La Presse inc. c. Québec, 2023 CSC 22
L’article 648 a été inséré dans le Code criminel en même temps que l’art. 647 par le truchement de la Loi de 1972 modifiant le Code criminel, S.C. 1972, c. 13. L’article 647 a élargi le pouvoir du juge qui préside un procès d’autoriser la séparation du jury.
[31] L’article 648 a été inséré dans le Code criminel en même temps que l’art. 647 par le truchement de la Loi de 1972 modifiant le Code criminel, S.C. 1972, c. 13. L’article 647 a élargi le pouvoir du juge qui préside un procès d’autoriser la séparation du jury. Avant les modifications de 1972, les juges ne pouvaient permettre au jury de se séparer lorsque l’accusé était inculpé d’une infraction punissable par la peine de mort; dans de tels cas, lorsque les jurés étaient exclus de la salle d’audience, ils devaient demeurer isolés sous la supervision d’un fonctionnaire de la cour. Après les modifications de 1972, les juges pouvaient permettre au jury de se séparer, peu importe l’infraction faisant l’objet de l’inculpation. Pour la première fois, les jurés étaient autorisés à se rendre à leur domicile pendant certaines phases des procès portant sur une infraction passible de la peine de mort. Étant donné que de tels procès étaient davantage susceptibles d’attirer une attention accrue de la part des médias, l’art. 648 peut être considéré comme ayant pour effet d’autoriser cette possibilité élargie des jurés de se séparer.
[32] Il est généralement admis qu’en 1972 la common law interdisait au juge présidant un procès de rendre des décisions relatives à la preuve avant que le jury n’ait été constitué (R. c. Curtis (1991), 1991 CanLII 11732 (ON SC), 66 C.C.C. (3d) 156 (C.J. Ont. (Div. gén.)), p. 157‑158; Débats de la Chambre des communes, vol. I, 1re sess., 33e lég., 20 décembre 1984, p. 1414 (propos du secrétaire parlementaire du ministre de la Justice lors de la deuxième lecture du projet de loi C‑18); Duhamel c. La Reine, 1984 CanLII 126 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 555, p. 560‑561). Cette interdiction semble être le corollaire de trois prémisses : (1) le principe de common law selon lequel un procès ne commence pas — et le juge n’est pas saisi de l’affaire — avant que le sort de l’accusé ne soit confié au jury (Morin c. The Queen (1890), 1890 CanLII 38 (SCC), 18 R.C.S. 407, p. 413); (2) le principe selon lequel [traduction] « les décisions [relatives à la preuve] rendues par un juge nelient pas un autre juge appelé à examiner la même question ultérieurement » (Curtis, p. 158 (en italique dans l’original), mentionnant Duhamel; voir aussi D. Macdougall, « Continuity of Judicial Rulings After a Mistrial » (2004), 15 C.R. (6th) 273; R. c. Cliche, 2010 QCCA 408, [2010] R.J.Q. 775); (3) le fait qu’une décision relative à la preuve rendue en dehors du procès puisse être soustraite à tout contrôle en raison de la règle interdisant les attaques indirectes (voir, p. ex., R. c. Litchfield, 1993 CanLII 44 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 333; R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421).
Le paragraphe 645(5) a été édicté en réponse à l’évolution des procès criminels, ainsi qu’à l’accroissement constant des tâches incombant au système de justice (voir Loi de 1985 modifiant le droit pénal, L.R.C. 1985, c. 27 (1er suppl.), art. 133.
[33] Les juges ont situé l’origine de l’accroissement de la complexité des procès criminels à l’adoption, en 1974, de dispositions concernant l’admissibilité d’éléments de preuve obtenus par voie d’écoute électronique (voir Curtis, p. 157‑158; Loi sur la protection de la vie privée, S.C. 1973‑1974, c. 50). La quantité et la portée des requêtes « préalables au procès » ont elles aussi pris de l’ampleur avec la proclamation de la Charte(Malik, par. 21 (CanLII)). Les jurés étaient renvoyés à leur domicile pendant des jours ou des semaines durant l’audition des requêtes préalables à la présentation de la preuve au procès. Le paragraphe 645(5) a été édicté en réponse à l’évolution des procès criminels, ainsi qu’à l’accroissement constant des tâches incombant au système de justice (voir Loi de 1985 modifiant le droit pénal, L.R.C. 1985, c. 27 (1er suppl.), art. 133 (ajoutant le par. 645(5) au Code criminel); Malik, par. 21; Cliche, par. 36‑37).
[34] Le paragraphe 645(5) a permis aux juges présidant des procès d’entendre et de trancher de telles requêtes avant la constitution du jury. Parmi les préoccupations exprimées lors des débats parlementaires, mentionnons le souci de respecter le temps des jurés et de veiller à leur confort, ainsi que la réduction des coûts et des ressources nécessaires pour maintenir un jury isolé (voir Débats de la Chambre des communes, p. 1391 et 1414).
Encore plus de souplesse a été accordée en 2011 par suite de l’adoption de la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et efficaces, L.C. 2011, c. 16. Les dispositions de cette loi et leurs modifications subséquentes ont créé le rôle de juge responsable de la gestion de l’instance.
[35] Encore plus de souplesse a été accordée en 2011 par suite de l’adoption de la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et efficaces, L.C. 2011, c. 16. Les dispositions de cette loi et leurs modifications subséquentes ont créé le rôle de juge responsable de la gestion de l’instance, juge qui, « avant le stade de la présentation de la preuve sur le fond [. . .] exerce [. . .] les pouvoirs dévolus [au] juge [du procès] avant ce stade » (Code criminel, par. 551.3(1)). Normalement, lorsque le juge responsable de la gestion de l’instance tranche des questions relatives aux matières énoncées à l’al. 551.3(1)g) (éléments de preuve, demandes fondées sur la Charte, témoins experts, séparation des chefs d’accusation ou tenue de procès séparés), ses décisions « lient les parties jusqu’à la fin du procès » (par. 551.3(4)).
[36] Il s’ensuit que, dans un procès moderne, la majeure partie des requêtes « préalables au procès » sont décidées par le juge du procès ou le juge responsable de la gestion de l’instance avant que le jury ne soit constitué.
Le paragraphe 648(1) s’applique parallèlement à de nombreuses autres dispositions prévoyant des interdictions de publication, notamment les par. 517(1), 539(1) et 542(2), ainsi qu’à la compétence inhérente du juge d’imposer une interdiction discrétionnaire de publication en appliquant le cadre établi dans les arrêts Dagenais, Mentuck et Sherman
Les interdictions de publication discrétionnaires sont des interdictions qui peuvent être ordonnées à la discrétion du tribunal, alors que les interdictions de publication obligatoires sont des interdictions qui doivent être imposées à la demande d’une partie en particulier, et les interdictions de publication automatiques sont des interdictions qui s’appliquent par l’effet de la loi.
[37] Le paragraphe 648(1) s’applique parallèlement à de nombreuses autres dispositions prévoyant des interdictions de publication, notamment les par. 517(1), 539(1) et 542(2), ainsi qu’à la compétence inhérente du juge d’imposer une interdiction discrétionnaire de publication en appliquant le cadre établi dans les arrêts Dagenais, Mentuck et Sherman. L’article 517autorise le juge à rendre une ordonnance de non‑publication visant « la preuve recueillie, les renseignements fournis ou les observations faites et, le cas échéant, les raisons données ou devant être données » lors d’une audience de libération sous caution, tandis que l’art. 539 lui permet d’interdire la publication de « la preuve recueillie » à l’enquête préliminaire. Les interdictions de publication prévues aux art. 517 et 539 sont obligatoires lorsqu’elles sont demandées par l’accusé, mais discrétionnaires lorsqu’elles le sont par la Couronne. Le paragraphe 542(2) crée pour sa part une interdiction de publication automatique dès « qu’un aveu ou une confession a été présenté en preuve à une enquête préliminaire ». Les interdictions de publication discrétionnaires sont des interdictions qui peuvent être ordonnées à la discrétion du tribunal, alors que les interdictions de publication obligatoires sont des interdictions qui doivent être imposées à la demande d’une partie en particulier, et les interdictions de publication automatiques sont des interdictions qui s’appliquent par l’effet de la loi. Voir, de façon générale, J. Rossiter, Law of Publication Bans, Private Hearings and Sealing Orders(feuilles mobiles), § 1:7 et 4:48‑4:58.
Il est raisonnablement permis de penser qu’une interprétation limitant l’application du par. 648(1) à l’étape qui suit la constitution du jury entraînerait une multiplication des demandes d’interdictions de publication discrétionnaires fondées sur les arrêts Dagenais, Mentuck et Sherman.
[55] Bien qu’aucune preuve en ce sens n’ait été fournie, il est raisonnablement permis de penser qu’une interprétation limitant l’application du par. 648(1) à l’étape qui suit la constitution du jury entraînerait une multiplication des demandes d’interdictions de publication discrétionnaires fondées sur les arrêts Dagenais, Mentuck et Sherman. Cette situation entraînerait à son tour des délais additionnels dans le système de justice criminelle et accaparerait les ressources limitées dont disposent l’accusé et le tribunal. Un tel résultat serait antithétique à l’objectif d’efficacité que visait le Parlement par l’édiction du par. 648(1), et tout à fait incompatible avec les enseignements de notre Cour dans R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.
[56] À l’inverse, il est permis de penser qu’une interprétation du par. 648(1) considérant que celui‑ci s’applique avant la constitution du jury favoriserait l’intérêt lié à l’efficacité. De toute évidence, en prévenant la publication de renseignements découlant de plusieurs types d’audiences, le par. 648(1) permet aux tribunaux de tenir ces audiences en toute confiance avant que le jury ne soit constitué. On peut supposer que cette souplesse et cette faculté de tenir de telles audiences plus tôt dans le processus permettent de réduire les délais. Elles pourraient également procurer aux parties de la certitude à l’égard de questions contestées — par exemple l’admissibilité d’éléments de preuve —, et ce, avant le moment où les décisions sur ces questions étaient rendues dans le passé, ce qui favorise une résolution plus rapide des poursuites grâce à des plaidoyers de culpabilité ou aux retraits d’accusations.
La Cour a présenté l’efficacité et l’équité des procès comme des valeurs « interdépendantes ».
[57] Tout ce qui précède m’amène à conclure que le par. 648(1) a été conçu de manière à protéger le droit à un procès équitable en parant à la partialité des jurés et en veillant à l’efficacité de notre système de procès par jury. Cette interprétation concorde avec la façon dont notre Cour conçoit actuellement l’équité du procès, à savoir qu’il s’agit non seulement de parer à la partialité des jurés en interdisant la publicité des débats « avant le procès », mais également de protéger les autres intérêts fondamentaux de l’accusé. Dans l’arrêt Toronto Star, par. 23, la juge Deschamps a défini de la façon suivante les principaux objectifs qu’avait le Parlement en édictant l’interdiction de publication à l’art. 517 du Code criminel : « . . . (1) préserver le droit à un procès équitable; (2) assurer la tenue rapide des enquêtes sur cautionnement ». Le premier, a‑t‑elle écrit, englobe le second (par. 24). Un point de vue similaire a été adopté dans l’arrêt Jordan, où la Cour a jugé que les délais dans le système de justice criminelle ont une incidence sur les intérêts liés à l’équité du procès. C’est le cas parce que « plus un procès est retardé, plus certains inculpés risquent d’être lésés dans la préparation de leur défense à cause des souvenirs qui s’estompent, de l’indisponibilité de témoins ou encore de la perte ou de la détérioration d’éléments de preuve » (par. 20). Plus récemment, dans R. c. Haevischer, 2023 CSC 11, par. 46, s’inspirant du vocabulaire utilisé dans Jordan, la Cour a présenté l’efficacité et l’équité des procès comme des valeurs « interdépendantes ».
Il serait en conséquence prudent que les juges qui tiennent une audience en vertu du par. 645(5) annoncent qu’ils exercent la compétence que leur confère cette disposition, et qu’ils soulignent que le par. 648(1) interdit automatiquement la publication de tout renseignement concernant cette phase du procès.
Il ne vaudrait pas la peine de tenter de dresser une liste exhaustive des questions visées ou exclues par le par. 648(1). Je signale, simplement à titre indicatif, que la plupart des différents types d’audiences tenues avant la constitution du jury seront visés par cette interdiction.
[66] Le paragraphe 648(2) crée un « crime véritable » et il est, de ce fait, assujetti à la présomption que nul ne doit être tenu responsable de ce crime à moins de l’avoir commis intentionnellement ou sans se soucier des conséquences, tout en étant conscient des faits constituant l’infraction (R. c. A.D.H., 2013 CSC 28, [2013] 2 R.C.S. 269, par. 23; R. c. Sault Ste‑Marie, 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, p. 1303 et 1309‑1310). Afin d’assurer l’efficacité pratique et la clarté de l’interdiction de publication en tant que telle, et de parer à tout obstacle potentiel à l’engagement de poursuites pour violation de l’interdiction, il serait en conséquence prudent que les juges qui tiennent une audience en vertu du par. 645(5) annoncent qu’ils exercent la compétence que leur confère cette disposition, et qu’ils soulignent que le par. 648(1) interdit automatiquement la publication de tout renseignement concernant cette phase du procès.
[67] Je m’attends à ce que l’approche ci‑dessus procure suffisamment de certitude. Il ne vaudrait pas la peine de tenter de dresser une liste exhaustive des questions visées ou exclues par le par. 648(1). Je signale, simplement à titre indicatif, que la plupart des différents types d’audiences tenues avant la constitution du jury seront visés par cette interdiction. Par exemple, personne ne conteste que les voir‑dire relatifs à la preuve seraient visés (Duhamel, p. 560; R. c. Lalo, 2002 NSSC 21, 207 N.S.R. (2d) 203, par. 19; R. c. Ross, [1995] O.J. No. 3180 (QL), 1995 CarswellOnt 3173 (WL)(C.J. (Div. gén.)), par. 3, le juge Salhany; R. E. Salhany, Canadian Criminal Procedure (5e éd. 1989), p. 189‑190) : il s’agit de questions à l’égard desquelles le juge s’appuie clairement sur la compétence conférée au par. 645(5) afin de tenir une audience avant la constitution du jury. Il existe toutefois d’autres types d’audiences qu’il n’a jamais été nécessaire de tenir « au procès »; ces audiences ne seraient pas visées par l’interdiction prévue au par. 648(1). Il est possible d’identifier de telles audiences au moyen de l’analyse exposée dans l’arrêt Litchfield.
Même en vertu de l’al. 551.3(1)g), certains actes accomplis par le juge responsable de la gestion de l’instance sont rattachables à la compétence que possède le juge du procès, uniquement aux termes du par. 645(5), pour décider d’une question qui normalement ou nécessairement ferait l’objet d’une décision en l’absence du jury, une fois celui‑ci constitué. Lorsque le juge responsable de la gestion de l’instance exerce une compétence rattachable au par. 645(5), le par. 648(1) s’applique automatiquement.
Le par. 648(1) ne s’applique à des renseignements découlant d’une conférence préparatoire que dans les cas où le juge qui la préside exerce un pouvoir se rattachant ultimement au par. 645(5).
[74] La Couronne du Québec a fait valoir que la liste des sujets mentionnés à l’al. 551.3(1)g) pourrait aider à clarifier le champ d’application du par. 648(1) avant la constitution du jury. Les articles 551.1 à 551.7 ont été adoptés en tant que partie XVIII.1 du Code criminel par le truchement de la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et efficaces, art. 4. Ces dispositions et leurs modifications subséquentes habilitent le juge responsable de la gestion de l’instance à « exerce[r] [. . .] les pouvoirs dévolus [au] juge [du procès] » « avant le stade de la présentation de la preuve sur le fond » (par. 551.3(1)). L’alinéa 551.3(1)g) n’élargit pas les pouvoirs du juge responsable de la gestion de l’instance au‑delà de ceux dont dispose le juge du procès. L’alinéa 551.3(1)g) autorise le juge responsable de la gestion de l’instance à « trancher toute question qui peut l’être avant ce stade ». Ainsi, même en vertu de l’al. 551.3(1)g), certains actes accomplis par le juge responsable de la gestion de l’instance sont rattachables à la compétence que possède le juge du procès, uniquement aux termes du par. 645(5), pour décider d’une question qui normalement ou nécessairement ferait l’objet d’une décision en l’absence du jury, une fois celui‑ci constitué (voir M. Vauclair et T. Desjardins, avec la collaboration de P. Lachance, Traité général de preuve et de procédure pénales 2022 (29e éd. 2022), p. 587, note 117). Lorsque le juge responsable de la gestion de l’instance exerce une compétence rattachable au par. 645(5), le par. 648(1) s’applique automatiquement.
[75] La Couronne de la Colombie‑Britannique a pour sa part soutenu que le par. 648(1) vise même les conférences préparatoires dont la tenue est exigée par le par. 625.1(2) dans le cas des procès par jury. L’article 625.1 a été adopté en même temps que le par. 645(5) en 1985 et il est entré en vigueur en 1988. Ce que le par. 625.1(2) exige, c’est une conférence afin de discuter des questions visées et non une audience sur ces questions. Ces conférences se tiennent conformément aux règles établies par les cours de juridiction criminelle et les cours provinciales et territoriales en vertu des art. 482 et 482.1 du Code criminel. De telles conférences servent généralement à discuter de questions qui seraient de nature à favoriser la tenue d’un procès rapide et équitable, notamment la fixation des dates d’audience, et qui peuvent être résolues avant la constitution du jury (voir, p. ex., Règles de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique en matière pénale, TR/97‑140, règle 5; Règles de procédure de la Cour supérieure du Québec, chambre criminelle (2002), TR/2002‑46, règles 39 à 44). Les discussions lors des conférences préparatoires portent notamment sur « la nature et le détail » des requêtes proposées (Règles de la C.‑B., par. 5(13)), et sur l’exposé des « positions des parties » (Règles du Québec, al. 44b)).
[76] Je réitère que le par. 648(1) s’applique avant la constitution du jury uniquement lorsque le juge exerce un pouvoir rattachable au par. 645(5)pour décider une question qui normalement ou nécessairement ferait l’objet d’une décision en l’absence du jury, une fois celui‑ci constitué. En règle générale, cela ne constitue pas une conférence préparatoire. La Cour de justice de l’Alberta a toutefois adopté une règle habilitant le juge qui préside la conférence préparatoire à « rendre toute décision qu’un juge chargé de la gestion de l’instance, agissant en vertu de l’article 551.3 du Code a le pouvoir de rendre, à l’exception d’une décision en vertu des alinéas 551.3(1)e) ou 551.3(1)g) du Code » (Règles en matière criminelle de la Cour de justice de l’Alberta, al. 4.2(7)a)). Sans trancher la question de savoir si les art. 482 et 482.1 permettent d’élargir la compétence du juge qui préside une conférence préparatoire[1], j’insiste à nouveau pour dire que le par. 648(1) ne s’applique à des renseignements découlant d’une conférence préparatoire que dans les cas où le juge qui la préside exerce un pouvoir se rattachant ultimement au par. 645(5). La Cour de justice de l’Alberta semble avoir exclu plusieurs questions de cette nature du pouvoir décisionnel exercé lors d’une conférence préparatoire.
La publication de renseignements révélés à l’occasion d’une conférence préparatoire pourrait fort bien être préjudiciable aux intérêts de l’accusé liés à l’équité du procès.
[77] La publication de renseignements révélés à l’occasion d’une conférence préparatoire pourrait fort bien être préjudiciable aux intérêts de l’accusé liés à l’équité du procès. La reconnaissance du fait que certaines procédures non visées par l’interdiction de publication automatique prévue au par. 648(1) peuvent être préjudiciables à l’accusé remonte à aussi loin que 1979. Dans R. c. Deol (1979), 1979 CanLII 1119 (AB KB), 20 A.R. 595 (B.R.), au par. 31, le juge a fait remarquer que le par. 648(1) (alors l’art. 576.1) comportait une [traduction] « lacune déplorable » en ce qui concerne les « procédures possiblement préjudiciables tenues entre la fin des audiences préliminaires et le moment où le jury est autorisé à se séparer pour la première fois ». Toutefois, selon l’interprétation donnée plus haut, le par. 648(1) ne va pas jusqu’à s’appliquer automatiquement à tous les aspects d’une conférence préparatoire. Il s’agirait d’une interprétation que le texte ne peut raisonnablement permettre. Il est évidemment loisible aux tribunaux de combler toute lacune concernant les conférences préparatoires en exerçant leur pouvoir d’établir des règles en vertu des art. 482 et 482.1, par exemple, la Cour supérieure du Québec a établi la règle portant que « [la] conférence préparatoire fait l’objet d’une ordonnance de non‑publication » (Règles du Québec, règle 40), et les juges conservent leur pouvoir inhérent d’imposer des interdictions de publication discrétionnaires conformément aux principes établis dans les arrêts Dagenais, Mentuck et Sherman.