L’avocat ne pose aucune question afin de mettre en lumière les distinctions entre les versions de l’agression offertes par la plaignante lors de son témoignage, de sa plainte initiale et de sa seconde déclaration vidéo aux policiers. Or, ces contradictions concernent non seulement la date des événements mais également, la séquence des événements, la pièce où se serait déroulée l’agression, etc.
[10] L’étude du dossier démontre que l’avocat s’attarde uniquement sur les problèmes de consommation de la plaignante et qu’il insiste sur sa stature et sur le fait qu’elle pratiquait régulièrement la boxe. Il fait valoir qu’elle aurait dû être en mesure de repousser l’appelant. L’avocat soulève également une incohérence dans son témoignage en lien avec la date de l’agression sexuelle. Au-delà de ces éléments, il ne pose aucune question afin de mettre en lumière les distinctions entre les versions de l’agression offertes par la plaignante lors de son témoignage, de sa plainte initiale et de sa seconde déclaration vidéo aux policiers. Or, ces contradictions concernent non seulement la date des événements mais également, la séquence des événements, la pièce où se serait déroulée l’agression, etc.
[11] L’avocat ne tente pas davantage de contre-interroger la plaignante Me… B… sur certaines contradictions apparaissant dans sa déclaration écrite aux policiers. Il ne s’oppose pas à son témoignage par visioconférence puisqu’il ne s’agit pas d’un témoin principal, alors que Me… B… est l’une des plaignantes impliquées dans les événements du 31 août 2017. Il ajoute qu’il n’a « pas de déclaration [permettant de] la mettre en contradiction avec certaines déclarations ». Or, la déclaration existe et contient certains éléments qui auraient pu être soulevés en contre-interrogatoire.
Le juge n’a pas été mis en présence de faits susceptibles de supporter sa théorie de la cause et que, d’autre part, les versions antérieures discordantes fournies par le plaignant n’ont pas, non plus, été mise en preuve
[12] Enfin l’appelant reproche à son avocat une préparation insuffisante en vue de son propre témoignage. Si la preuve confirme qu’il a rencontré à quelques reprises son avocat et qu’il a eu des échanges généraux sur les principes devant le guider lors de témoignage, il est douteux, ce que semble même reconnaître l’avocate du ministère public, que l’appelant ait eu la chance de visionner les déclarations vidéo et surtout d’échanger avec son avocat sur la stratégie à adopter en défense.
[13] La combinaison de ces éléments mène à la conclusion que l’avocat de l’appelant n’a pas « agi avec la compétence requise »[4]. Il ne s’agit pas ici d’un cas où l’avocat a pris la décision réfléchie de ne pas interroger un témoin,[5] mais d’une situation qui dénote plutôt une absence de préparation et de stratégie. En l’espèce, l’effet cumulatif des erreurs commises est de nature à établir l’existence d’un préjudice[6].
[14] La situation s’apparente à celle ayant donné lieu à l’arrêt L.D. c. R:
[37] Je retiens donc que, suivant la règle de la prépondérance, l’appelant a établi avoir subi un préjudice du fait que, d’une part, le juge n’a pas été mis en présence de faits susceptibles de supporter sa théorie de la cause et que, d’autre part, les versions antérieures discordantes fournies par le plaignant n’ont pas, non plus, été mise en preuve. Il s’agit en l’occurrence d’un préjudice important parce que le juge a rejeté la thèse de la défense pour cause d’absence de preuve et spécifiquement noté la constance de la version du plaignant pour conclure à sa crédibilité, ce qui l’a conduit au verdict que l’on connait[7].
[15] En l’espèce, le juge écarte le témoignage de l’appelant et retient plutôt la version offerte par les plaignantes. Il note que le témoignage de M… B… est fiable et crédible, qu’il est corroboré en partie par celui de sa sœur et la preuve matérielle. Il souligne que son témoignage, tout comme celui de sa sœur, est exempt de contradictions ou d’indices de faussetés. Il note que lors du contre-interrogatoire, M… reconnaît s’être trompée sur le moment où survient l’une des agressions sexuelles, mais qu’elle s’en explique.
[16] La crédibilité des témoins est donc au cœur du dossier et les motifs du juge font voir que les lacunes au niveau des contre-interrogatoires et la préparation lacunaire du témoignage de l’appelant ont porté préjudice au droit de ce dernier à une défense pleine et entière et à un procès juste et équitable.
[17] Dans ces circonstances, il y a lieu d’ordonner un nouveau procès.