Par Me Félix-Antoine T. Doyon

***Mise à jour : voir d’abord ceci.

OTTAWA – Le criminel de guerre Omar Khadr sera de retour au Canada avant l’hiver, mettant ainsi fin à une impasse diplomatique avec les États-Unis en raison d’une saga juridique controversée qui divise les Canadiens depuis qu’il a été capturé sur un champ de bataille en Afghanistan, il y a maintenant plus de dix ans.

Bien que le ministre de la Sécurité publique Vic Toews ne soit pas sensé communiquer la décision officielle avant plusieurs semaines, le Huffington Post Canada a appris que le gouvernement conservateur approuvera le transfert d’Omar Khadr, quittant donc la base navale américaine de Guantanamo Bay. Les plans et négociations sont en cours pour abriter le Canadien, âgé de 25 ans, dans un établissement fédéral avec un espace réservé pour sa propre sécurité.

 L’emplacement exact n’a pas encore été déterminé, mais selon certaines sources, Khadr pourrait être placé dans un établissement tel le pénitencier de Kingston, en Ontario, où le tueur en série Paul Bernardo est détenu. Officiellement, Omar Khadr a encore six ans de sa peine de huit ans à purger. Il pourrait être mis en liberté conditionnelle en juin prochain.

Khadr sera probablement de retour en novembre; juste à temps pour l’élection présidentielle américaine. La date exacte du transfert n’a toutefois pas été fixée et aucun échéancier n’aurait été mis au point, selon ces mêmes sources.

Rejoint à la maison de la famille Khadr à Toronto, sa soeur Zaynab Khadr semblait plutôt surprise, conservant un prudent optimisme sur le retour de son frère au pays.

«Je serai heureuse quand mon frère sera à la maison. D’ici là, les nouvelles ne sont que des nouvelles», dit-elle.

Quelques sources ont confirmé que Vic Toews approuvera le transfert puisque Khadr a la citoyenneté canadienne et que le Canada doit respecter ses traités bilatéraux.

Mon commentaire : la loi applicable

Tel que mentionné dans un article précédent, le rapatriement d’Omar Kadhr devra répondre aux exigences qui relèvent de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Dans cette mesure, il est intéressant de noter que les articles 135 et 136 de la partie 3 de la loi C-10 modifient l’objet de la LTID ainsi que les facteurs dont le Ministre tient compte pour décider s’il consent au  transfèrement d’un délinquant.

D’abord, l’article 135 a ajouté la notion de sécurité publique : « La présente loi a pour objet de renforcer la sécurité publique et de faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en permettant à ceux-ci

Ensuite, en ce qui concerne les facteurs à considérer, l’ancien article 10(1) de la LTID précise que le Ministre doit tenir compte des facteurs suivants pour décider s’il consent au transfèrement au Canada du délinquant canadien :

  1. le retour au Canada du délinquant peut constituer une menace pour la sécurité du Canada;

  2. le délinquant a quitté le Canada ou est demeuré à l’étranger avec l’intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de sa résidence permanente;

  3. le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada;

  4. l’entité étrangère ou son système carcéral constitue une menace sérieuse pour la sécurité du délinquant ou ses droits de la personne.

Le Ministre est aussi tenu, aux termes du paragraphe 10(2), de tenir compte des facteurs ci-après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien ou étranger :

  1. à son avis, le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle, au sens de l’article 2 du Code criminel;

  2. le délinquant a déjà été transféré en vertu de la présente loi ou de la Loi sur le transfèrement des délinquants, chapitre T-15 des Lois révisées du Canada (1985).

L’article 3 du projet de loi lève l’obligation faite au Ministre de considérer ces facteurs (« Le ministre tient compte […] »), pour laisser cette considération à sa discrétion (« Le ministre peut tenir compte […] »). Le même article modifie également les alinéas 10(1)a), b) et d) par l’ajout des termes « le fait que, à son avis » au début de l’alinéa. Cette modification semble introduire un élément de subjectivité dans l’évaluation du Ministre, advenant qu’il décide de considérer ou non un de ces facteurs.

Enfin, l’article 3 ajoute au paragraphe 10(1) d’autres facteurs pour prise en compte par le Ministre lorsqu’il est appelé à décider de consentir ou non à rapatrier un délinquant canadien :

  • le fait que, à son avis, le retour au Canada du délinquant mettra en péril la sécurité publique, notamment :

    • la sécurité de toute personne au Canada qui est victime, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, d’une infraction commise par le délinquant,

    • la sécurité d’un membre de la famille du délinquant, dans le cas où celui-ci a été condamné pour une infraction commise contre un membre de sa famille,

    • la sécurité d’un enfant, dans le cas où le délinquant a été condamné pour une infraction d’ordre sexuel commise à l’égard d’un enfant;

  • le fait que, à son avis, le délinquant est susceptible, après son transfèrement, de continuer à commettre des activités criminelles;

  • la santé du délinquant;
  • le refus du délinquant de participer à tout programme de réhabilitation ou de réinsertion sociale;

  • le fait que le délinquant a reconnu sa responsabilité par rapport à l’infraction pour laquelle il a été condamné, notamment en reconnaissant le tort qu’il a causé aux victimes et à la société;

  • la manière dont le délinquant sera surveillé, après son transfèrement, pendant qu’il purge sa peine;

  • le fait que le délinquant a coopéré ou s’est engagé à coopérer avec tout organisme chargé de l’application de la loi;

  • tout autre facteur qu’il juge pertinent.

Certains ont dit craindre que le facteur de reconnaissance de la responsabilité incite des innocents à se déclarer coupables « pour éviter de devoir séjourner dans une prison étrangère ».

Voir ici pour une revue complète.