L’article 265(1)b) C.cr. prévoit que commet des voies de fait celui qui
tente ou menace,
par un acte ou un geste,
d’employer la force contre une autre personne,
Selon le cas :
s’il est en mesure ou
s’il porte cette personne à croire,
pour des motifs raisonnables,
qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein.
[1] Nous sommes saisis de l’appel d’un verdict de culpabilité sur une accusation de voies de fait armées (art. 270.01(1)a)(2)a) C.cr.) rendu par la Cour du Québec (l’honorable Luce Kennedy), le 26 octobre 2016, dans le district de Kamouraska.
[2] L’appelant est en proie à une intoxication médicamenteuse et en crise lorsqu’il brise des fenêtres de la conciergerie dans laquelle il occupe un logement.
[3] Les policiers sont alors appelés sur les lieux pour un individu enragé qui trouble la paix publique. Peu de temps après son arrivée, l’agent Duguay aperçoit l’appelant qui est au pied d’un escalier menant au solarium du rez-de-chaussée qui donne accès à son logement situé au sous-sol de l’immeuble.
[4] Celui-ci a dans sa main un couteau qu’il brandit au-dessus de son épaule droite. Le policier se recule jusqu’à une distance plus sécuritaire, dégaine son pistolet qu’il pointe en direction de l’appelant et lui intime l’ordre de lâcher son arme. Plutôt que de se soumettre sur-le-champ, celui-ci s’avance jusqu’à la porte vitrée, confronte le policier en pointant la lame du couteau en sa direction avant de rebrousser chemin et de réintégrer son logement. Il en ressort quelques minutes plus tard les mains vides pour finalement se rendre aux policiers sans résister.
[5] L’article 265(1)b) C.cr. prévoit que commet des voies de fait celui qui tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein.
[6] La croyance raisonnable du plaignant ne devient pertinente que si le tribunal a préalablement conclu à l’existence d’un doute raisonnable au sujet de la capacité actuelle d’un accusé d’accomplir son dessein (R. c. D. (N.M.) (2010) 253 CCC (3e éd.) 493 (C.A.C.-B.)).
[7] La juge a conclu, malgré le déni de l’appelant, que la preuve démontrait, hors de tout doute raisonnable, que ce dernier avait, par ses gestes, menacé d’appliquer la force contre d’autres personnes, dont le plaignant, mais que la poursuite n’avait pas établi, selon le standard de preuve requis, que l’appelant était en mesure actuelle d’accomplir son dessein.
[8] Conformément aux enseignements des tribunaux supérieurs, la juge a ensuite considéré la question de savoir si la menace de violence était telle que l’appelant a, par ses gestes, porté le plaignant à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il était en mesure actuelle de réaliser son dessein.
[9] Elle retient que le plaignant a non seulement craint pour sa sécurité, mais qu’il a aussi cru, pour des motifs raisonnables, que l’appelant était en mesure actuelle de se porter à des actes violents sur sa personne en ouvrant la porte verrouillée qui le séparait de lui. C’est d’ailleurs pourquoi le plaignant a alors dégainé son arme à feu et a braqué l’appelant.
[10] Pour illustrer la raisonnabilité de la croyance du plaignant, la juge a pris pour comparaison la peur exprimée par la locatrice de l’appelant lorsqu’elle a été confrontée au comportement erratique de ce dernier et a souligné que la crainte éprouvée par chacune de ces deux personnes était raisonnable dans les circonstances :
Elle a eu la même crainte, la même crainte raisonnable, les mêmes motifs raisonnables de croire que monsieur était en mesure d’accomplir son dessein, qu’il était en mesure de sortir de là puis d’attaquer quelqu’un avec le couteau…
[…] Et, la croyance raisonnable de madame Leclerc est devenue pertinente dans ce cas-ci, parce que ce qu’on nous dit en défense c’est que monsieur est pas en mesure d’accomplir son dessein parce qu’il est l’autre bord de la porte. Mais, eux autres ils ont eu la croyance, ils ont cru qu’il pouvait le faire, qu’il pouvait traverser, il y avait une possibilité que.
L’expression : « en mesure actuelle »
[11] La Cour a déjà souligné dans Charbonneau c. R. 2016 QCCA 1354 (CanLII) que l’expression « en mesure actuelle » signifiait « de façon imminente », une expression qui convient bien à la volonté du législateur en adoptant l’article 265(1)b) C.cr., contrairement à une capacité de réaliser le dessein sans délai, instantanément ou sur-le-champ.
[12] L’appelant favorise plutôt l’emploi du qualificatif « immédiat » qui ne convient que si nous retenons le sens des synonymes suivants qu’énonce Le Petit Robert au sujet du terme « actuel » : imminent ou dans un avenir proche.
[13] Cela dit, la juge a référé aux bons principes juridiques qu’elle a appliqués aux circonstances de l’espèce. L’appelant ne démontre pas que l’appréciation de la raisonnabilité de la croyance du plaignant, fondée sur les faits prouvés, souffre d’erreurs manifestes ou déterminantes, et ce, même si la motivation de cette conclusion est imparfaite, comme c’est souvent le cas lorsqu’une décision est rendue séance tenante.