R. c. Loiselle, 2017 QCCQ 4985

L’accusé soulève que les agents n’avaient aucun motif de l’intercepter, qu’en le faisant ils l’ont intercepté, arrêté et détenu illégalement.

[22] Il est important de souligner que toutes les décisions déposées par l’accusé sont rendues sur des requêtes en exclusion de preuve présentées en vertu des articles 9 et 24 de la Charte.

[23] Dans le présent dossier, l’accusé signifie une telle requête le 19 décembre 2014, avec avis de présentation pour le 26 janvier 2015. Le 26 janvier 2015, le procureur de l’accusé annonce à la Cour qu’il abandonne ses requêtes de Charte, ce qui est noté au procès-verbal. L’accusé avait signifié un avis d’intention selon l’art. 95 du Code de procédure civile de déclarer les alinéas 258(1)c) et 258(1)d.01) C.cr. inconstitutionnels, une requête pour obtenir l’alcootest approuvé pour fins d’expertise et une requête amendée pour obtenir l’alcootest approuvé utilisé pour fins d’expertise et pour complément de divulgation de preuve.

[24] Lors de l’ouverture du procès, le 18 décembre 2015, l’accusé veut présenter sa requête ce qui lui est refusé considérant qu’il l’avait abandonnée auparavant. Il se base sur les mêmes arguments pour présenter une défense à l’issue du procès.

[25] Dans Anderson c. R.[1], la Cour d’appel analyse la possibilité pour un accusé de soulever, en défense, l’inapplicabilité de la présomption d’identité lorsqu’une demande d’exclusion de preuve, formulée conformément au paragraphe 24(2) de la Charte a été rejetée. Après analyse, l’honorable Dominique Bélanger, écrit :

Je ne vois aucune raison d’écarter la position retenue par notre Cour et la Cour d’appel de l’Ontario : l’arrêt Rilling est toujours applicable et lorsque les échantillons d’haleine sont obtenus sans qu’il existe de motifs raisonnables d’en exiger les prélèvements, les éléments de preuve ne doivent être écartés que si l’accusé en fait la demande conformément au paragraphe 24(2) de la Charte.

[26] La Cour d’appel précise aussi que l’accusé ne peut, en plaidoirie, lors du procès au fond, demander à la Cour de se prononcer à nouveau sur la présence ou l’absence de motifs pour ordonner les tests pour contester la présomption d’identité.

[27] L’accusé ne peut présenter ses arguments en défense.

[28] Bien que cette réponse règle le litige, le Tribunal croit utile de décider de la suffisance des motifs d’arrestation de l’accusé, cet élément ayant été discuté de façon importante au cours du procès.

[29] Ici, l’accusé présente en défense les arguments énoncés dans la requête en exclusion de preuve signifiée mais abandonnée. Est-ce qu’il s’agit d’une stratégie de la défense ou d’une méprise de l’avocat? Le Tribunal précise que la défense de l’accusé ne prend pas par surprise la poursuite qui a plaidé ses arguments sur les motifs d’arrestation d’entrée de jeu.

LE DROIT

[30] En 1990, la Cour suprême dans R. c. Ladouceur[2], précisait qu’une vérification de routine effectuée au hasard est incompatible avec l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés mais que cette atteinte est raisonnable au sens de l’article 1 de la même charte. Dans ce dossier, l’arrestation a eu lieu en vertu de l’article 189a) du Code de la route de l’Ontario.

[31] Le Juge Cory écrit :

À mon avis, l’interpellation au hasard a un lien rationnel avec la sécurité sur les routes et est conçue avec soin pour la réaliser. Ces interpellations portent le moins possible atteinte aux droits du conducteur. De plus, les interpellations ne portent pas atteinte assez gravement aux droits individuels pour que la restriction de ces droits l’emporte sur l’objectif de la loi.

Tout d’abord, on a remarqué que l’interception des véhicules a non seulement un lien rationnel avec la sécurité routière, mais encore qu’il s’agit de la seule façon de vérifier le permis de conduire et l’assurance d’un conducteur, l’état mécanique d’un véhicule ou la sobriété d’un conducteur. Il convient de rappeler que lorsque des peines sont imposées pour des infractions en matière de circulation, la suspension du permis de conduire joue souvent un rôle important.

[32] Dans R. c. Orbanski et R. c. Elias[3], la Cour suprême, sous la plume de la juge Charron écrit :

[41] Il est également bien établi en droit que les policiers sont autorisés à vérifier la sobriété des conducteurs. Dans l’arrêt Dedman, la Cour a conclu que ce pouvoir existe en common law. Plus pertinemment encore, ce pouvoir peut aussi être prévu par la loi, comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Ladouceur en statuant que la vérification de la sobriété des conducteurs était l’un des objectifs sous‑jacents aux pouvoirs généraux en matière d’arrêt de véhicules. Le même genre de pouvoir général prévu par la loi est en cause dans ces pourvois. Comme la Cour l’a dit dans l’arrêt Ladouceur, en vertu de ce pouvoir que leur accorde la loi, les policiers peuvent interpeller des personnes uniquement pour des motifs fondés sur la loi — dans cette affaire (comme en l’espèce), pour des motifs liés à la conduite d’une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances, de la sobriété du conducteur ainsi que de l’état mécanique du véhicule.

[33] Dans R. c. Soucisse[4], la Cour d’appel du Québec compare l’article 636 du Code de la sécurité routière à l’article 189a) du Code de la route ontarien pour conclure qu’il y a une similitude entre les deux (2) articles et confirme l’applicabilité au Québec des principes dégagés par la Cour suprême dans R. c. Ladouceur[5].

[34] Dans LSJPA – 1530[6], après avoir repris les principes émis par la Cour suprême du Canada et par sa propre cour, l’honorable juge Rochette écrit :

[38] En l’espèce il n’y a pas eu une interception pour un motif précis ou à des fins d’enquête. Les policiers n’ont pas prétendu qu’il existait un lien entre le véhicule qu’ils ont entrepris de suivre, puis intercepté, et une infraction criminelle récente ou en cours. La présence du véhicule leur a certes paru louche ou inusitée, mais ils n’avaient d’autre motif en l’interceptant que de vérifier l’état du conducteur. L’interpellation a été valablement effectuée en vertu du pouvoir conféré aux agents de la paix par l‘article 636 CSR.

[39] Comme dans l’affaire Ladouceur, le véhicule dans lequel se trouvait l’appelant a été interpellé au hasard pour les fins de contrôle routier et les agents ne soupçonnaient pas que le conducteur du véhicule agissait de façon illégale, mais voulaient s’assurer que tout était en règle.

[35] La jurisprudence soumise par l’accusé partage les enseignements que les policiers ne peuvent se baser sur l’article 636 du Code de la sécurité routière pour arrêter quelqu’un pour un autre motif. C’est ce que ces jugements signifient quand les juges parlent d’utilisation oblique de l’article 636 CSR. Par exemple, les policiers n’ayant pas de motif, ne peuvent intercepter un véhicule pour vérifier s’ils y voient des biens volés ou parce qu’ils veulent procéder à une fouille pour de la drogue.

[36] Par ailleurs, le Tribunal ne peut fonder sa décision sur les jugements déposés par l’accusé qui donnent des exemples des motifs d’arrestation déclarés valides et en tirer la conclusion que, a contrario, dans son cas il n’y a pas de motif. Ce serait faire fi de la jurisprudence claire à l’effet que l’interception pour fins de vérification de permis et autres documents nécessaires en vertu du Code de la sécurité routière est permise.

ANALYSE

[37] L’accusé reconnaît candidement que le témoignage des policiers est crédible. Le Tribunal partage son point de vue. Madame Beaulieu répond aux questions au meilleur de sa connaissance, n’hésitant pas à le dire quand elle ne se souvient pas d’un élément ou d’un autre, elle ne se contredit pas et n’est pas contredite par l’ensemble de la preuve. L’agent Lévesque corrobore le témoignage de l’agente Beaulieu.

[38] Madame Beaulieu explique arrêter l’accusé parce qu’il est tard la nuit, pour vérifier ses documents et son état de conduire. Elle parle aussi de l’accélération du véhicule. L’agente Beaulieu informe l’accusé dès son interception des motifs pour lesquels elle l’arrête.

[39] La policière a des soupçons que l’accusé conduisait alors que sa capacité de le faire était affaiblie par l’effet de l’alcool quand elle s’adresse à lui, sent une odeur d’alcool émanant de son haleine et voit ses yeux rouges. Avec le résultat au test à l’appareil de détection approuvé, elle acquiert des motifs raisonnables et probables de croire qu’il a conduit alors que son alcoolémie dépassait 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang et elle l’arrête.

[40] Les motifs d’interception sont valides et suffisants. De plus, les policiers se sont limités à ce qu’ils avaient le droit de faire en vertu de l’article 636 CSR.

[41] Aucun élément de la preuve ne démontre que les policiers ont arrêté l’accusé pour un motif autre que l’article 636 CSR.

[42] En conséquence, l’interception de l’accusé est légale. L’interception étant légale, la détention de l’accusé avant d’être mis en état d’arrestation l’est tout autant en raison des soupçons acquis par l’agente Beaulieu et son arrestation est justifiée en raison des motifs acquis lors de l’échec au test avec l’appareil de détection approuvé.

[43] Les présomptions de l’article 258(1)c) du Code criminel s’appliquent. Il n’y a aucune preuve de mauvais fonctionnement de l’appareil ni d’un problème au cours de la période d’observation.

[44] En conséquence, il y a preuve hors de tout doute raisonnable que l’accusé a conduit, le 2 octobre 2009, alors qu’il avait consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie était de 105 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[45] DÉCLARE l’accusé coupable du 2e chef d’accusation.