Bourque c. R., 2016 QCCQ 3934

Les policiers n’ont pas procédé aux tests d’alcoolémie auprès du défendeur « dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise », et ce, contrairement à l’exigence législative du paragraphe 258(1)c) du Code criminel.

[31]     L’article 258 du Code criminel édicte deux présomptions légales dans le but de faciliter la mise en preuve des résultats de l’alcootest chez une personne.

[…]

[35]     Par contre, pour pouvoir en bénéficier, elle doit démontrer hors de tout doute raisonnable que les conditions d’application, prévues par la législation, sont rencontrées.

[36]     Tout d’abord, il y a les conditions prévues par le paragraphe 254(3) du Code criminel, soient celles en lien avec l’ordre de fournir un échantillon d’haleine. La poursuite doit démontrer :

a)   que l’agent de la paix avait des motifs raisonnables et probables de croire à la commission d’une infraction prévue à l’article 253;

b)   que l’infraction en cause est ou a été commise dans les trois heures précédentes;

c)   et que l’agent de la paix ordonne « dans les meilleurs délais » au contrevenant de fournir un échantillon d’haleine ou de sang.

[37]     Par la suite, il y a les conditions essentielles liées à la prise des échantillons d’haleine prévues par le paragraphe 258(1)c) du Code criminel :

a)   les échantillons d’haleine doivent avoir été prélevés  « dès qu’il a été matériellement possible de le faire » après le moment où l’infraction aurait été commise;

b)   dans le cas du premier échantillon, pas plus de deux heures après ce moment, et, par la suite, à des intervalles de 15 minutes;

c)   chaque échantillon a été reçu du contrevenant directement dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié;

d)   une analyse de chaque échantillon a été faite à l’aide d’un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié.

[…]

[70]     En 2012, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt St-Onge Lamoureux[3] rappelle l’effet de ces modifications législatives et précise que pour repousser les présomptions de fiabilité des résultats des tests d’alcoolémie, un justiciable doit démontrer « un mauvais fonctionnement de l’appareil approuvé au moment des tests ou une mauvaise utilisation ».

[71]     Les services de police ne peuvent ignorer l’impact de ces modifications sur les moyens de défense disponibles pour un contrevenant en la matière. Ils doivent faire preuve de diligence raisonnable dans la gestion des alcootests utilisés dans leur poste de police respectif.

[72]     Il ne revient pas au Tribunal de déterminer la méthode de travail appropriée ou la description des tâches des policiers dans la gestion courante de l’utilisation des alcootests.

[73]     Mais dans le dossier à l’étude, plusieurs éléments démontrent l’absence de diligence raisonnable dans la gestion de l’alcootest utilisé auprès du défendeur qui auraient permis à réduire de manière considérable le délai d’attente et, par le fait même, sa détention :

1-                  aucune inspection visuelle de l’alcootest au début du quart de travail par les agents ou la technicienne qualifiée et aucune vérification du registre d’utilisation de la solution d’alcool type;

2-                  aucune raison n’est invoquée pour effectuer la mise à jour du registre d’utilisation de la solution d’alcool type qu’au moment de l’arrestation du défendeur alors que cette solution doit être remplacée après 16 tests ou 7 jours;

3-                  pourquoi le test de contrôle avant l’utilisation de l’alcootest se fait seulement après l’exercice du droit à l’avocat du défendeur?

[74]     À ces éléments s’ajoute le flou entourant le suivi de la problématique constatée par la technicienne qualifiée et le dévoilement verbal à son superviseur :

1-                  la technicienne n’a jamais eu de retour sur les problèmes du 22 août 2014;

2-                  elle ignore si l’appareil RBT-IV numéro 43864 est allé en réparation avant et même après les tests sur le défendeur;

3-                  la technicienne affirme avoir eu, à une ou deux reprises par le passé, un problème similaire d’étalonnage, mais elle est incapable d’identifier quand, envers qui, avec quel appareil et dans quel contexte; elle est technicienne qualifiée depuis 4 ans au moment des évènements;

4-                  il n’existe pas de registre d’étalonnage de l’alcootest.

[…]

[79]     En somme, le Tribunal constate un laxisme dans la gestion de l’utilisation de l’alcootest employé auprès du défendeur dans la nuit du 22 août 2014.

[80]      Les policiers n’ont pas procédé aux tests d’alcoolémie auprès du défendeur « dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise », et ce, contrairement à l’exigence législative du paragraphe 258(1)c) du Code criminel.

[81]     Le Tribunal rappelle que l’effet engendré par le non-respect des agents de l’État de l’une des conditions d’application des présomptions législatives consiste à priver la poursuite de l’utilisation de ces présomptions dans le cadre du procès en cours.[4]

[82]     Il va de soi, dans les circonstances du présent dossier, que le Tribunal prive la poursuite du bénéfice de la présomption d’identité prévue par le paragraphe 258(1)c) du Code criminel.