En droit canadien, la garantie que l’on désigne fréquemment sous le vocable général de l’interdiction du double péril (double jeopardy) comporte trois règles procédurales apparentées, quoique bien distinctes, soit :
1. Les plaidoyers d’autrefois acquit ou convict;
2. L’interdiction des condamnations multiples (res judicata) – Voir R. c. Kienapple, [1975] 1 R.C.S. 729; R. c. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480;
3. L’autorité de la chose jugée (issue estoppel – aussi appelée fin de non recevoir) – Voir R. c. Grdic,[1985] 1 R.C.S. 810.
1. Les plaidoyers d’autrefois acquit ou convict
Le plaidoyer d’autrefois acquit ou convict est prévu au Code criminel et à l’art. 11h) de la Charte. L’accusé doit établir une identité stricte, i.e :
a)Une identité des accusations quant aux faits, i.e quant à la transaction criminelle qui a donné naissance aux accusations;
L’identité de la transaction suppose que les deux accusations aient été commises à la même date, qu’elles impliquent les mêmes circonstances et aient le même objet. Un accusé doit démontrer qu’il s’agit de la même affaire en totalité ou en partie.
b) Une identité quant aux infractions reprochées;
L’identité des accusations quant aux infractions suppose l’identité des composantes juridiques des infractions reprochées par les accusations. En droit criminel, les arts. 609 et 610 C.cr. proposent des critères de détermination de cette identité. Un accusé doit démontrer que le nouveau chef d’accusation est le même qu’au procès antérieur ou y être implicitement inclus. Une infraction est implicitement incluse dans une autre soit en droit, soit en raison de la preuve faite au premier procès s’il avait été légalement possible alors d’apporter au chef original les modifications nécessaire. Une infraction incluse dans celle faisant l’objet du jugement antérieur est une infraction identique pour les fins d’application des défenses d’autrefois. Voir Rex v. Kissick (1942), 78 C.C.C. 34 (Man. C.A.), pour une infraction fédérale versus provinciale. Voir ici.
c) Une décision antérieure doit avoir été prononcée sur le fond de l’accusation.
2. L’interdiction des condamnations multiples (res judicata)
En l’absence d’une identité stricte des infractions, la common law reconnaît la défense de res judicata. Cette défense est fondée sur le principe de l’interdiction des condamnations multiples. De portée plus large que celle qui être invoquée au moyen d’un plaidoyer d’autrefois acquit, cette défense interdit qu’un individu soit déclaré coupable de deux infractions qui, bien qu’abstraitement différentes à la lecture des textes d’incrimination, comportent des éléments déterminants qui se recoupent et visent de facto des comportements essentiellement identiques.
Dans l’arrêt Prince, la Cour suprême a repris les critères relevant de la règle de Kienapple. Pour que cette dernière s’applique, il doit exister :
a) Un lien factuel entre les infractions reprochées;
Cela signifie que le même comportement aurait pu être reproché en vertu de l’une ou l’autre des infractions.
b) Un lien juridique suffisant entre les dispositions légales.
La question est donc de savoir si le législateur a voulu des éléments distinctifs entre les deux infractions.
* À noter que R. c. Loyer et autre, [1978] 2 R.C.S.631 énonce comme principe suivant.
L’arrêt Kienapple ne signifie pas qu’un accusé qui, d’après la preuve, serait trouvé coupable sous deux chefs peut éviter la condamnation la plus sévère en plaidant tout simplement coupable de l’infraction la moins grave, si ce plaidoyer est accepté. En somme, lorsqu’un accusé est inculpé sous deux ou plusieurs chefs d’accusations d’infractions de gravité différente et que le même délit ou la même chose sert de fondement à deux des chefs d’accusation, l’accusé doit être acquitté de l’inculpation la moins grave, s’il est trouvé coupable sous la plus grave ou y plaide coupable. Toutefois, l’accusé plaide coupable sous l’accusation la moins grave, il faut remettre la décision sur le plaidoyer en attendant le procès sur l’infraction la plus grave. Si l’accusé en est déclaré coupable et qu’une condamnation est alors prononcée, le plaidoyer déjà offert sous l’inculpation la moins grave doit être radié et un acquittement ordonné.
Voir aussi ici (Rule against multiple convictions applies to regulatory matters).
3. L’autorité de la chose jugée (issue estoppel – aussi appelée fin de non recevoir)
La défense de fin de non-recevoir (issue estoppel) implique que toute question qui a nécessairement due être résolue en faveur de l’accusé pour qu’il y ait acquittement est réputée de façon irrévocable avoir été tranché définitivement en faveur de l’accusé.
L’autorité de la chose jugée empêche que soit mise à nouveau en litige une question de fait déjà tranchée en faveur de l’accusé (voir l’arrêt Grdic).
(Informations prises ici)