L’arrêt des procédures.

Brind’Amour c. R., 2014 QCCA 33 canlii.ca/t/g2mgf

[56]        Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’un abus de la première ou de la deuxième catégorie, l’arrêt des procédures n’est  approprié que si deux critères sont satisfaits : 1) le préjudice causé par l’abus sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue; 2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice.

[57]        Toujours dans Tobiass, la Cour suprême rappelle l’importance du premier critère, qui indique que la réparation qu’est l’arrêt des procédures a un caractère prospectif et non rétrospectif :

91 Le premier critère est d’une importance capitale. Il reflète le caractère prospectif de cette réparation. La suspension des procédures ne corrige pas le préjudice causé, elle vise à empêcher que ne se perpétue une atteinte qui, faute d’intervention, continuera à perturber les parties et la société dans son ensemble à l’avenir. Voir l’arrêt O’Connor, au par. 82. Pour cette raison, il faut satisfaire au premier critère même s’il s’agit d’un cas visé par la catégorie résiduelle. Voir l’arrêt O’Connor, au par. 75. Le simple fait que l’État se soit mal conduit à l’égard d’un individu par le passé ne suffit pas à justifier la suspension des procédures. Pour que la suspension des procédures soit appropriée dans un cas visé par la catégorie résiduelle, il doit ressortir que la conduite répréhensible de l’État risque de continuer à l’avenir ou que la poursuite des procédures choquera le sens de la justice de la société. Ordinairement, la dernière condition ne sera pas remplie à moins que la première ne le soit aussi — la société ne s’offusquera pas de la poursuite des procédures à moins qu’une forme de conduite répréhensible soit susceptible de persister. Il peut y avoir des cas exceptionnels où la conduite reprochée est si grave que le simple fait de poursuivre le procès serait choquant. Mais de tels cas devraient être relativement très rares.

[58]        En d’autres mots, même pour la catégorie résiduelle, ordinairement, la poursuite des procédures pourra choquer le sens de la justice seulement si la conduite répréhensible ou l’abus est susceptible de se perpétuer. Par contre, il peut se produire des cas, « relativement très rares » et « exceptionnels », qui ne laissent place à aucune alternative : la simple poursuite du procès serait tellement choquante, en raison de la gravité de l’inconduite, qu’il faut arrêter les procédures.

[59]        Par ailleurs, en toutes circonstances, l’ordonnance d’arrêt des procédures constitue une forme de réparation draconienne et il faut la réserver aux cas les plus graves ou les plus manifestes, alors qu’aucune autre mesure ne pourrait corriger le préjudice : R. c. Regan, 2002 CSC 12 (CanLII), 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, paragr. 53.

[60]        Enfin, s’il reste un degré d’incertitude quant à la possibilité de faire disparaître le préjudice, on peut alors appliquer un troisième critère, celui d’un examen comparatif entre les intérêts que servirait l’arrêt des procédures et l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif au fond.

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