R. c. Brihay, 2018 QCCQ 5059

Monsieur Brihay subit son procès relativement à une accusation d’avoir refusé d’obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix aux termes de l’article 254(3)b) C.cr.

Le litige porte essentiellement sur la compréhension de l’ordre par le défendeur. Il s’agit donc de déterminer si les termes utilisés par le policier pour sommer le défendeur de se soumettre à l’épreuve de l’alcootest ont pu l’induire en erreur quant à la portée de cette demande.

[18]        En matière de refus d’obtempérer à un ordre donné aux termes de l’article 254(5) C.cr., la poursuite doit prouver, hors de tout doute raisonnable, les éléments constitutifs de l’infraction, tels qu’établis dans l’affaire R. c. Lewko[1], soit :

  1. i)            un ordre validement donné par un agent de la paix de fournir un échantillon d’haleine;
  2. ii)          le défaut ou le refus par l’accusé de fournir un échantillon d’haleine suffisant, et;

iii)           l’intention de l’accusé de faire défaut ou de refuser de fournir un échantillon d’haleine suffisant[2].

[19]        La Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Degiorgio[3] ajoute deux éléments additionnels non négligeables : la compréhension de l’ordre par l’individu et l’absence d’excuse raisonnable de refuser.

[20]        Pour que l’ordre soit valide, l’agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a de l’alcool ou une drogue dans son organisme. La poursuite doit prouver que les inférences tirées par le policier sont rationnelles et fiables et que, dans leur ensemble, les inférences tirées par l’agent et les faits connus par celui-ci justifient raisonnablement de soupçonner que l’accusé avait de l’alcool dans son organisme.

[21]        Le défendeur plaide que les policiers ne sont pas crédibles lorsqu’ils affirment ne pas avoir senti ou cherché à déceler une odeur d’alcool lors de la première interaction. Il est vrai qu’il est plutôt surprenant que les policiers ne cherchent pas à vérifier l’état de sobriété de monsieur Brihay à ce moment. Ils le soupçonnaient d’avoir tenté d’esquiver un barrage routier. Ce reproche n’a par ailleurs aucune incidence sur leur intervention subséquente. En effet, lors de cette première rencontre, les policiers ont agi dans les limites de leurs pouvoirs. Eurent-ils décelé une odeur d’alcool provenant de l’haleine du défendeur, qu’il leur manquait un élément essentiel pour intervenir : une preuve directe ou circonstancielle de la conduite du véhicule par le défendeur dans les trois heures précédentes. Ils ne pouvaient en faire davantage.

[22]        La seconde interaction est causée par l’interception policière alors que le défendeur conduit son véhicule. Il est utile de rappeler que, cette fois, c’est monsieur Brihay qui sort de son véhicule pour aller discuter avec les policiers. C’est à ce moment que l’agent décèle une odeur d’alcool provenant de l’haleine de son interlocuteur. Dès lors, il ne fait aucun doute que le policier possède les motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de monsieur Brihay, tout en ayant une preuve de la conduite dans les minutes précédentes.

[23]        Cet ordre étant valide, monsieur Brihay se soumet à l’échantillonnage d’haleine dans l’ADA qu’il échoue. Cet échec donne à l’agent les motifs raisonnables de croire que le défendeur a commis, au cours des trois heures précédentes, une infraction prévue à l’article 253 C.cr. par suite d’absorption d’alcool.

[24]        L’agent Yelle lui fait la lecture de l’ordre de fournir l’échantillon d’haleine dans un alcootest. Devant la volubilité de monsieur Brihay, il lui donne des explications additionnelles. Des propos de l’agent, il est clair que monsieur Brihay est confronté au « choix » de le suivre au poste pour l’épreuve de l’alcootest et qu’à défaut, il fera l’objet d’une accusation de refus. À notre avis, l’ordre donné à l’aide de la carte du service de police ne souffre d’aucune ambiguïté. Les explications additionnelles n’étaient pas et n’avaient pas à être parfaites. Néanmoins, l’ordre était sans équivoque. Tant l’ordre formel que les explications additionnelles n’étaient pas de nature à induire le défendeur en erreur, ni dans les faits, ni en droit. Sa maîtrise parfaite de la langue française et son degré d’éducation – il est sommelier de surcroît – convainquent qu’il était en mesure de comprendre adéquatement les enjeux de l’ordre du policier.

[25]        La Cour d’appel de l’Ontario rappelle que « [t]he demand need not be in any particular form, provided it is made clear to the driver that he or she is required to give a sample of his or her breath forthwith. This can be accomplished through words or conduct, including the « tenor [of the officer’s] discussion with the accused » ».[4]

[26]        De plus, le policier n’a pas l’obligation, aux fins de l’ordre donné en vertu de l’article 254(3) C.cr. d’informer le défendeur de toutes les conséquences ou mesures administratives qui seront imposées par la S.A.A.Q. en cas de condamnation pour refus. Ce qui importe, c’est que le défendeur soit informé des conséquences pénales générales d’un refus d’obtempérer à l’ordre afin de prendre sa décision d’obtempérer ou non. Avoir la possibilité d’obtempérer ou de refuser à l’ordre n’équivaut pas à un choix au sens de l’article 254(3) C.cr. Le défendeur avait l’obligation de suivre l’agent pour fournir un échantillon d’haleine dans un alcootest. Le refus ne découle pas d’un choix, contrairement à ce que prétend le défendeur, mais est plutôt une conséquence légale de ne pas obtempérer à l’ordre.

[27]        Notre Cour d’appel a déjà déterminé que la croyance subjective et erronée d’un accusé quant à la portée de l’ordre ne constitue pas non plus une excuse raisonnable au sens de la disposition[5]. Dans Taraschuk c. R.[6], le juge en chef Laskin souscrit aux principes énoncés dans R. c. Nadeau[7]. Dans Nadeau, le juge en chef Hughes s’exprime ainsi :

[7] (…) In my judgment the « reasonable excuse » envisaged must be some circumstance which renders compliance with the demand either extremely difficult or likely to involve a substantial risk to the health of the person on whom the demand has been made: See Regina v. Collicut (1972), 5 C.C.C. (2d) 447; R. v. Lennard (1973), 57 Cr. App. Rep. 542.

[28]        En l’espèce, le défendeur n’a aucune excuse raisonnable de refuser de se soumettre à l’ordre. Si excuse il y a, les circonstances l’ayant incité à refuser volontairement d’obtempérer à l’ordre n’entrent pas dans la définition de l’excuse raisonnable décrite précédemment.

[29]        Le défendeur ne peut pas non plus plaider l’erreur de droit. La Cour suprême vient tout juste de rappeler que l’erreur de droit est un concept juridique aux exigences rigoureuses[8]. Elle se produit uniquement lorsqu’une personne croit sincèrement, mais à tort, à la légalité de ses actes. Par ailleurs, elle ne constitue pas un moyen de défense contre une accusation criminelle (art. 19  du Code criminel). La Cour ajoute :

[65]   La confusion dans l’esprit d’une personne ou l’incertitude de celle‑ci à l’égard de la légalité de ses actes ne satisfait pas, à mon avis, aux exigences légales de l’erreur de droit.

[30]         Bien que l’arrêt Suter traite de la détermination de la peine, le principe décrit précédemment s’applique à l’erreur de droit en général.

[31]        Dans ce contexte, le Tribunal ne retient pas l’argument de sémantique du défendeur.

[32]        L’infraction de refus de se soumettre à un test de dépistage est perpétrée lorsque la personne a reçu une sommation valide d’un policier à laquelle elle ne se conforme pas[9]. C’est le cas en l’espèce.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE le défendeur coupable.