R. c. Mignault-Brusewitz, 2016 QCCQ 2493 :
Une attente justifiée par l’arrivée d’une dépanneuse sur les lieux d’une interception pour conduite avec les capacités affaiblies par l’effet de l’alcool est déclarée contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.
[44] L’article 254(3) C. cr. prévoit qu’à la suite d’un ordre, le policier doit s’assurer que les échantillons d’haleine soient fournis « dans les meilleurs délais ».
[45] Par ailleurs, si la poursuite veut bénéficier de la présomption d’identité en déposant le certificat du technicien qualifié, l’article 258(1)c)ii) C. cr. prévoit que les échantillons doivent avoir été prélevés « dès que matériellement possible ».
[46] Il ressort clairement de la lecture de ces dispositions que le législateur voulait s’assurer que la détention, résultant de l’ordre de soumettre des échantillons d’haleine, soit limitée à ce qui est raisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances.
[47] Cette détermination du délai écoulé est une question de fait qui relève du juge du procès. Les conséquences reliées au non respect de l’une ou l’autre de ces dispositions sont distinctes. Mon collègue, l’honorable Conrad Chapdelaine dans R. c. Bernard[1], précise l’objet de l’article 258(1)c) du Code criminel:
40 Le paragraphe 258 (1) c) C.cr. ne réfère nullement à une question d’admissibilité de la preuve, mais plutôt aux conditions statutaires décrétées par le législateur pour permettre à la poursuite de bénéficier des présomptions. Ces conditions ne régissent pas la question de l’admissibilité (voir R. c. Lee, [2008] O.J. No. 1056, par. 15).[2]
[48] Ainsi, dans le cadre de sa preuve, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable le respect de chacune des conditions prévues au paragraphe 258(1)c) C. cr. En cas de non respect de l’une ou l’autre de ces conditions, elle perd le bénéfice des présomptions.
[49] Par contre, si les échantillons ne sont pas recueillis dans les meilleurs délais, cela pourra constituer une atteinte aux droits constitutionnels et entraîner l’exclusion du certificat d’alcoolémie dont le fardeau revient à la requérante.
[…]
[84] Qu’en est-il d’une période de détention prolongée pour administrer les tests d’alcoolémie.
[85] Il est clair, en l’espèce, que les policiers ne se souciaient pas de limiter la période de détention de la requérante pour les fins de l’administration du test. Par exemple, la période d’attente à trois policiers pour le remorquage, à trois minutes du poste de police, démontre le peu d’intérêt des policiers à l’égard des droits constitutionnels de la requérante.
[86] Il en va de même des périodes d’attente au poste, et plus particulièrement encore, de celle où l’on oblige la requérante à compléter un formulaire qu’elle n’a pas à compléter et qu’elle refuse de faire.
[87] Dans les circonstances particulières de cette affaire, le Tribunal considère que cette période prolongée et inutile de détention ne respecte pas l’obligation de l’article 254(3) C. cr., de prélever les échantillons dans les meilleurs délais et porte atteinte aux droits de la requérante en vertu de l’article 9 de la Charte.
[…]
[90] La preuve a démontré que les policiers ne se sont pas souciés des impacts de leurs choix administratifs, comme l’attente de la remorqueuse, sur le respect d’un délai raisonnable tel qu’exigé par la loi. L’incidence de ce non-respect des droits a entraîné une prolongation de la détention de la requérante totalement injustifiée de 29 minutes.
[91] Quant au critère de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond, en matière de conduite avec les capacités affaiblies, compte tenu de la nature de la preuve, ce critère milite plutôt, dans la plupart des cas, pour l’inclusion que l’exclusion de la preuve.
[92] La mise en balance de tous les critères amène le Tribunal à considérer que cette détention arbitraire milite en faveur de l’exclusion de la preuve car les tribunaux ne peuvent s’associer à ce comportement qui déconsidère l’administration de la justice.