La Presse Canadienne
Toronto
Un juge de la Cour fédérale a finalement maintenu, vendredi, le certificat de sécurité imposé à un Égyptien qui vit détenu ou en résidence surveillée au Canada depuis 13 ans.
Le magistrat Edmond Blanchard a par ailleurs estimé que le gouvernement avait violé le droit à un procès juste et équitable de Mohamed Mahjoub, âgé de 53 ans. Mais au-delà de cette déclaration, le juge n’a pas voulu assouplir les dispositions du certificat de sécurité.
«À l’exception de cette déclaration, aucun autre relâchement n’est offert pour les violations», a-t-il écrit.
Le juge Blanchard n’a pas donné de raison pour expliquer sa décision, le temps que celle-ci soit évaluée afin de s’assurer qu’elle ne contienne pas de révélations pouvant mettre en danger la sécurité nationale.
M. Mahjoub n’était pas en mesure de commenter la décision vendredi, mais le jugement a choqué son avocat, Yavar Hameed.
«Cela n’a pas de sens», a-t-il dit, quelques minutes après l’annonce du jugement.
«Une violation du droit à un procès juste et équitable et l’abus de procédure sont des situations graves, et le fait que cela n’ait pas mené à une suspension des procédures ou à tout autre assouplissement est très surprenant.»
Les partisans de M. Mahjoub ont immédiatement appelé à la tenue d’un rassemblement devant la Cour fédérale pour manifester leur incrédulité.
Victoria Barnett, du Justice for Mahjoub Network, affirme que le juge Blanchard a «renvoyé la balle».
«La Cour fédérale avait l’occasion de faire le bon geste, aujourd’hui», a-t-elle dit. «Plus personne n’appuie ce système, désormais.»
Mohamed Mahjoub, un Torontois père de trois enfants, lutte contre les allégations du gouvernement selon lesquelles il était un membre important d’un groupe terroriste égyptien qui pourrait n’avoir jamais existé, appelé «l’Avant-garde de la Conquête».
Il a également travaillé à un projet agricole au Soudan dirigé par Oussama Ben Laden, le leader d’Al-Qaïda, au début des années 1990. Ses avocats maintiennent qu’il s’agissait alors d’une entreprise légitime.
L’homme a été arrêté la première fois en 2000 sous prétexte qu’il était une menace terroriste et s’est vu imposer un certificat de sécurité, qui permet une détention illimitée sans accusation ni procès.
Le Canada a tenté de le déporter en Égypte, mais les tribunaux s’y sont opposés, arguant qu’il risquerait d’y être torturé.
Après des années d’audiences, il est apparu que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait détruit les enregistrements originaux utilisés pour déterminer que M. Mahjoub représentait une menace.
De plus, le service de renseignement a admis que les agences étrangères ayant fourni des informations au Canada étaient associées à la pratique de la torture, mais que le SCRS n’avait fait aucune tentative pour exclure ces informations.
Des responsables de la sécurité ont également reconnu avoir écouté à plusieurs reprises les appels entre M. Mahjoub et ses avocats, en violation du sacro-saint principe de confidentialité entre un avocat et son client.
Me Hameed dit espérer que les raisons écrites du juge viendront clarifier la contradiction apparente dans la décision du juge.
«Le fait que la cour ait reconnu l’existence de l’abus est important, mais notre vision a été et demeure toujours que l’ampleur des abus dans cette affaire est sans précédent», a-t-il déclaré.
«Je ne connais pas d’autres cas de certificat de sécurité, ou toute autre affaire qui concernerait des abus d’une ampleur équivalente à ce que nous avons constaté dans ce dossier.»
L’avocat a précisé qu’il avait l’intention d’aller en appel, mais les fondements juridiques pour construire son dossier dépendront des raisons du juge.
M. Mahjoub est arrivé au Canada en 1996 et a été accepté comme réfugié. Il a été arrêté en juin 2000.
Relâché en 2007 sous de strictes conditions de résidence surveillée, il a plutôt choisi de retourner en prison deux ans plus tard, afin d’éviter de soumettre sa famille aux restrictions.
En 2008, la Cour suprême du Canada a jugé que le régime des certificats de sécurité était inconstitutionnel, mais le gouvernement a amendé la loi et imposé de nouveau un certificat à M. Mahjoub et à quatre autres étrangers de confession musulmane.
Mohamed Mahjoub a finalement été libéré en novembre 2009, encore une fois sous des conditions strictes. Depuis, les tribunaux ont substantiellement allégé les restrictions qui le visent.