Czornobaj c. R., 2017 QCCA 907

L’interdiction de conduire imposée par la juge ne peut être isolée des autres composantes de la peine

[70]        Le paragraphe 259(2) C.cr. permettait à la juge d’interdire à l’appelante de conduire un véhicule pour la période qu’elle jugeait appropriée :

259. […]

 

(2) Lorsqu’un contrevenant est déclaré coupable […] d’une infraction prévue aux articles 220, […] commise au moyen d’un véhicule à moteur, […], le tribunal qui lui inflige une peine peut, en plus de toute autre peine applicable en l’espèce, rendre une ordonnance lui interdisant de conduire un véhicule à moteur dans une rue, sur un chemin ou une grande route ou dans tout autre lieu public, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire :

 

 

a) […]

 

a.1) durant toute période que le tribunal considère comme appropriée, en plus de la période d’emprisonnement à laquelle il est condamné si celle-ci est inférieure à l’emprisonnement à perpétuité, dans le cas où le contrevenant est passible d’un emprisonnement à perpétuité pour cette infraction; […].

 

259. […]

 

(2) If an offender is convicted […] of an offence under section 220 […] committed by means of a motor vehicle, […], the court that sentences the offender may, in addition to any other punishment that may be imposed for that offence, make an order prohibiting the offender from operating a motor vehicle on any street, road, highway or other public place, or from operating a vessel, an aircraft or railway equipment, as the case may be,

 

(a) […]

 

(a.1) during any period that the court considers proper, plus any period to which the offender is sentenced to imprisonment, if the offender is liable to imprisonment for life in respect of that offence and if the sentence imposed is other than imprisonment for life;  […].

[71]        Je précise immédiatement que l’interdiction de conduire imposée par la juge ne peut être isolée des autres composantes de la peine. L’effet global des différentes modalités de la peine s’impose, puisque l’évaluation « de la durée adéquate de l’ordonnance d’interdiction de conduire fait partie du processus de détermination de la peine »[50]. Dans ce contexte, il me semble nécessaire d’examiner la durée de l’interdiction en tenant compte de la période d’emprisonnement.

[72]        Il s’agit d’ailleurs de l’approche retenue par la juge:

[105] The Court will impose a sentence tailored to the individual circumstances of the accused.

[106] In order to achieve the objectives of sentencing, the Court concludes that a fit sentence combines an intermittent custodial period, a lengthy driving prohibition and a probationary period including community service.

[…]

[109] An order prohibiting the accused from driving a motor vehicle may be imposed in addition to any sentence and for a period that the Court considers proper (section 259(2)(a.1) of the Criminal Code).

[…]

[116] Although the Court considered a continuous period of imprisonment, additional factors such as the young age of the accused, her potential for a future contribution to society and an additional sanction to protect the public – an important driving prohibition – lead the Court to impose the following sentence.[51]

[Je souligne]

[73]        Ainsi, la juge choisit l’imposition d’une courte peine d’emprisonnement discontinue, mais y ajoute une ordonnance d’interdiction de conduire prolongée. Ce passage démontre en outre la préoccupation de la juge de s’assurer que la peine soit adaptée à la situation particulière de l’appelante.

[74]        Par ailleurs, cette approche respecte le principe exigeant la modération quant au recours à l’emprisonnement prévu au Code criminel :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

 

[…]

 

d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; […].

718.2 A court that imposes a sentence shall also take into consideration the following principles:

 

[…]

 

(d) an offender should not be deprived of liberty, if less restrictive sanctions may be appropriate in the circumstances; […].

 

 

[75]        Dans une affaire de conduite avec facultés affaiblies causant la mort, notre Cour souligne le pouvoir du juge de façonner la peine en insistant sur certaines de ses modalités, telles l’incarcération ou l’interdiction de conduire :

Il est possible que la sentence prononcée par le premier juge ait pu être modulée autrement. Par exemple, une combinaison peine d’emprisonnement plus courte, période de probation, thérapie et interdiction de conduire pendant une certaine période de temps. Mais le fait que le premier juge ait choisi, dans sa sagesse et dans l’exercice de la discrétion qui est sienne en matière de détermination de la peine, de traduire la sentence exclusivement en peine d’emprisonnement ne rend pas pour autant cette sentence si sévère qu’elle en devienne inappropriée et qu’il y ait lieu pour notre cour d’intervenir.[52]

[Je souligne]

[76]        Cette souplesse permet d’assurer l’accomplissement du principe fondamental de la proportionnalité prévu au Code criminel, qui revêt par ailleurs une dimension constitutionnelle[53] :

718.1 La peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

 

718.1 A sentence must be proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender.

 

[77]        Plus récemment, notre Cour reconnaissait à nouveau « le facteur de la globalité de la peine » en confirmant une peine d’emprisonnement clémente assortie d’une longue période d’interdiction de conduire, ce qui permettait de refléter la dissuasion générale devant se rattacher à l’infraction de conduite dangereuse[54].