Lemarbre c. R., 2016 QCCQ 2332

Un délai de 23 mois et 5 jours depuis la date fixée pour le procès est jugé déraisonnable et un arrêt des procédures est ordonné pour des accusations de conduite avec les facultés affaiblies par effet de l’alcool et conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale permise.

[29]        L’article 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés édicte que tout inculpé a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

[30]        Cette disposition vise à assurer la protection des droits individuels de l’accusé notamment le droit à un procès équitable.

[31]        L’arrêt Morin, 1992 CanLII 89 (CSC)[1992] 1 R.C.S. 771 a reconnu que la détermination de la longueur du délai ne consiste pas en l’application d’une formule mathématique ou administrative, mais plutôt dans une décision judiciaire qui soupèse les intérêts que la disposition vise à protéger et les facteurs qui, inévitablement, entraînent un délai.

[32]        Dans l’arrêt Morin, le juge Sopinka énonce les facteurs à considérer pour analyser la longueur d’un délai déraisonnable :

a)            la longueur du délai;

b)            la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul;

c)            les raisons du délai, notamment :

i)            les délais inhérents à la nature de l’affaire;

ii)            les actes de l’accusé;

iii)           les actes du ministère public;

iv)           les limites des ressources institutionnelles;

v)            les autres raisons du délai.

d)            le préjudice subi par l’accusé.

[33]        Il s’agit d’un processus de pondération qui exige un examen de la longueur du délai et de son évaluation en fonction d’autres facteurs.

[34]        Au terme de cette analyse, le Tribunal détermine si le délai est déraisonnable compte tenu des intérêts que l’alinéa 11b) de la Chartevise à protéger, de l’explication du délai et du préjudice subi par l’accusé.

[…]

[39]        Dans le présent cas, la longueur du délai (23 mois et 5 jours) dépasse de beaucoup les lignes directrices de la Cour suprême. À première vue, il apparaît déraisonnable et il importe d’en faire l’analyse.

[40]        Le requérant n’a renoncé à aucun délai et chacune des parties a toujours été prête à procéder.

[…]

[50]        À la lumière de ces jurisprudences, le Tribunal considère que le délai total de 23 mois et 5 jours est déraisonnable.

[…]

[55]        L’arrêt des procédures en vertu de l’article 24 (1) de la Charte est un remède exceptionnel. Comme la Cour suprême le signalait dans l’arrêt Morin, le droit à un procès équitable est protégé par la tentative de faire en sorte que les procédures aient lieu pendant que la preuve est disponible et récente.

[56]        En raison du long délai, du préjudice inhérent qui en découle et de la preuve du préjudice personnel subi par le requérant, le Tribunal considère que l’arrêt des procédures est le seul remède envisageable en l’espèce.