Par Me Félix-Antoine T. DoyonL’art. 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit ce qui suit :
Sécurité
34. (1) Emporte interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants:
a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada; b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force; c) se livrer au terrorisme; d) constituer un danger pour la sécurité du Canada; e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada; f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).
Note marginale : Exception
(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.
La Cour suprême dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, devait se poser la question, entres autres, à savoir qu’elle était la signification de l’expression « intérêt national ».
Voici le résumé pertinent :
En prenant sa décision, le ministre n’a pas défini expressément l’expression « intérêt national ». Bien que notre Cour ne soit pas en mesure de déterminer de manière définitive le raisonnement qu’a effectivement tenu le ministre, elle peut examiner l’interprétation que le ministre semble avoir donnée de l’expression « intérêt national », à partir de sa « décision expresse motivée » et du chapitre 10 du guide opérationnel Traitement des demandes au Canada : « Refus des cas de sécurité nationale / Traitement des demandes en vertu de l’intérêt national » de CIC (le « guide opérationnel »), qui régissent la portée et le contexte de ces motifs, ainsi que la question de savoir si cette interprétation implicite, et la décision du ministre dans son ensemble, étaient raisonnables. Si le ministre avait défini expressément l’expression « intérêt national » à l’appui de sa décision sur le fond, sa définition aurait porté principalement sur la sécurité nationale et la sécurité publique, sans écarter les autres considérations importantes énoncées dans le guide opérationnel ou toutes autres considérations analogues. Le guide opérationnel ne constituait pas un code définitif et rigide. Il contenait plutôt un ensemble de facteurs, apparemment pertinents et raisonnables, relatifs à l’examen des demandes de dispense ministérielle. Le ministre n’était pas tenu de l’appliquer d’une manière rigide, mais il guidait l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et l’aidait à élaborer un processus administratif juste applicable à ces demandes.
Il convient de faire preuve de retenue à l’égard de cette interprétation implicite que le ministre a donnée de l’expression « intérêt national ». Le ministre a donnée une interprétation raisonnable de l’expression « intérêt national ». Le sens ordinaire de la disposition milite en faveur d’une interprétation plus large de l’expression « intérêt national » que celle qui limiterait la portée de cette expression à la protection de la sécurité publique et de la sécurité nationale. Le libellé de la loi, l’historique législatif de la disposition, son objectif et son contexte sont conformes à l’interprétation implicite que le ministre donne de cette expression. L’article 34 vise à protéger le Canada, mais dans la perspective du caractère démocratique du Canada, une nation qui entend protéger les valeurs fondamentales de sa Charte et de son histoire de démocratie parlementaire. L’art. 34 ne devrait pas devenir une formule de rechange à l’examen pour des raisons d’ordre humanitaire; toutefois, il n’exclut pas nécessairement la prise en compte de facteurs personnels qui peuvent être pertinents dans le cadre de ce type particulier d’examen. Une analyse fondée sur les principes d’interprétation législative révèle qu’un large éventail de facteurs peuvent être pertinents à l’égard de la détermination de ce que l’« intérêt national » peut comporter pour les besoins du par. 34(2) de la LIPR.