Une première décision dans le même dossier est certainement pertinente et doit être considérée avec attention. D’autant plus si les faits qui la sous-tendent se sont toujours avérés au moment de prononcer la peine une seconde fois.
[33] J’accepte que si le juge se fondait sur l’arrêt R. c. Valère, 1996 CanLII 5674 (C.A.) pour conclure qu’il devait imposer la même peine que celle imposée par son collègue Bélisle, c’est une erreur.
[34] Il ne fait aucun doute que le juge de la peine, au terme d’un second procès, est entièrement libre de déterminer la peine appropriée, avec une nuance importante s’il souhaite en augmenter la sévérité.
[35] Comme le reconnaît le droit, et cela ne semble pas controversé, « la justification d’une peine plus sévère au second procès que celle prononcée au premier procès ne peut se fonder que sur la démonstration de nouveaux faits aggravants ou sur la conclusion que la première peine était nettement déraisonnable. » : R. c. Valère, 1996 CanLII 5674 (C.A.Q.) repris dans l’arrêt R. c. Daoulov, 2002 CanLII 19286, par. 4 (C.A.Q.).
[36] Une première décision sur la peine demeure un précédent pertinent. Après tout, l’exercice de détermination de la peine fait intervenir un principe d’harmonisation et les parties tentent généralement de trouver des causes pertinentes en jurisprudence. Or, une première décision dans le même dossier est certainement pertinente et doit être considérée avec attention. D’autant plus si les faits qui la sous-tendent se sont toujours avérés au moment de prononcer la peine une seconde fois.
[37] Cela étant dit, on conclura rarement qu’une nouvelle audience de la peine n’est pas nécessaire, à moins que ce ne soit le souhait des parties et que les renseignements utiles puissent être présentés d’une autre façon. En effet, le juge doit faire sa propre analyse et il n’est pas tenu de suivre la première décision dans tous les cas.
Les tribunaux et les auteurs s’accordent pour dire qu’un juge demeure entièrement libre de déterminer la peine appropriée, mais qu’il ne peut imposer une peine plus sévère en l’absence de nouveaux faits qui le justifient, et ce, de façon convaincante. L’augmentation de la sévérité de la peine, sans justifications claires, peut donner l’impression que le système de justice punit davantage le délinquant parce qu’il s’est prévalu de son droit d’appel avec succès.
[38] Les tribunaux et les auteurs s’accordent pour dire qu’un juge demeure entièrement libre de déterminer la peine appropriée, mais qu’il ne peut imposer une peine plus sévère en l’absence de nouveaux faits qui le justifient, et ce, de façon convaincante. L’augmentation de la sévérité de la peine, sans justifications claires, peut donner l’impression que le système de justice punit davantage le délinquant parce qu’il s’est prévalu de son droit d’appel avec succès.
[39] Les propos du juge Twaddle ont été suivis dans Valère et dans d’autres cours d’appel. Il a écrit que le second juge peut maintenir la même peine, mais il peut difficilement être plus sévère :
If he considers it to have been fit, he might re-impose it, subject to an allowance for any additional time the accused may have spent in custody after his first sentence. If, on the other hand, the judge does not accept the fitness of the original sentence, either because it was inordinately low or because new facts have emerged, he may impose a longer sentence. But, where no new facts have emerged, he should avoid imposing a sentence which is so much longer than the first as to cause the average person standing at the forks to think that the accused was penalized for his successful appeal.
R. v. W. (R.S.) (1992), 1992 CanLII 4019 (MB CA), 74 C.C.C. (3d) 1, 14-15 (C.A.M.); R. v. R.A.D., 2023 MBCA 27, par. 57; R. v. B.(L.) (1997) 1997 CanLII 3187 (ON CA), 116 CCC (3d) 481, 512 (C.A.O.); R. v. Harriott. (2002) 2002 CanLII 23588 (ON CA), 161 CCC (3d) 481, par. 52 (C.A.O.); R. v. Precup, 2016 ONCA 669.
[40] Les auteurs s’accordent également sur ces principes : Clayton Ruby, Sentencing, 10e éd., 2020, Lexis Nexis, Toronto, p. 197; R.E. Salhany, Canadian Criminal Procedure, 6e éd., Carswell, 1994 § 8:31 (en ligne, consulté le 29 mars 2023); G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 3e éd., Thomson Reuters, 1987, § 18:103 (en ligne, consulté le 29 mars 2023).
[41] Il se présentera des cas où la preuve est différente et autorise une peine plus sévère : par exemple, R. v. Eng, 2000 BCCA 31.