La Cour suprême a rendu une décision (R. c. Barros, 2011 CSC 51) le 26 octobre dernier et a clarifié certaines règles, notamment celles relatives au privilège relié à l’indicateur de police et à l’infraction d’extorsion.
Question en litige
Une des questions en litige était la suivante : étant donné le privilège relatif à l’indicateur de police, la défense est-elle empêchée de découvrir son identité?
Le privilège relatif à l’indicateur de police
· L’identité des indicateurs de police est protégée par un privilège quasi absolu qui l’emporte sur l’obligation générale de divulgation à la défense qui incombe au ministère public. Effectivement, lorsque la police a besoin d’aide, les personnes qui peuvent lui fournir des renseignements ne le feront que si elles sont protégées.
· Ce privilège n’est pas assujetti au pouvoir discrétionnaire judiciaire et il n’invite pas la pondération d’intérêts opposés, sous réserve d’une exception relative à la démonstration de l’innocence de l’accusé[1]. La simple supposition que les renseignements pourraient être utiles à la défense est insuffisante; encore une fois, il s’agit de la démonstration de l’innocence de l’accusé, exception à l’obligation générale d’intérêt public qui incombe à l’État de protéger la confidentialité de l’indicateur. L’importance du privilège relatif aux indicateurs de police ne doit pas l’emporter sur le droit, qui a toujours primé, d’une personne accusée de démontrer son innocence en faisant naître un doute raisonnable au sujet de sa culpabilité.
· Or, et c’est ce que la Cour suprême est venue clarifier, la jurisprudence ne permet pas d’affirmer que, selon la règle de fond en matière de confidentialité, il est interdit aux accusés et à leurs représentants de tenter de découvrir l’identité d’un indicateur par des moyens licites et en vue d’atteindre un objectif légitime. La défense a le droit de faire tout ce qu’elle peut pour affaiblir la thèse de la poursuite pourvu que les méthodes qu’elle utilise soient par ailleurs licites. Tout accusé a le droit de recueillir n’importe quel renseignement susceptible de soulever un doute raisonnable quant à sa culpabilité, et ce, même si les conditions à remplir pour que s’applique l’exception relative à la démonstration de l’innocence de l’accusé ne sont pas réunies. Cette exception a trait à la divulgation par l’État de l’identité de l’indicateur et non pas aux renseignements obtenus par la défense grâce à ses propres moyens. Compte tenu de l’art. 7 de la Charte, le ministère public ne devrait pas pouvoir invoquer l’interdiction faite à l’État de divulguer des renseignements prétendument protégés afin d’empêcher la défense de mener une enquête indépendante susceptible de lui fournir des renseignements qui mèneraient au rejet de la revendication du privilège (par ex. comme dans le cas en espèce, d’engager un enquêteur privé).
L’actus reus de l’infraction d’extorsion
L’infraction d’extorsion seretrouve à l’art. 346.(1) du C.cr. :
346.(1) Commet une extorsion quiconque, sans justification ou excuse raisonnable, et avec l’intention d’obtenir quelque chose, par des menaces, accusations ou violence, que ce soit ou non la personne menacée ou accusée, ou celle contre qui la violence est exercée, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose.
Pour prouver qu’il y a eu extorsion, le ministère public doit établir hors de tout raisonnable que :
(i) l’accusé a induit ou tenté d’induire quelqu’un à accomplir ou à faire accomplir quelque chose;
(ii) qu’il a eu recours à des menaces, des accusations, ou de la violence;
(iii) qu’il a agi de la sorte avec l’intention d’obtenir ce quelque chose par recours à des menaces, et;
(iv) que son recours à des menaces ou sa demande faite en vue d’obtenir ce quelque chose était sans justification ou excuse raisonnable[2].
La Cour suprême est venue spécifier qu’une « menace » ne doit pas être comprise dans un sens restrictif, conformément à une définition bien précise. Au contraire, il faut se placer dans les mêmes circonstances que la personne qui la reçoit. Ainsi, une allusion voilée peut constituer une menace si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, et du contexte, elle suffit à informer la victime des conséquences qu’elle redoute ou préférerait éviter.