R. c. Bien-Aimé, 2017 QCCQ 320

Le policier avait-il les motifs raisonnables de soupçonner que l’accusé avait de l’alcool dans son organisme alors qu’il conduisait un véhicule à moteur ?

[35]        Ces motifs doivent être analysés subjectivement et objectivement par le Tribunal.[1]

[36]        Le policier arrive sur les lieux d’un accident, peu importe la responsabilité de chacun des conducteurs, il constate une odeur d’alcool constante et des yeux vitreux. Contrairement à madame Hamel, l’agent de la paix se trouve à trois (3) pieds de l’accusé.

[37]        Au surplus, l’agent Lehoux confirme le témoignage de l’agent Richer devant le Tribunal.

[38]        Malgré l’affirmation de l’accusé qui déclare ne pas avoir bu, le Tribunal est convaincu que subjectivement et objectivement, l’agent de la paix possédait des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de M. Bien-Aimé.

[39]        Le Tribunal est convaincu que l’accusé a refusé de se soumettre au test de dépistage. L’analyse de la preuve démontre clairement cet historique de refus : 1) suite à la lecture de l’ordre de fournir un échantillon d’haleine à l’aide d’un appareil de détection approuvé, 2) suite à l’explication de la saisie du véhicule et de la suspension du permis de conduire et 3) suite aux deux interventions de l’agent Lehoux. De plus, pendant cette période de refus, les policiers lui expliquent les conséquences de son refus.

[40]        La preuve démontre qu’après son arrestation et s’être entretenu avec un avocat, l’accusé exprime sa volonté de souffler et on lui adresse un refus.

[41]        Le défaut de fournir un échantillon suite à l’ordre donné par un agent de la paix sur le bord de la route fut analysé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Woods[2] sous la plume de l’honorable juge Fish :

« Le législateur a créé, à l’art. 254 du Code criminel, une procédure de détection et d’exécution en deux étapes visant à enrayer la conduite avec facultés affaiblies. La première étape, exposée au par. 254(2), permet de procéder à des tests de détection sur le bord de la route, ou à proximité, immédiatement après l’interception d’un véhicule à moteur. La deuxième étape, exposée au par. 254(3), permet d’ordonner un alcootest, lequel est normalement administré au poste de police. »

« Reste aussi la question de l’échantillon fourni par l’intimé dans un ADA au poste de police, environ une heure et 20 minutes après son arrestation pour refus de fournir un échantillon sur le bord de la route. « Immédiatement » signifie « [à] l’instant même, tout de suite » : Le Nouveau Petit Robert (2003), p. 1312. Il est impossible, sans dénaturer cette définition, d’élargir le sens de « immédiatement » de manière à englober dans le par. 254(2) du Code criminel l’ « obéissance » très tardive en l’espèce. Cet obstacle sémantique à la thèse du ministère public, tout comme l’obstacle factuel, est à mon avis insurmontable.

L’obstacle constitutionnel n’est pas plus facile à surmonter pour le ministère public. La constitutionnalité du par. 254(2) dépend de ses exigences implicite et explicite d’immédiateté. L’exigence d’immédiateté est implicite en ce qui concerne l’ordre de la police de fournir un échantillon d’haleine, et explicite quant à l’obéissance obligatoire : le conducteur doit fournir « immédiatement » un échantillon d’haleine.

Le paragraphe 254(2) autorise le contrôle routier pour vérifier la consommation d’alcool, sous peine de poursuite criminelle, en violation des art. 89 et 10 de la Charte canadienne des droits et libertés. Sans son exigence d’immédiateté, le par. 254(2) ne résisterait pas à l’examen de sa constitutionnalité. Cette exigence ne saurait être élargie au point d’englober la nature et l’étendue du retard survenu en l’espèce.

[42]        Au surplus, l’honorable juge Fish cite les propos du très honorable regretté juge Lamer dans l’affaire Grant :

« Rien dans le contexte du par. 238(2) [devenu 254(2) à la suite de modifications sans importance ici] ne permet d’attribuer au mot « immédiatement » un sens différent de celui que lui donne habituellement le dictionnaire, soit que l’échantillon d’haleine doit être fourni tout de suite. Sans analyser plus à fond le nombre exact de minutes qui peuvent s’écouler pour que l’on puisse considérer que l’échantillon d’haleine n’a pas été fourni « immédiatement », je ferais tout simplement observer que, dans le cas, comme en l’espèce, où le policier qui donne l’ordre n’a pas d’alcootest (A.L.E.R.T.) en sa possession et où le dispositif en question n’arrive qu’une demi-heure plus tard, l’ordre donné ne respecte pas ce qui est prescrit au par. 238(2).  [Je souligne; p. 150.] »[3]

[43]        Contrairement aux arrêts Grant et Woods, l’accusé dans le cas sous étude a reçu l’ordre très rapidement après les constatations de l’agent Richer.

[44]        Ces refus sont sans équivoque et il a pris une position ferme malgré les explications s’il refusait de se soumettre à l’ordre.