Dans une décision partagéeR. c. Société TELUS Communications, 2013 CSC 16 la Cour suprême juge qu’un mandat général ne respecte pas les exigences du Code criminel dans le cadre d‘une saisie de messages textes.

Voici quelques passages pertinents de la décision :

Contrairement à la plupart des fournisseurs de services de télécommunications, la Société TELUS Communications a pour pratique de copier électroniquement tous les messages textes envoyés ou reçus par ses abonnés et de les conserver brièvement dans une base de données.  En l’espèce, les policiers ont obtenu, en vertu des art. 487.01 et 487.02 respectivement du Code criminel, un mandat général et une ordonnance d’assistance connexe obligeant Telus à fournir aux policiers copie de tous les messages textes envoyés ou reçus par deux de ses abonnés et se trouvant dans sa base de données.  L’extrait pertinent du mandat obligeait Telus à produire pendant deux semaines, sur une base quotidienne, tous les messages envoyés ou reçus.  Telus a demandé l’annulation du mandat général, soutenant que la prise de connaissance prospective, sur une base quotidienne, de messages textes se trouvant dans sa base de données constitue une interception de communications privées et doit, en conséquence, être autorisée en vertu des dispositions de la partie VI du Code relatives à l’autorisation d’écoute électronique.  La demande a été rejetée.  Le pourvoi soulève la question de savoir si la communication prospective de futurs messages textes se trouvant dans l’ordinateur d’un fournisseur de services peut être autorisée en vertu du mandat général.

[…]

L’art. 487.01 du Code, qui prévoit le mandat général, a été édicté en 1993 dans le cadre d’une série de modifications apportées au Code par le projet de loi C‑109, L.C. 1993, ch. 40.  Il habilite un juge à décerner un mandat général autorisant un agent de la paix à « utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d’enquête, ou à accomplir tout acte qui y est mentionné, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive ».  L’alinéa 487.01(1)c) prévoit notamment que le pouvoir d’accorder un mandat général a un caractère résiduel et que son utilisation est interdite dans le cas où une autre disposition du Code ou d’une autre loi fédérale permet à un juge d’autoriser l’utilisation du dispositif, de la technique ou de la méthode proposé ou encore l’accomplissement de l’acte envisagé.

[…] 

L’alinéa 487.01(1)c) doit être interprété largement de sorte que le mandat général ne soit pas utilisé comme mesure de premier recours, afin d’éviter que les autorités se soustraient aux exigences plus spécifiques ou rigoureuses en matière d’autorisation préalable, comme celles que l’on trouve à la partie VI.  Il est nécessaire d’interpréter le terme « intercepter » à la partie VI afin de déterminer si l’al. 487.01(1)c) s’applique, c’est‑à‑dire si une autre disposition prévoit l’autorisation demandée.  Le mot « intercepter » est utilisé dans toute la partie VI et se rapporte à l’interception de communications privées.  Il faut par conséquent interpréter l’expression « intercepter une communication privée » en tenant compte de la vaste portée de la partie VI, du fait qu’elle s’applique à différentes plateformes technologiques ainsi que de son objectif, à savoir la protection du droit individuel à la vie privée en matière de communication au moyen de garanties particulièrement strictes.  Cette interprétation ne doit pas être dictée par le moyen technologique qui est employé pour transmettre de telles communications, par exemple l’ordinateur utilisé en l’espèce, mais plutôt par les aspects que le législateur a voulu protéger au moyen des dispositions de la partie VI.  Cette interprétation doit se fonder aussi sur les droits garantis par l’art. 8 de la Charte, lesquels doivent progresser au rythme de la technologie. 

[…] 

Les messages textes constituent des communications privées et, même s’ils sont stockés dans l’ordinateur d’un fournisseur de services, la communication prospective de futurs messages de cette nature doit être autorisée en vertu de la partie VI du Code.  Si Telus n’exploitait pas une base de données informatique, il ne fait aucun doute que les policiers seraient tenus d’obtenir une autorisation en vertu de la partie VI afin de recevoir prospectivement communication de messages textes, et ce, sur une base continue en l’espèce.  La plupart des fournisseurs de services de transmission ne copient pas systématiquement les messages textes dans une base de données.  Par conséquent, si la personne ciblée par les policiers était desservie par un fournisseur différent, ces derniers devraient nécessairement obtenir des autorisations d’écoute électronique sous le régime de la partie VI pour contraindre ce fournisseur à leur communiquer de façon prospective et continue les messages textes.  Cette situation crée une injustice flagrante pour les personnes qui ne réalisent vraisemblablement pas que le choix de leur fournisseur de services de télécommunications peut avoir de sérieuses répercussions sur leur vie privée.  Les différences techniques inhérentes à la procédure de transmission des messages textes propre à Telus ne devraient pas priver les abonnés de cette dernière des mesures de protection prévues par le Code et auxquelles ont droit tous les autres Canadiens.