Le système de justice fonctionne

Lorsqu’on prend la peine d’y penser, la justice est au fond, une confiscation de cette propension humaine à vouloir parfois se venger de celui qui nous a fait du mal.

D’ailleurs, cette confiscation du droit à la vengeance distingue la civilisation de la barbarie, c’est crucial de le retenir.

Les réseaux sociaux peuvent servir à exprimer le chagrin légitime des victimes et à apaiser leur souffrance si possible. Mais ces plateformes publiques ne devraient jamais servir à attiser la haine et la diffamation.

Il est aisé de concevoir l’envie d’une femme ou d’un homme de dénoncer sur Instagram celui ou celle qui lui a fait du mal.

Pour autant, le réceptacle de toutes ces dénonciations ne devrait jamais être les réseaux sociaux, mais le système de justice.

Premièrement, parce que le Québec est une société de droit, l’expérience enseigne que se faire justice soit même fini la plupart du temps très mal (poursuite civile ou criminelle et/ou perte en crédibilité).

Deuxièmement, les réseaux sociaux ne sont pas propices à la nuance ni à l’établissement d’une communication sereine.

Troisièmement, même si un procès s’ouvre et se clôt en quelques clics sur la toile, l’écho médiatique est souvent mille fois plus dévastateur que l’écho judiciaire pour les protagonistes.

Dans les cas d’inconduites ou d’agressions sexuelles, le système a la faculté de livrer la justice de différentes manières (droit du travail, droit civil, droit administratif, droit criminel, séances de médiation, transaction hors cour, etc.).

Mais pour continuer à rendre la justice, il faut en prendre soin.

Les critiques adressées au système seront toujours nécessaires. Mais celles qui sont généralisées, mal informées et émotives sont carrément délétères.

Par exemple, il n’y a rien de constructif à diffuser et à rediffuser l’information simpliste que « le système de justice ne fonctionne pas ».

Je pèse ici mes mots :

Le système de justice fonctionne.

Et il est très sensible aux victimes, je vous supplie de le retenir.

Démystifier le processus criminel pour mieux l’accepter

La plainte au criminel et son cheminement constituent l’une des manières dont le système livre la justice en cas d’abus sexuel.

Pour comprendre les différentes décisions qui caractérisent le processus, il faut d’abord intégrer son fondement.

Le droit criminel vise à déterminer fondamentalement si l’accusé est coupable (et non pas si une victime doit être reconnue comme telle et être indemnisée, comme c’est le cas en droit administratif, par exemple).

Si le procès criminel apaise la victime tant mieux. Mais ce qu’il faut retenir ici, c’est que ce n’est pas son but initial. Son but est plutôt d’assurer qu’il subsiste suffisamment de preuve pour justifier toutes les conséquences qui découlent d’une condamnation.

Du point de vue des Droits de la Personne, les sociétés civilisées considèrent que le pire mal que les gens ne puissent s’infliger, c’est de condamner l’un des nôtres alors qu’il est innocent.

Les civilisations tiennent aussi pour acquis que les humains qui ont à juger sont susceptibles de commettre des erreurs et condamner de faux coupables.

Pour éviter une telle injustice, on présume donc l’innocence jusqu’à preuve du contraire. Présumer un homme innocent, c’est aussi exiger une preuve qui s’apparente beaucoup plus à la certitude absolue qu’à la culpabilité probable, car sans un degré de conviction aussi élevé, l’expérience démontre que ceux qui jugent sont susceptibles d’emprisonner à tort.

Tant et aussi longtemps que le système sera administré par des êtres humains, le respect de la présomption d’innocence demeurera donc le seul et unique rempart à l’injustice que représente la condamnation d’un innocent.

Il faut retenir que la présomption d’innocence est une liberté civile au même titre que le droit de s’exprimer librement ou le droit à la non-discrimination fondée sur le sexe, par exemple. Elle transcende la notion de dignité humaine et elle est un prérequis à une société libre et démocratique.

À noter que la présomption d’innocence n’empêche aucunement la majorité des accusés à reconnaitre les faits ou encore la plupart du temps, la condamnation de celui qui choisit de subir un procès.

Même lorsqu’un homme est acquitté au terme du processus, cela ne signifie pas pour autant qu’il est innocent.

Mais en revanche, plus personne ne pourra jamais dire qu’il est coupable.

C’est le prix de la paix sociale.