R. c. L’Heureux, [1985] 2 R.C.S. 159 :

9. L’un des éléments de l’infraction prévue à l’art. 312  du Code criminel  est la connaissance par la personne en possession de la chose que celle‑ci a été obtenue par la perpétration d’un acte criminel.

10. Même en tenant pour acquis (sans pour autant en décider, pour les raisons que je viens d’exposer) que Diane L’Heureux avait possession de l’auto au sens de l’art. 312  du Code criminel , le pourvoi de la Couronne doit néanmoins échouer puisque, à mon humble avis, le juge du procès a erré en droit en n’acquittant pas l’accusée. Pour déclarer l’accusée coupable, le juge devait être satisfait hors de tout doute raisonnable qu’elle savait que l’auto dont elle avait la possession était volée. Comme la possession était récente, la présomption qu’elle le savait était déclenchée. De plus, la Couronne a produit en preuve la déclaration de l’accusée à l’effet qu’elle savait que l’automobile était volée. Sous serment, au procès, l’accusée a contredit sa déclaration aux policiers. La question qu’avait à se poser le juge est bien connue et fut énoncée comme suit par cette Cour dans Tremblay v. La Reine, [1969] R.C.S. 431, par le juge Fauteux (alors juge puîné), aux pp. 436 et 437

Le juge doit inviter les jurés à considérer, à la lumière de toutes les circonstances de la cause, si l’explication donnée par l’accusé peut être vraie et les directives qu’il doit alors leur donner doivent traduire (i) l’obligation qu’ils ont d’acquitter l’accusé s’ils sont d’avis que l’explication donnée peut être vraie bien qu’ils ne soient pas convaincus qu’elle le soit et (ii) le droit, mais non l’obligation, qu’ils ont, en se fondant sur la présomption découlant de la possession récente, de trouver l’accusé coupable s’ils ne croient pas ou trouvent déraisonnable de croire en l’explication donnée.

(C’est moi qui souligne.)

11. Le juge du procès semble conclure qu’il serait déraisonnable de croire en l’explication donnée par MlleL’Heureux. Cette conclusion me trouble cependant puisqu’elle repose sur le fait que, à cause des contradictions entre ses déclarations à la police et son témoignage en Cour, il ne savait «plus si c’est dans son témoignage qu’elle dit la vérité ou si c’est dans ces déclarations‑là qu’elle dit la vérité». Moi non plus, mais, par voie de conséquence, on ne peut, avec respect, dès lors conclure, comme l’a fait le juge de première instance, que son explication sous serment ne pouvait être vraie.