R. c. Kahsai, 2023 CSC 20

Même s’il n’est pas une partie à l’instance, l’amicus peut aider la cour en lui faisant part d’un point de vue ou en s’acquittant d’une fonction qui, selon le juge, doit nécessairement être exercée pour trancher les questions en litige.

[37] Même s’il n’est pas une partie à l’instance, l’amicus peut aider la cour en lui faisant part d’un point de vue ou en s’acquittant d’une fonction qui, selon le juge, doit nécessairement être exercée pour trancher les questions en litige (CLAO, par. 44 et 87). Ce rôle est justifié par le raisonnement selon lequel une cour ne devrait pas avoir à décider d’une question « contestée, aux contours incertains, complexe et importante en l’absence des plaidoiries complètes qui s’imposent », et que les parties agissant seules peuvent ne pas être en mesure de fournir (par. 108). L’amicus a la caractéristique qui lui est propre d’avoir une obligation de loyauté uniquement envers le tribunal, sans égard pour les circonstances ou les conditions de sa nomination (par. 53, 87 et 118). Même si la nomination d’un amicus doit servir à aider le tribunal, elle peut avoir l’effet fortuit de favoriser les intérêts de l’accusé (voir M. Vauclair et T. Desjardins, avec la collaboration de P. Lachance, Traité général de preuve et de procédure pénales 2022 (29e éd. 2022), par. 26.6, citant CLAO, par. 119).

Deux restrictions principales découlent de la nature du rôle d’amicus.

Premièrement, l’avocat qui assume le rôle d’amicus est constamment tenu à un devoir de loyauté envers la cour, quelles que soient les fonctions spécifiques qui lui sont confiées.

Deuxièmement, et dans le même ordre d’idées, le mandat de l’amicus, à titre d’ami de la cour, consiste à agir comme un avocat de la cour et pour la cour.

[41] Premièrement, l’avocat qui assume le rôle d’amicus est constamment tenu à un devoir de loyauté envers la cour, quelles que soient les fonctions spécifiques qui lui sont confiées. Pour éviter qu’il n’y ait de conflit d’intérêts, l’avocat en question ne peut être simultanément tenu à un devoir de loyauté envers l’accusé (CLAO, par. 53). Ainsi, dès sa nomination comme amicus, l’avocat ne peut plus entretenir de relation avocat‑client avec l’accusé. Il ne reçoit pas d’instruction de l’accusé et il ne peut être révoqué par celui‑ci. Ainsi, même si l’amicus peut plaider de manière à favoriser les intérêts de la défense, il ne « représente » pas l’accusé. Il peut être particulièrement important que le juge du procès le précise clairement lorsqu’il nomme un amicus dans une instance où l’accusé n’est pas représenté en dépit de ses efforts pour demander ou retenir les services d’un avocat.

Le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense limite les fonctions contradictoires dont peut s’acquitter l’amicus. Cela étant, le choix du défendeur de se représenter seul n’empêche pas l’amicus de jouer quelque rôle contradictoire que ce soit, puisque le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense ne l’autorise pas à décider de l’aide dont la cour a besoi

[45] Le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense limite les fonctions contradictoires dont peut s’acquitter l’amicus. Comme l’a noté l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles, l’amicus ne peut pas présenter d’observations ou chercher à obtenir des éléments de preuve qui contredisent les moyens de défense ou les théories présentés par l’accusé (voir m. interv., p. 8). Cela étant, le choix du défendeur de se représenter seul n’empêche pas l’amicus de jouer quelque rôle contradictoire que ce soit, puisque le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense ne l’autorise pas à décider de l’aide dont la cour a besoin. Ainsi, bien qu’un juge du procès puisse nommer un amicus chargé de fonctions contradictoires même si l’accusé s’y oppose, il doit tenir compte de toutes les objections lorsqu’il précise la portée de la nomination et être particulièrement sensible aux restrictions qui s’imposent compte tenu du droit de l’accusé de contrôler sa propre défense. Cela peut s’avérer particulièrement crucial lorsque l’accusé n’est pas représenté, non pas parce qu’il n’a pas été en mesure de retenir les services d’un avocat, mais parce qu’il insiste pour se représenter seul.