Frigault c. R., 2012 NBCA 8 est une excellente source concernant le principe de gradation de la peine applicable en droit criminel.

Voici les passages pertinents :

[16]                                   Le juge Saunders de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a fait l’analyse suivante du principe de la gradation des peines dans R. c. Bernard, 2011 NSCA 53 (CanLII), 2011 NSCA 53, [2011] N.S.J. No. 301 (QL) :

[TRADUCTION]

Dans certaines situations, il peut être nécessaire pour les juges de tenir compte de l’effet du « bond sentenciel » (ou « gradation des peines » pour punir un comportement illégal. Cette démarche a pour but de prendre en compte le degré de sévérité des peines infligées à l’égard d’infractions antérieures par rapport à celui de la peine sur le point d’être infligée. En d’autres termes, ce principe reconnaît l’importance de comparer le degré de sévérité relatif des peines infligées pour des infractions passées et présentes.

[…]

Même si les facteurs dits du « bond sentenciel », de la « gradation des peines » et de l’« intervalle entre les déclarations de culpabilité » ne sont pas expressément codifiés à l’art. 718, leur application fait maintenant partie de la nomenclature de la détermination de la peine. Ces facteurs peuvent être déduits de ce que le Code criminel appelle le « principe fondamental » de la détermination de la peine prévu à l’art. 718.1, à savoir que la peine « est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ». Je n’ai pas à décider si ces concepts sont devenus des principes reconnus de détermination de la peine ou s’il s’agit simplement d’étiquettes utilisées pour expliquer les caractéristiques logiques et pertinentes de la détermination de la peine. Il s’agit essentiellement de concepts ou de normes qui peuvent être appliqués pour s’assurer « d’éviter l’excès de nature ou de durée » lorsque des peines consécutives sont infligées (al. 718.2c)). […]  [Par. 33 et 36]

[17]                                   Clayton Ruby, dans l’ouvrage intitulé Sentencing (7e éd.), (Markham, Ont. : LexisNexis, 2008), explique le raisonnement à la base de l’« effet du bond sentenciel », à partir de la page 389 :

[TRADUCTION]

Par. 8.79 L’une des caractéristiques souvent révélées par l’examen d’un casier judiciaire est le fait que la peine infligée ou à être infligée dans l’espèce est considérablement plus longue que les peines infligées antérieurement. Même lorsqu’il y a une augmentation marquée de la gravité du crime perpétré, il ne devrait pas y avoir un trop grand « bond » dans la durée de la peine infligée : [TRADUCTION] « les peines infligées à l’égard d’un récidiviste devraient augmenter graduellement, plutôt que radicalement ». Il ne s’agit vraisemblablement de rien de plus que le principe portant que si moins fera l’affaire, c’est que plus est superflu, dont il est fait état à l’al. 718d) du Code criminel. Ainsi, dans l’arrêt Re Morand and Simpson, la Cour d’appel de la Saskatchewan a donné comme l’un des motifs expliquant le fait que la peine était réduite de quatre ans à trois ans que la plus longue peine infligée antérieurement était de deux ans. Les peines seront également réduites si elles représentent une augmentation excessive par rapport à des peines antérieures. Ainsi, dans Alfs, la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que l’appelant n’avait jamais reçu de peine d’incarcération auparavant et, notamment pour cette raison, elle a modifié une peine de quatre ans pour vol à main armée en y substituant une peine de temps déjà purgé d’environ dix mois suivie d’une période de probation d’un an. Un nouveau principe a vu le jour : dans Sloane, une peine qui a fait un bond en passant d’une mesure non privative de liberté à un emprisonnement de huit ans a été décrite comme étant [TRADUCTION] « contraire aux principes ».

Par. 8.80 Ce principe ne permet pas de justifier une peine plus longue que celle qui avait été infligée antérieurement; il s’agit plutôt d’une règle qui tend à limiter l’augmentation – lorsqu’elle est par ailleurs justifiée et nécessaire – à une augmentation imposée de manière graduelle. Toutefois, la proportionnalité demeure le principe fondamental de la détermination de la peine et, par conséquent, le principe du bond sentenciel peut « atteindre un palier » lorsque le délinquant possède un très lourd casier judiciaire.

   [Citations omises.]

[18]                                   Tel que le juge Saunders l’a indiqué dans Bernard, dans certains cas, il peut être nécessaire pour les juges de tenir compte du principe de la gradation des peines dans la détermination de la peine. Mais ce n’est pas le cas en l’espèce. M. Frigault possède un lourd casier judiciaire. Même s’il a été condamné précédemment à des peines d’un an à purger consécutivement à l’égard de deux accusations d’introduction par effraction et vol, il en est maintenant à sa cinquième accusation d’introduction par effraction et il a déjà été incarcéré. Dans Andrade c. R., 2010 NBCA 62 (CanLII), 2010 NBCA 62, 363 R.N.‑B. (2e) 159, le juge Robertson a discuté de l’importance des antécédents judiciaires de l’accusé :

Il ne fait aucun doute que la décision du juge du procès en ce qui concerne la peine a été influencée par la longueur des antécédents judiciaires de l’appelant (vingt-quatre déclarations de culpabilité antérieures). Il va sans dire que les antécédents judicaires sont cruciaux en ce qui concerne la question de la « moralité » du délinquant et les objectifs de la détermination de la peine énoncés par le législateur fédéral. C’est au moyen des antécédents judiciaires du délinquant que l’on peut évaluer les possibilités de réinsertion sociale, de récidive et de dangerosité future. Cela explique pourquoi le droit se préoccupe souvent de la nature ou de la gravité des déclarations de culpabilité et en particulier des déclarations de culpabilité antérieures pour la même infraction. Le tribunal chargé de déterminer la peine recourt inévitablement à la peine infligée comme preuve de la gravité de l’infraction. Un casier judiciaire faisant état d’actes de « violence » est considéré comme « important ». [Par. 24]

[19]                                   S’il fallait considérer les peines infligées pour défaut de se conformer à une ordonnance de probation et pour introduction par effraction séparément, on pourrait se demander si le juge chargé de la détermination de la peine a omis de tenir compte du principe de la gradation des peines. Cependant, je suis d’avis que l’application du principe de la gradation des peines est utile dans l’examen de la détermination de la peine à l’égard d’une seule infraction et qu’elle est moins utile dans les cas où un juge est chargé de la détermination de la peine à l’égard d’un accusé ayant un lourd casier judiciaire avec de multiples condamnations. Dans ces cas, après avoir tenu compte des principes de détermination de la peine énoncés dans le Code, le juge se concentre bien entendu sur la détermination de la peine globale appropriée. Même si le juge n’a pas précisément indiqué pourquoi il infligeait la peine en question, il ressort clairement de la conversation avec M. Frigault qu’il a évalué objectivement la situation de M. Frigault et bien tenu compte des principes de détermination de la peine. Dans l’analyse de l’application du principe de la gradation des peines à la présente affaire, il faut considérer la norme de contrôle qui incite les cours d’appel à faire preuve de retenue à l’égard d’un appel de la peine. Dans R. c. LeBlanc, 2003 NBCA 75 (CanLII), 2003 NBCA 75, 264 R.N.‑B. (2e) 341, le juge en chef Drapeau a clairement affirmé que les cours d’appel ne devraient pas intervenir lorsqu’il y a appel de la peine sauf si : (1) la peine est le résultat d’une erreur de droit; (2) le juge a commis une erreur de principe dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire; (3) la peine est manifestement déraisonnable compte tenu de l’art. 718 du Code (par. 17). Dans la présente affaire, aucun de ces trois facteurs n’existe.

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