Même s’il n’est pas une partie à l’instance, l’amicus peut aider la cour en lui faisant part d’un point de vue ou en s’acquittant d’une fonction qui, selon le juge, doit nécessairement être exercée pour trancher les questions en litige.
[37] Même s’il n’est pas une partie à l’instance, l’amicus peut aider la cour en lui faisant part d’un point de vue ou en s’acquittant d’une fonction qui, selon le juge, doit nécessairement être exercée pour trancher les questions en litige (CLAO, par. 44 et 87). Ce rôle est justifié par le raisonnement selon lequel une cour ne devrait pas avoir à décider d’une question « contestée, aux contours incertains, complexe et importante en l’absence des plaidoiries complètes qui s’imposent », et que les parties agissant seules peuvent ne pas être en mesure de fournir (par. 108). L’amicus a la caractéristique qui lui est propre d’avoir une obligation de loyauté uniquement envers le tribunal, sans égard pour les circonstances ou les conditions de sa nomination (par. 53, 87 et 118). Même si la nomination d’un amicus doit servir à aider le tribunal, elle peut avoir l’effet fortuit de favoriser les intérêts de l’accusé (voir M. Vauclair et T. Desjardins, avec la collaboration de P. Lachance, Traité général de preuve et de procédure pénales 2022 (29e éd. 2022), par. 26.6, citant CLAO, par. 119).
[38] Le rôle de l’amicus est très variable et peut englober des tâches qui relèvent d’un large éventail de fonctions (voir R. c. Walker, 2019 ONCA 765, 381 C.C.C. (3d) 259, par. 65; CLAO, par. 117). Le rôle précis de l’amicus dépend des besoins particuliers cernés par le juge du procès. Ce rôle n’est toutefois pas illimité. Dans l’arrêt CLAO, la Cour a établi que le rôle joué par l’amicus excède la portée indiquée de celui qu’il doit jouer « [d]ès que les devoirs et les obligations d’un avocat de la défense lui incombent » (par. 114, le juge Fish, dissident, mais pas sur ce point). Elle y a aussi recensé plusieurs risques découlant d’une confusion des rôles de l’avocat de la défense et de l’amicus. Premièrement, la Cour a reconnu qu’une telle nomination peut aller à l’encontre du droit constitutionnel de l’accusé d’assurer sa propre défense (par. 51). Deuxièmement, elle a exprimé des préoccupations résultant du rôle de l’amicus en tant qu’ami de la cour. Elle a notamment fait état d’un possible conflit d’intérêts entre les obligations d’un amicus envers la cour et les obligations que celui-ci aurait envers l’accusé; elle a aussi traité du risque qu’un amicus mine l’impartialité de la cour en offrant à l’accusé des conseils d’ordre stratégique quant au procès (par. 53‑54). Enfin, la Cour a recensé d’autres risques qui peuvent survenir dans des causes en particulier, y compris celui que la nomination d’un amicus mine le régime d’aide juridique ou contourne le refus d’un tribunal d’accorder à l’accusé les services d’un avocat rémunéré par l’État (par. 52 et 55).
[39] Ces risques empêchent le tribunal de désigner un amicus en lui confiant tous les pouvoirs et toutes les obligations d’un avocat de la défense. Cela dit, l’amicus peut s’acquitter d’un large éventail de fonctions contradictoires sans que cela ne soulève ces préoccupations, comme le démontrent les décisions ultérieures. Dans certaines causes, c’est la nomination d’un amicus pour contester la position de la Couronne qui contribuera le mieux à l’équité du procès lorsque l’accusé n’est pas représenté. Les risques recensés dans l’arrêt CLAO aident à adapter le rôle de l’amicus, comme je vais l’expliquer ultérieurement. Ils ne sont toutefois pas un obstacle à la nomination d’un amicus à qui sont confiées des fonctions similaires à celles d’un avocat de la défense, lorsque la cour estime qu’il est nécessaire qu’elle dispose d’un point de vue contradictoire pour assurer la tenue d’un procès équitable.
Deux restrictions principales découlent de la nature du rôle d’amicus.
Premièrement, l’avocat qui assume le rôle d’amicus est constamment tenu à un devoir de loyauté envers la cour, quelles que soient les fonctions spécifiques qui lui sont confiées.
Deuxièmement, et dans le même ordre d’idées, le mandat de l’amicus, à titre d’ami de la cour, consiste à agir comme un avocat de la cour et pour la cour.
[41] Premièrement, l’avocat qui assume le rôle d’amicus est constamment tenu à un devoir de loyauté envers la cour, quelles que soient les fonctions spécifiques qui lui sont confiées. Pour éviter qu’il n’y ait de conflit d’intérêts, l’avocat en question ne peut être simultanément tenu à un devoir de loyauté envers l’accusé (CLAO, par. 53). Ainsi, dès sa nomination comme amicus, l’avocat ne peut plus entretenir de relation avocat‑client avec l’accusé. Il ne reçoit pas d’instruction de l’accusé et il ne peut être révoqué par celui‑ci. Ainsi, même si l’amicus peut plaider de manière à favoriser les intérêts de la défense, il ne « représente » pas l’accusé. Il peut être particulièrement important que le juge du procès le précise clairement lorsqu’il nomme un amicus dans une instance où l’accusé n’est pas représenté en dépit de ses efforts pour demander ou retenir les services d’un avocat.
[42] Deuxièmement, et dans le même ordre d’idées, le mandat de l’amicus, à titre d’ami de la cour, consiste à agir comme un avocat de la cour et pour la cour. Il n’est donc pas possible de lui confier des fonctions qui porteraient essentiellement atteinte à l’obligation d’impartialité du tribunal — par exemple, en conseillant l’accusé relativement à des décisions d’ordre stratégique (CLAO, par. 54). Si, dans l’exercice du mandat qui lui a été confié, l’amicus se trouve en conflit avec le devoir de loyauté qu’il a envers le tribunal, il doit toujours privilégier ce devoir. Il doit en outre avertir le tribunal immédiatement s’il se trouve dans une position qui compromettrait sa capacité à respecter son devoir de loyauté envers le tribunal.
Le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense limite les fonctions contradictoires dont peut s’acquitter l’amicus. Cela étant, le choix du défendeur de se représenter seul n’empêche pas l’amicus de jouer quelque rôle contradictoire que ce soit, puisque le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense ne l’autorise pas à décider de l’aide dont la cour a besoi
[45] Le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense limite les fonctions contradictoires dont peut s’acquitter l’amicus. Comme l’a noté l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles, l’amicus ne peut pas présenter d’observations ou chercher à obtenir des éléments de preuve qui contredisent les moyens de défense ou les théories présentés par l’accusé (voir m. interv., p. 8). Cela étant, le choix du défendeur de se représenter seul n’empêche pas l’amicus de jouer quelque rôle contradictoire que ce soit, puisque le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense ne l’autorise pas à décider de l’aide dont la cour a besoin. Ainsi, bien qu’un juge du procès puisse nommer un amicus chargé de fonctions contradictoires même si l’accusé s’y oppose, il doit tenir compte de toutes les objections lorsqu’il précise la portée de la nomination et être particulièrement sensible aux restrictions qui s’imposent compte tenu du droit de l’accusé de contrôler sa propre défense. Cela peut s’avérer particulièrement crucial lorsque l’accusé n’est pas représenté, non pas parce qu’il n’a pas été en mesure de retenir les services d’un avocat, mais parce qu’il insiste pour se représenter seul.
[46] L’amicus devrait pouvoir assumer certaines fonctions contradictoires parce qu’elles ne sont pas en contradiction avec le droit de l’accusé de contrôler sa propre défense. Par exemple, l’amicus peut favoriser les intérêts de l’accusé en interrogeant les témoins ou en présentant des observations qui ne font pas obstacle aux choix de nature stratégique clés de ce dernier. À l’intérieur de ces limites, l’amicus doit toujours avoir le droit de tester la solidité des arguments de la Couronne afin d’obliger cette dernière à prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable.
La nomination d’un amicus ne peut servir stratégiquement pour contourner le régime provincial d’aide juridique ou pour infirmer une décision judiciaire de refuser l’octroi d’un avocat rémunéré par l’État à la suite d’une demande de type Rowbotham.
[48] Enfin, l’éventail des rôles que peut jouer l’amicus peut être restreint lorsque d’autres préoccupations recensées dans l’arrêt CLAO sont pertinentes pour une cause donnée. Par exemple, la nomination d’un amicus ne peut servir stratégiquement pour contourner le régime provincial d’aide juridique ou pour infirmer une décision judiciaire de refuser l’octroi d’un avocat rémunéré par l’État à la suite d’une demande de type Rowbotham. Ces préoccupations surviennent le plus souvent lorsque l’accusé n’est pas représenté parce qu’il a été incapable de retenir les services d’un avocat. Les faits de l’affaire R. c. Whalen, [2009] O.J. No. 6467 (QL) (C.J.), une des causes visées par l’appel dans CLAO, illustrent bien ce principe. Dans cette cause, l’accusé avait demandé la nomination de l’avocate de la défense à titre d’amicus parce que cette dernière n’acceptait pas de le représenter pour les tarifs d’aide juridique. Le juge du procès avait accédé à cette demande de sorte que l’amicusserait payée en fonction de tarifs plus élevés. En appel, sans formuler de commentaire quant à cette ordonnance, la Cour a noté que la nomination d’un amicus ne peut pas contourner le régime d’aide juridique (par. 55). Ainsi, le juge du procès doit faire preuve de prudence avant de nommer un amicus chargé de fonctions contradictoires lorsque cette décision pourrait susciter ces préoccupations.
S’il existe un déséquilibre entre la capacité des parties de faire valoir une cause viable en s’acquittant de fonctions contradictoires, [traduction] « le processus contradictoire sur lequel repose la force de notre système judiciaire risque d’être considérablement affaibli »
[52] Pour qu’il constitue un mode de procédure efficace, le système contradictoire est tributaire du respect de certaines conditions. Par exemple, ce système [traduction] « tient pour acquis que les parties au litige, assistées de leur avocat, présenteront en totalité et avec diligence tous les faits importants ayant une valeur probante au soutien de leurs positions respectives » pour que le tribunal puisse résoudre le différend(Phillips c. Ford Motor Co. of Canada Ltd., 1971 CanLII 389 (ON CA), [1971] 2 O.R. 637 (C.A.), p. 657). Le système est également tributaire de la capacité des parties de faire valoir leur propre position et de contester la cause présentée par la partie adverse dans l’exercice des fonctions contradictoires. Cela comprendrait, par exemple, la stratégie relative au litige, la sélection du jury, les observations à soulever ou les réponses à donner relativement aux préoccupations en matière de preuve ou quant à d’autres questions juridiques, l’interrogatoire et le contre-interrogatoire des témoins, et les plaidoiries d’ouverture et de clôture. Dans une affaire pénale, l’équité du procès dépend tout particulièrement de la capacité de contester la cause de la Couronne pour garantir que les droits de l’accusé sont protégés. S’il existe un déséquilibre entre la capacité des parties de faire valoir une cause viable en s’acquittant de fonctions contradictoires, [traduction] « le processus contradictoire sur lequel repose la force de notre système judiciaire risque d’être considérablement affaibli » (Walker, par. 63; voir aussi R. c. C.M.L., 2016 ONSC 5332, par. 80 (CanLII), la juge Molloy). En ce sens, les fonctions contradictoires favorisent à la fois les droits des parties à titre individuel, y compris l’accusé, et l’intérêt plus large du public à ce que le processus contradictoire soit efficace.
[53]Le risque de déséquilibre dans le processus contradictoire est exacerbé lorsqu’un accusé n’est pas représenté (voir P. J. LeSage et M. Code, Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes (2008), p. 185‑187). Lorsqu’il se défend contre des accusations criminelles sans être représenté, l’accusé ne peut tirer avantage d’une expertise juridique indépendante et de conseils professionnels alors qu’il court des risques juridiques possiblement considérables. La tenue d’un procès criminel sans que l’accusé soit représenté place souvent ce dernier dans une position très désavantageuse, et fait parfois courir le risque qu’aucune défense utile ne soit présentée. C’est un choix que l’accusé a le droit de faire, à condition qu’il soit apte à subir un procès et qu’il soit informé des conséquences de sa décision. Ce choix peut toutefois compromettre l’équité d’un procès. Pour protéger l’intégrité du système contradictoire de ces vulnérabilités inhérentes, le juge du procès et la Couronne ont des rôles uniques à jouer afin de garantir qu’un accusé non représenté subisse un procès équitable.
[54]Le juge du procès a l’obligation d’aider un accusé non représenté pour garantir que la procédure respecte ses droits fondamentaux (R. c. J.D., 2022 CSC 15, par. 34). Bien que, typiquement, le juge puisse s’acquitter de cette obligation en expliquant à l’accusé comment se déroule un procès, dans certaines circonstances, il doit intervenir plus activement. Par exemple, cette obligation pourra exiger du juge du procès qu’il suggère à l’accusé de retenir les services d’un avocat, qu’il identifie les questions importantes, qu’il formule des questions pour obtenir des éléments de preuve pertinents pour la défense, ou qu’il soulève de son propre chef des violations possibles de la Charte (R. c. Jayne, 2008 ONCA 258, 90 O.R. (3d) 37; R. c. Galna, 2007 ONCA 182, par. 6 (CanLII); R. c. Richards, 2017 ONCA 424, 349 C.C.C. (3d) 284, par. 113; R. c. Sabir, 2018 ONCA 912, 143 O.R. (3d) 465, par. 32‑36). Parallèlement, le juge doit toujours rester neutre, ce qui limite la portée de son obligation d’aider un accusé qui n’est pas représenté. Par exemple, le juge ne peut pas fournir de conseils stratégiques à l’accusé ou mener un contre‑interrogatoire pour la défense (R. c. Jaser, 2014 ONSC 2277, par. 32 (CanLII); Richards, par. 111). Pour mettre en balance ces obligations opposées, le juge doit s’assurer que l’accusé a droit à un procès équitable sur le plan procédural, tout en étant soucieux de ne pas lui offrir une aide qui compromettrait l’impartialité du tribunal.
Les responsabilités du juge du procès et de la Couronne peuvent nettement favoriser l’équité du procès et, dans la vaste majorité des causes, elles suffiront pour éviter que survienne une erreur judiciaire.
[55] La Couronne a également une responsabilité considérable lorsqu’il s’agit de garantir l’équité d’un procès. En tant que ministre local de la justice et officier de la cour, le procureur de la Couronne a le devoir de préserver l’équité du système de justice pénale pour toutes les parties, y compris l’accusé, les victimes et le public (voir Ontario, ministère du Procureur général, Manuel de poursuite de la Couronne, dernière mise à jour le 6 mai 2023 (en ligne)). Comme le rôle de la Couronne a une dimension publique et quasi‑judiciaire, sa fonction n’est ni contradictoire ni partisane au sens traditionnel. Elle cherche plutôt à défendre l’intérêt public (R. c. Cawthorne, 2016 CSC 32, [2016] 1 R.C.S. 983, par. 27). Comme l’exprime la célèbre formule du juge Rand dans Boucher c. The Queen, 1954 CanLII 3 (SCC), [1955] R.C.S. 16, la Couronne ne cherche pas à [traduction] « obtenir une condamnation, mais [à] présenter au jury ce que la Couronne considère comme une preuve digne de foi relativement à ce que l’on allègue être un crime » (p. 23). La Couronne doit toujours agir équitablement, impartialement et avec intégrité, tant dans la salle d’audience que dans ses relations avec l’accusé (R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, par. 155, le juge Binnie, dissident, mais pas sur ce point).
[56] Le mandat de la Couronne de défendre l’intérêt public signifie que ses procureurs s’acquittent d’obligations additionnelles lorsqu’elle poursuit un accusé non représenté. Par exemple, la Couronne doit informer un tel accusé de son droit à la communication de tous les documents pertinents qu’elle a en sa possession ou qu’elle contrôle, que ces éléments de preuve soient inculpatoires ou disculpatoires (R. c. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 326, p. 343). Le procureur de la Couronne a également une obligation d’avertir franchement la cour s’il soupçonne que [traduction] « tous les éléments de preuve des faits légaux disponibles » ne lui sont pas présentés par l’accusé non représenté (Boucher, p. 24). De plus, il a été suggéré que la Couronne doit être particulièrement attentive à ne présenter que des éléments de preuve admissibles, puisque l’accusé non représenté connaît généralement moins les règles de preuve qu’un avocat et est moins susceptible de s’opposer à la preuve de la Couronne (voir I. J. Schurman, « The Unrepresented Accused : Duties and Obligations of Trial Judges and Crown Counsel, and the Preparation of Petitions for State‑Funded Counsel », dans G. A. Smith et H. Dumont, dir., Justice à la carte — Adaptation face aux nouvelles exigences : Les questions de coordination dans le système judiciaire canadien (1999), 297, p. 310‑311). Finalement, le procureur de la Couronne doit coopérer avec le juge du procès pour permettre au tribunal d’aider l’accusé non représenté et pour faciliter le déroulement d’une procédure respectueuse des droits fondamentaux de ce dernier.
En règle générale, le tribunal doit respecter les choix stratégiques d’une personne accusée qui est apte à subir un procès, même si ces choix semblent irrationnels ou malavisés.
[58] En règle générale, le tribunal doit respecter les choix stratégiques d’une personne accusée qui est apte à subir un procès, même si ces choix semblent irrationnels ou malavisés (voir Bharwani, par. 157). Les tribunaux ont tout de même reconnu que, dans [traduction] « des causes complexes auxquelles participent des accusés qui ne sont pas représentés et qui souffrent de troubles mentaux, comportementaux ou cognitifs », le risque de compromission du processus contradictoire est particulièrement élevé (Walker, par. 63). En outre, comme le note l’intervenant Empowerment Council, comme le seuil d’aptitude pour être apte à subir un procès est peu élevé, le défendeur peut l’être, même s’il souffre de troubles mentaux, comportementaux ou cognitifs sérieux (voir m. interv., par. 18). Dans un cas de ce type, il peut être difficile de garantir la tenue d’un procès équitable, et l’aide que fournissent le juge du procès et le procureur de la Couronne peut ne pas suffire. Le recours à l’amicuspeut être une solution flexible pour atténuer ces risques et pour aider le juge du procès à maintenir l’intégrité du processus judiciaire lorsque se présente ce type de circonstances inhabituelles (R. c. Imona‑Russel, 2019 ONCA 252, 145 O.R. (3d) 197, par. 72; Jaser, par. 35; Walker, par. 71).
Exceptionnellement, la nomination d’un amicus chargé d’un mandat contradictoire peut être nécessaire pour que la cour s’acquitte de sa responsabilité d’assurer l’équité et l’efficacité du procès — particulièrement lorsque le déséquilibre dans le processus contradictoire menace de donner lieu à une erreur judiciaire.
[59] Sous réserve des restrictions que nous avons recensées précédemment, le juge du procès est le mieux placé pour décider quel type d’aide est nécessaire et il détient un vaste pouvoir discrétionnaire pour adapter la nomination aux exigences d’une cause (voir R. c. Samra (1998), 1998 CanLII 7174 (ON CA), 41 O.R. (3d) 434 (C.A.); Imona‑Russel, par. 92). Exceptionnellement, la nomination d’un amicus chargé d’un mandat contradictoire peut être nécessaire pour que la cour s’acquitte de sa responsabilité d’assurer l’équité et l’efficacité du procès — particulièrement lorsque le déséquilibre dans le processus contradictoire menace de donner lieu à une erreur judiciaire.
[60] De nombreuses causes récentes illustrent les circonstances dans lesquelles le tribunal a jugé nécessaire de nommer un amicus à qui il a confié des fonctions contradictoires. Par exemple, il a jugé nécessaire de nommer un amicus en lui assignant un rôle similaire à celui de l’avocat de la défense lorsque l’accusé refusait de retenir les services d’un avocat et ne participait pas activement à l’instance (R. c. Borutski, 2017 ONSC 7748; R. c. Chemama, 2016 ONCA 579, 351 O.A.C. 381; C.M.L.); lorsque l’accusé se représentait seul, mais qu’il n’était pas en mesure de présenter une défense satisfaisante (Walker; Jaser, par. 35; R. c. Ryan, 2012 NLCA 9, 318 Nfld. & P.E.I.R. 15); lorsque l’accusé perturbait le processus judiciaire et en abusait, ou lorsqu’il était déterminé à le faire dérailler (Brooks; R. c. Mastronardi, 2015 BCCA 338, 375 B.C.A.C. 134, par. 9‑10 et 50; C.M.L.); et lorsque des questions complexes ou des accusations criminelles sérieuses requéraient une perspective contradictoire pour assurer l’équilibre et l’équité du procès (Mastronardi; Imona‑Russel, par. 30‑31; Brooks, par. 43‑44; Borutski; Jaser). Dans beaucoup de ces causes, le tribunal a nommé un amicus en lui confiant un rôle contradictoire, uniquement après avoir explicitement conclu que les risques recensés dans l’arrêt CLAO ne se concrétiseraient pas (Borutski, par. 29 (CanLII); C.M.L., par. 71; Mastronardi, par. 44‑47; Imona‑Russel, par. 93).