Avant d’analyser les éléments essentiels de l’infraction de conduite avec facultés affaiblies, on se doit souvent de vérifier si l’interception du véhicule est légale.

Voici certaines notions de bases relatives au pouvoir d’intervention d’un agent de la paix en matière d’alcool au volant.

Pré-requis : une intervention légale

Une interception légale, soit notamment en vertu de :

A. Code de la sécurité routière (art. 636)

Conditions :

(1) Une agent de la paix identifiable comme tel à première vue;

(2) Dans l’exercice de ses fonctions qui sont attribuées par les lois relatives à la sécurité routière;

(3) On ne peut requérir que l’immobilisation du véhicule routier;

(4) On ne peut demander qu’à un conducteur circulant sur un chemin public ou un lieu de circulation public de s’immobiliser;

[37]      Dans la décision Briand, le juge Michel Parent fait une analyse très détaillée de toute cette question et souligne qu’« afin de décider si l’agent de la paix agissait en vertu du Code de sécurité routière, il faut déterminer où était l’automobile lorsque l’agent a interpellé le conducteur et non pas où l’automobile a finalement décidé de s’immobiliser ».[9] R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

«(…) une interpellation ne peut pas se fonder sur la curiosité ou un caprice de la part de l’agent de la paix : Donnacona (Ville de ) c. Plamondon [1996] A.Q. 2575 (QL) (CS). Lorsque le Code de la sécurité routière est détourné à d’autres fins ou qu’il sert uniquement à satisfaire, comme moyen d’enquête, la curiosité d’un policier, il en résulte une détention arbitraire qui n’est pas justifiable dans une société libre et démocratique. »[13] R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

Voir aussi R. c. Soucisse, 1994 CanLII 5821 (QC CA) ; R. c. Dault, 2010 QCCA 986 (CanLII) ; LSJPA — 1363, 2013 QCCA 2198 (CanLII) ;

Pour la question du terrain privé voir : R. c. Harvey, 2006 QCCS 4788 (CanLII) v.s R. c. Briand, 2005 CanLII 21597 (QC CQ),

                B. Common law

                               Test de Waterfield (doctrine des pouvoirs accessoires) : deux critères :

(1)     Premièrement. il faut déterminer si le geste posé par le policier s’inscrit dans ses devoirs qui découlent d’une disposition législative ou de la common law

Disposition législative :    Par exemple, l’article 39 [voir 48 et 50 aussi] de la Loi de police, L.R.Q., c. P-13 (remplacée par la Loi sur la police, L.R.Q., c. P-13.1) décrit les devoirs des policiers de la Sûreté du Québec en ces termes : « La Sûreté est, sous l’autorité du ministre de la Sécurité publique chargée de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique dans tout le territoire du Québec, de prévenir le crime ainsi que les infractions aux lois du Québec, et d’en rechercher les auteurs. » L’article 18 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, c. R-10, est sensiblement au même effet.

Common law : En common law, entrent notamment dans le cadre général des devoirs d’un agent de police la prévention des infractions de même que la protection des personnes et de la propriété : Dedman c. La Reine, préc., note 15, 35.

(2)     Deuxièmement, il s’agit d’évaluer si ce geste constitue un usage injustifié de ses pouvoirs eu égard à des devoirs. En d’autres termes, l’empiètement étatique doit être justifiable, c’est-à-dire « raisonnablement nécessaire» eu égard à l’ensemble des circonstances de la situation.

Pour évaluer les gestes des agents de l’État, les tribunaux utilisent une série de facteurs incluant la nature du devoir du policier, la nature de la liberté entravée, la nécessité de l’atteinte à la liberté afin d’accomplir le devoir particulier, l’importance de l’objet public poursuivi par l’atteinte, le caractère raisonnable de la nature et l’étendue de l’entrave à la liberté[24].

Bref, pour exercer ces pouvoirs, les policiers doivent être en mesure de justifier certains motifs d’intervention (articulable cause), tel que mentionné dans l’arrêt R. c. Mann :

 [44]      L’auteur Harrison sur le même sujet mentionne :

« Pour pouvoir légalement entraver, à des fins d’enquête, à la liberté de circulation d’un individu en l’absence d’une disposition législative ou réglementaire l’habilitant spécifiquement à le faire, il faut que l’agent de la paix soit en mesure d’établir le devoir dont il cherche à s’acquitter en procédant à l’interpellation de l’individu et de justifier celle-ci au regard de l’ensemble des circonstances. En outre, il doit pouvoir énoncer clairement un motif précis pour lequel il décide d’intercepter cette personne en particulier et, au surplus, que ce motif ait trait à la possibilité que cette personne sera relié à la commission d’une activité criminelle sous enquête. »[15] R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

[45]      Plus loin, l’auteur précise :

« (…) Le policier n’ayant connaissance d’aucune infraction ni possibilité d’infraction au moment où il a décidé de procéder à l’interception, il n’enquêtait alors sur rien de particulier, sinon la présence d’un véhicule circulant sur une rue passante ou non, ce qui n’est pas susceptible de constituer une infraction en soi. Dès lors, rien ne lui permettait d’établir un motif précis qui lui permettrait de relier l’accusé à la commission ou à la possibilité de la commission d’une infraction quelconque. »[16] R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

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