R. c. Scherrer, 2016 QCCQ 2703

Un individu impliqué dans une bagarre  avant de prendre le volant est acquitté des infractions de conduite avec les facultés affaiblies par l’effet de l’alcool et refus d’obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix.  Le juge du procès conclut au caractère involontaire et inconscient de la conduite suite au traumatisme crânien du défendeur.

[42]        En droit, la défense d’automatisme sans aliénation mentale se définit de la manière suivante :

« [TRADUCTION] [l’] automatisme désigne un comportement qui se produit à l’insu de la conscience et qui échappe à la volonté de l’agent. C’est l’état d’une personne qui, tout en étant capable d’agir, n’est pas consciente de ce qu’elle fait. » [6]

[…]

[44]        Dans le présent dossier, le traumatisme crânien diagnostiqué par le médecin du Centre hospitalier de Port-Cartier peut expliquer les gestes que l’accusé a commis à cette date. Il appert du témoignage du médecin psychiatre Gagné qu’une commotion cérébrale ou un traumatisme crânien peut causer de l’amnésie chez une personne qui en est victime, et ce, concernant une période antérieure ou ultérieure au choc subi.

[45]        Les personnes, pendant la période au cours de laquelle elles sont amnésiques, n’ont pas la faculté de porter un jugement sur les gestes qu’elles posent, n’étant pas en mesure de comprendre la situation, ce qui rejoint les propos de Hugues Parent dans le Traité de droit criminel  [8]  qui s’est penché sur la défense de l’automatisme :

« [L’automatisme] est un acte inconscient et involontaire où l’esprit ne sait pas ce qui se produit. »

[46]         La personne peut ainsi paraître consciente, être en mesure de communiquer et de s’exprimer, mais, de façon involontaire, sa capacité de jugement est, à ce moment, altérée. Le docteur Gagné souligne que l’accusé ne pouvait donc avoir d’intention criminelle dans ses gestes, puisqu’il n’était pas en état d’en former une au moment des évènements.[9]

[47]        Le docteur Gagné indique également qu’il peut s’agir de la combinaison d’un traumatisme crânien et d’une intoxication au GHB. Aucune évaluation sanguine de l’accusé n’a toutefois été faite à cet effet à l’hôpital. Dans les circonstances, cette conclusion n’est que spéculative.

[48]        Le Tribunal retient par ailleurs que les conclusions sont soit alternatives ou combinées. Seulement le traumatisme crânien subi par l’accusé peut donc avoir provoqué ce comportement de sa part lors de la nuit des évènements.

[…]

[55]        Sur le premier chef d’accusation, soit celui d’avoir conduit avec les capacités affaiblies par l’effet de l’alcool ou d’une drogue, le Tribunal considère que la preuve en défense est crédible. Il n’y a aucune raison de ne pas croire la version de l’accusé. Une preuve extrinsèque a même été présentée, soit le diagnostic du médecin à l’effet que l’accusé a subi un traumatisme crânien. Tous ces éléments permettent au Tribunal de conclure à la crédibilité de la preuve au soutien de l’expertise. La défense a ainsi satisfait à son fardeau de présentation en démontrant qu’en date du 23 septembre 2012, l’accusé a agi de façon involontaire et inconsciente et l’expert a confirmé cette preuve.

[56]        Le Tribunal doit, par la suite, analyser la preuve et l’accepter comme défense seulement si elle permettrait à un jury ayant reçu les directives appropriées d’arriver à la conclusion que l’accusé a agi de manière involontaire, selon la prépondérance des probabilités. [12]

[57]        Compte tenu de tous les éléments de preuve présentés en défense, le Tribunal en vient à la conclusion qu’un jury bien informé conclurait que l’accusé a agi involontairement dans les circonstances qui ont été établies au cours du procès, soit les conséquences d’un traumatisme crânien. De ce fait, le Tribunal acquitte donc l’accusé du premier chef d’accusation.

[58]        Concernant le deuxième chef d’accusation au dossier, le Tribunal note que les policiers, au moment où l’accusé s’est écroulé de douleur sur le sol de la salle d’interrogatoire, n’étaient pas prêts à procéder au test d’ivressomètre, attendant toujours l’arrivée du technicien qualifié. Le Tribunal conclut que l’accusé avait une excuse raisonnable de refuser d’obtempérer, se trouvant alors dans un état de santé précaire causé par le traumatisme crânien dont il a été victime.