît la nature intrinsèque propre à chaque affaire et à chaque juge de la mise en balance des considérations liées à la nécessité d’instruire rapidement les affaires, de celles liées à l’équité du procès et des contraintes pratiques.

Lorsque l’accusé soutient que le temps de délibération en vue du prononcé du verdict qu’il a fallu au juge du procès a violé le droit d’être jugé dans un délai raisonnable que lui garantit l’al. 11b), il doit établir que le temps consacré aux délibérations a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances. Cela place — à bon droit, à mon avis — la barre haute

[65] Lorsque l’accusé soutient que le temps de délibération en vue du prononcé du verdict qu’il a fallu au juge du procès a violé le droit d’être jugé dans un délai raisonnable que lui garantit l’al. 11b), il doit établir que le temps consacré aux délibérations a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances. Cela place — à bon droit, à mon avis — la barre haute. Je le répète, la présomption d’intégrité judiciaire fait naître dans ce contexte une présomption selon laquelle, d’une part, le juge du procès a mis en balance la nécessité d’instruire rapidement les affaires, les considérations liées à l’équité du procès et les contraintes pratiques auxquelles il faisait face et selon laquelle, d’autre part, il n’a pris que le temps raisonnablement nécessaire compte tenu des circonstances pour rendre un verdict juste. Ce n’est que lorsqu’il est conclu que le temps de délibération mis par le juge du procès en vue du prononcé du verdict a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être que cette présomption est réfutée. Le seuil est aussi élevé — « nettement plus long » plutôt que « plus long » ou une autre norme moins élevée — en raison de « l’importance considérable » de la présomption d’intégrité (Cojocaru, par. 20). Dans ce contexte, les arrêts de procédure sont significatifs et, bien que distincts de ceux prononcés dans des cas où le délai est inférieur au plafond, ils seront aussi vraisemblablement « rares » et limités aux « cas manifestes » (Jordan, par. 48). Il vaut la peine de réitérer toutefois que lorsqu’une cour conclut que le temps de délibération en vue du prononcé du verdict a été nettement plus long qu’il aurait raisonnablement dû l’être dans une affaire donnée, cela ne devrait pas être considéré comme mettant en doute la compétence générale ou le professionnalisme du juge.

[66] Le rôle que joue la présomption d’intégrité dans ce contexte est parfaitement compatible avec la façon dont elle a été appliquée dans la jurisprudence de la Cour. Je conviens avec ma collègue la juge Abella que la présomption sert à éviter la « remise en question rétrospective du raisonnement du juge » (Teskey, par. 47). J’ajouterais toutefois que cette présomption ne concerne pas exclusivement le raisonnement du juge — elle concerne aussi ce qu’il a effectivement fait. Plus précisément, elle reconnaît que le juge est lié par son serment professionnel et suppose qu’il « respecte » effectivement ce dernier en s’acquittant de ses fonctions au meilleur de ses capacités (Teskey, par. 20; voir aussi Cojocaru, par. 17). Dans le présent contexte, la présomption d’intégrité sert ces deux objectifs, à savoir : elle limite considérablement les circonstances dans lesquelles une cour de révision peut remettre en question la décision du juge du procès quant au temps de délibération en vue du prononcé du verdict qui était raisonnablement nécessaire à la lumière des considérations concurrentes en jeu; et elle fournit un fondement légitime pour présumer que le juge du procès n’a effectivement pris que le temps raisonnablement nécessaire compte tenu de toutes les circonstances.

[73] Comme le fait remarquer ma collègue, ces facteurs sont objectifs. Toutefois, avec tout le respect que je lui dois, la cour de révision n’est pas chargée, comme elle le suggère, d’« évaluer » l’état d’esprit subjectif réel du juge de première instance ou de « se prononcer sur » lui (motifs de la juge Abella, par. 87 et 91). Le test que je propose exige plutôt que la cour de révision s’engage dans une détermination objective — qui reflète le test de l’observateur raisonnable utilisé dans les cas où l’accusé doit directement réfuter la présomption d’intégrité.

Les avocats doivent pouvoir s’attendre à ce que le juge soit suffisamment résolu pour examiner une demande de renseignements sans que cela porte à conséquences pour les avocats, l’accusé, ou le procès

[74] Les avocats se trouvent souvent dans une situation difficile lorsque beaucoup de temps s’est écoulé depuis que le juge du procès a mis l’affaire en délibéré sans qu’ils aient reçu de mises à jour sur l’état du dossier. La Couronne peut hésiter à s’enquérir à cet égard, dans la mesure où elle pourrait donner l’impression d’intervenir de façon inappropriée dans le processus judiciaire. Pour sa part, l’accusé peut, et cela se comprend, ne pas souhaiter être perçu comme exerçant une pression sur la personne qui va décider de son sort.

[75] Dans l’arrêt Jordan, la Cour a souligné que tous les participants au système de justice criminelle doivent collaborer pour réduire les délais au minimum et protéger les droits que l’al. 11b) garantit à l’accusé. À cette fin, je ne vois pas pourquoi les parties ne pourraient pas, dans les circonstances qui s’y prêtent et par les voies appropriées, communiquer avec le juge du procès. Il pourrait s’agir d’une brève rencontre en salle d’audience ou d’une communication au moyen de toute autre procédure approuvée par la cour. Peu importe la manière de procéder, les avocats doivent pouvoir s’attendre à ce que le juge soit suffisamment résolu pour examiner une demande de renseignements sans que cela porte à conséquences pour les avocats, l’accusé, ou le procès.

[76] En effet, certains ressorts pourraient trouver utile d’établir une procédure normalisée permettant aux avocats de s’enquérir de l’état d’un verdict. Il pourrait s’agir d’une règle de pratique prévoyant une communication conjointe des parties adressée au juge directement, ou au juge principal régional ou à toute autre personne compétente, après qu’un certain temps s’est écoulé. Au bout du compte, l’établissement de ces procédures pourrait réduire l’anxiété et les préoccupations qui découlent du caractère intrinsèquement incertain de la date du verdict, et des délais de façon plus générale (MacDougall, par. 19, citant Rahey, p. 610, le juge Lamer; voir aussi R. c. Potvin, 1993 CanLII 113 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 880, p. 887). De plus, la communication adressée aux autorités administratives de la cour ou au juge principal régional pourrait contenir des renseignements aidant la cour à gérer la charge de travail des juges. Elle pourrait aussi aider à l’élaboration du dossier aux fins de l’al. 11b).