R. c. Bissonnette, 2018 QCCA 2165
Un directive appropriée a deux dimensions : la justesse et la suffisance par rapport au droit applicable, mais aussi à la preuve pertinente à l’obtention d’un verdict
[34] L’appelante soutient que le juge n’a pas fait une revue adéquate de la preuve des faits pertinents aux chefs d’abus de confiance et de complot. Comme un nouveau procès sera ordonné sur le premier chef, il n’est pas nécessaire de s’y pencher dans le cadre de ce second moyen d’appel, qui sera examiné au regard du complot.
[35] Pour obtenir un « véritable verdict » (a true verdict dans la tradition de common law), les parties et le jury ont droit à des directives appropriées de la part du juge sur les questions importantes tant sur le droit que sur les faits[19]. Un directive appropriée a deux dimensions : la justesse et la suffisance par rapport au droit applicable, mais aussi à la preuve pertinente à l’obtention d’un verdict. Le juge a l’obligation de fournir des directives tant sur le droit applicable que les faits pertinents, de manière à permettre au jury de s’acquitter avec compétence de sa charge décisionnelle[20]. Il n’y a pas de mesure uniforme de l’étendue de la revue de la preuve que doit faire le juge. C’est une question de discrétion et de discernement qui dépend largement de la longueur et de la complexité du procès[21].
[36] Selon l’appelante, le juge n’a pas fourni au jury une revue adéquate de la preuve et a erré en s’en remettant là-dessus aux plaidoiries des parties. Un simple renvoi est insuffisant[22]. Le procès dans cette affaire a été long et complexe. Il a duré trente jours étendus sur une période de quatre mois. Il y avait plus de trente témoins et un grand nombre de pièces complexes. Avant les directives, les parties ont plaidé pendant trois jours. La complexité de l’affaire était augmentée, puisqu’elle requérait une directive prudente au sujet des principes de l’arrêt Carter[23] et de leur application à la preuve présentée. Ces principes notoirement difficiles pour les juristes le sont d’autant plus pour les membres d’un jury[24].
[37] Il n’y a que peu à dire au sujet de ce moyen d’appel. L’on peut débattre de la suffisance de la revue de la preuve faite par le juge seulement s’il y en a eu une. Or, malgré la longueur et la complexité de l’affaire, il n’y en a aucune. Le jury n’ayant donc pas reçu les directives appropriées, le verdict ne peut être maintenu. Une cour d’appel n’interviendra pas à la légère sur un verdict d’acquittement[25], mais une telle intervention est clairement requise si le juge ne révise pas la preuve après un procès long et complexe qui est fortement débattu par les parties.