Les critères applicables à une demande de prolongation du délai d’appel
[7] Les critères applicables à une demande de prolongation du délai d’appel sont connus. Le requérant doit :
• Avoir manifesté l’intention de faire appel dans le délai prescrit;
• Avoir fait preuve de diligence raisonnable dans l’exercice de son droit d’appel;
• Proposer des motifs d’appel soutenables[2].
[8] L’application de ces critères ne doit pas se faire « de façon mécanique, sans égard à l’intérêt public »[3]. L’approche n’est pas celle d’un « test rigide »[4], mais consiste plutôt à se demander si le requérant a démontré qu’il est dans l’intérêt de la justice que le délai soit prolongé[5].
L’avocat doit considérer la procédure d’appel comme une démarche prioritaire
[11] L’avocat du requérant a comparu au dossier d’appel le 11 octobre 2017. Comme je l’ai mentionné, il n’a rien fait pour activer le dossier. Il a fallu que le greffe lui demande de déposer un nouvel avis de présentation au mois de juillet 2018 pour qu’il se décide enfin à agir. Pendant tout ce temps, il a mis le dossier « sur la glace », dit-il, car il estimait que le requérant ne subissait pas de préjudice. Il a préféré consacrer son énergie à défendre le requérant dans un autre dossier et à s’acquitter de ses autres mandats.
[12] Ainsi, de son propre aveu, l’avocat n’a pas considéré la présentation de la requête à la Cour comme une démarche prioritaire. À ce sujet, la Cour suprême écrit dans R. c. Roberge :
[7] Tout en comprenant les difficultés auxquelles se sont heurtées les collègues de l’avocat du demandeur, nous sommes tous d’avis qu’il n’y a pas lieu de proroger le délai en l’espèce. La preuve par affidavit indique que le demandeur avait véritablement l’intention de demander l’autorisation d’appel et qu’il a fait part de cette intention à l’intimée dans le délai prescrit, mais le retard accusé en l’espèce n’a pas fait l’objet d’une explication satisfaisante. Les quatre mois écoulés après l’expiration du délai de 60 jours prescrit par la Loi représentent une longue période. Nous estimons que l’affidavit déposé en l’espèce démontre qu’une bonne partie du retard est attribuable à l’omission de donner la priorité voulue à la demande d’autorisation d’appel. En fin de compte, la présentation d’une telle demande à notre Cour doit être considérée comme une démarche prioritaire que l’avocat ne peut pas reporter indéfiniment jusqu’à ce que son horaire lui permette de l’effectuer.[6]
[13] Il est vrai que la norme de la « démarche prioritaire » formulée dans cet arrêt ne s’applique pas avec la même intensité dans le cadre d’une requête en prolongation du délai d’appel à la Cour[7]. Mais même en l’appliquant de façon souple, force est d’admettre que le retard de 17 mois accusé en l’espèce n’a pas fait l’objet d’une explication satisfaisante
[14] Outre l’absence totale de diligence de l’avocat, rien au dossier ne démontre que le requérant a lui-même agi avec diligence dans l’exercice de son droit d’appel. La requête en prolongation du délai d’appel ne contient aucune allégation à ce sujet et n’est appuyée d’aucun affidavit de sa part. On ignore tout du suivi qu’il a effectué auprès de ses avocats successifs pour s’assurer de la mise en œuvre de son intention de faire appel du jugement.
[15] J’en viens donc à la conclusion que le critère de la diligence raisonnable n’est pas satisfait.
[16] Cela ne met pas fin pour autant à l’analyse, car, « avant de rejeter une requête pour permission d’appeler au motif que le requérant a manqué de diligence dans l’exercice du droit d’appel, il convient de se demander si le rejet est conforme à l’intérêt de la justice »[8]. Cette question requiert l’examen du troisième critère.
Le préjudice à l’intérêt public causé par l’atteinte à la stabilité des jugements
[29] Dans R. c. Roberge, la Cour suprême rappelle qu’« [e]n définitive, il faut toujours se demander si, eu égard aux circonstances et compte tenu des facteurs susmentionnés, la prorogation de délai s’impose pour que justice soit rendue »[18]. Parmi ces facteurs figurent la longueur du retard et le préjudice que subira l’une ou l’autre des parties si la requête est accordée ou refusée, « y compris le préjudice à l’intérêt public causé par l’atteinte à la stabilité des jugements »[19].