Par Me Félix-Antoine T. Doyon
Le 12 octobre dernier, la Cour suprême a rendu une décision partagée (5-4) dans R. c. Prokofiew, 2012 CSC 49. La décision traite notamment de la directive que doit recevoir le jury dans des circonstances particulières relativement au droit de l’accusé de garder le silence.
Le contexte
Le ministère public a reproché à l’accusé et au coaccusé d’avoir participé à un stratagème frauduleux. Dans le cadre de son procès devant jury, l’accusé a décidé de ne pas témoigner. Or, dans son exposé final, l’avocat du coaccusé a invité le jury a inféré du défaut de l’accusé de témoigner que celui-ci était coupable. Le juge du procès s’est abstenu de donner au jury une directive correctrice à propos du droit de l’accusé de garder le silence. Au final, l’accusé a été déclaré coupable.
La question en litige
L’une des questions en litige dans cette affaire est la suivante : la Loi sur la preuve au Canada interdit-elle au juge du procès de faire état du droit de garder le silence?
La décision : principes à retenir
Le paragraphe 4(6) de la Loi sur la preuve du Canada, qui s’énonce comme suit :
Le défaut de la personne accusée, ou de son conjoint, de témoigner ne peut faire le sujet de commentaires par le juge ou par l’avocat du poursuivant.
Cela n’interdit pas au juge du procès de faire état du droit de l’accusé de garder le silence. En revanche, le juge n’est pas tenu de faire état de ce droit dans tous les cas, mais seulement dans ceux où il est réaliste de craindre que le jury accorde à la décision d’un accusé de ne pas témoigner une certaine valeur probante. En pareil cas, le juge du procès doit indiquer clairement aux jurés que le silence d’un accusé ne constitue pas un élément de preuve et qu’il ne peut être utilisé, en faveur du ministère public, pour décider si celui-ci a oui ou non établi le bien-fondé de sa thèse.
De plus, lorsqu’il apprécie la crédibilité et la fiabilité de la preuve que le ministère public peut invoquer, et qu’il invoque effectivement, le jury est autorisé à tenir compte entre autres du fait que la preuve n’a pas été contredite, si c’est le cas, et une directive en ce sens peut lui être donnée. Le fait que la preuve ne soit pas contredite ne signifie pas que le jury doive l’accepter, et une directive à cet effet doit également lui être formulée.