R. c. Roy, 2018 QCCQ 1955

Est-ce que la preuve de l’absence d’entretien de l’alcootest et de ses composantes pendant plusieurs années peut susciter un doute relativement au bon fonctionnement de l’appareil, privant la couronne du bénéfice des présomptions?

ANALYSE

[56]      La défense prétend avoir soumis une preuve suscitant un doute raisonnable relativement au bon fonctionnement de l’appareil en se fondant sur le syllogisme suivant :

–         l’absence d’entretien annuel entraîne des problèmes d’ajustement de certaines composantes de l’alcootest qui peuvent en fausser les résultats;

–         l’appareil dans le présent dossier n’a pas été entretenu régulièrement;

–         donc, les résultats des tests de cet appareil peuvent être faussés.

[57]      Cette thèse est fondée en grande partie sur le témoignage de monsieur Kettana.

Le témoignage de monsieur Kettana

[58]      Comme mentionné plus haut, les parties ont acquiescé à ce que ce témoignage soit entendu sous réserve, afin d’en permettre une expression plus complète. Le Tribunal doit maintenant délimiter ce qui participe de son expertise ou non.

[59]      Après analyse, le Tribunal ne peut que constater qu’à plusieurs égards, monsieur Kettana a débordé son cadre d’expertise qui est limité à l’entretien et la réparation des appareils du même type que celui en cause dans cette affaire.

[60]      Monsieur Kettana est un technicien qui a suivi une formation maison au sujet de cet appareil. Il réparait les alcootests parmi d’autres types d’appareils électroniques expédiés à l’entreprise où il travaillait.

[61]      Monsieur Kettana n’a pas démontré qu’il possédait les connaissances scientifiques particulières pour élaborer au sujet  des normes d’entretien et leur fréquence élaborée par les membres du comité des analyses d’alcools (C.A.A.) et approuvé par la Société canadienne des sciences judiciaires (S.C.S.J.). Son travail était limité et ses constatations non documentées d’aucune façon.

[62]      L’expertise de monsieur Kettana est empirique. Lorsqu’il affirme que l’appareil peut afficher une température qui n’est par réelle, cette affirmation n’est fondée sur aucune observation documentée ou répertoriée. Il n’a jamais transmis cette information au fabricant qui demeure non vérifiable et insuffisante pour établir une règle. Si ce type de problème était si apparent, il est étonnant que l’Entreprise Sécurité Thomas Ltée, qui se spécialisait entre autres dans la réparation de ce type d’appareil, n’ait pas émis une directive à ce sujet à ses clients, les corps de police, pour les alerter d’erreurs possibles. Cette information, apparemment connue de tous les techniciens selon monsieur Kettana, serait demeurée confidentielle toutes ces années, sans que les experts du milieu en soient informés. Ce type d’affirmation générale laisse pantois.

[63]      D’ailleurs, madame Louise Gagné, technicienne en atelier au même titre que monsieur Kettana, appelée à témoigner par la défense, n’a pas été interrogée à ce sujet et n’a pas mentionné avoir fait le même genre de constat.

[64]      Le Tribunal a retenu que même certains des commentaires de monsieur Kettana sont de nature à remettre en cause le fonctionnement d’appareils approuvés.

[65]      De plus, son témoignage ne touche pas l’appareil précis utilisé dans le cas de l’accusé et constitue plutôt une allégation générale non prouvée scientifiquement.

[66]      Son affirmation relativement à la température affichée qui ne serait pas conforme à la température réelle, pouvant entraîner un impact sur les tests de contrôle parce que non calibrée, a de quoi surprendre.

[67]      Comme l’affirme monsieur Tremblay, ceci entraînerait un cumul d’erreurs puisque l’appareil est muni d’un thermomètre électronique et d’un mécanisme qui déclenche une erreur lorsque la température n’est pas celle requise, empêchant l’utilisation de l’appareil et nécessitant son renvoi en atelier.

[68]      Par ailleurs, monsieur Tremblay, dans le cadre d’une expertise maison, mais documentée, a pu s’assurer de la grande stabilité et fiabilité de ces appareils au niveau de la température.

[69]      Le Tribunal n’accorde aucune crédibilité aux affirmations de monsieur Kettana relativement au fonctionnement de l’appareil lorsqu’il affirme que 99 % de tous les Alco-Sensor IV, qui n’ont pas été entretenus pendant une longue période de temps, ont des problèmes de désajustement. L’expert Tremblay affirme qu’en l’absence d’une étude sérieuse avec des données concrètes, il ne peut établir aucun pourcentage réaliste de la défaillance, telle qu’alléguée et affirmée sans aucune retenue par monsieur Kettana.

[70]      Ce témoin n’a pas les assises et les caractéristiques nécessaires pour renseigner adéquatement et de façon crédible le Tribunal sur le mauvais fonctionnement potentiel de l’appareil Alco-Sensor IV et son témoignage n’est pas retenu.

[71]      En contrepartie, le Tribunal a entendu le témoignage de monsieur Jacques Tremblay qui est fiable, crédible et documenté scientifiquement. Monsieur Tremblay est membre du C.A.A. depuis 2017 et il a écrit sur ce sujet depuis longtemps.

[72]      Le Tribunal retient son témoignage en ce qui concerne le cas précis de l’accusé où selon la documentation fournie et les coupons reliés au certificat du technicien qualifié, les tests ne démontrent aucune erreur, puisque le test de contrôle et les tests à blanc sont conformes aux valeurs attendues. Les deux prélèvements sont de la même valeur à 100 mg, ce qui est une garantie supplémentaire de stabilité de l’appareil et de la qualité des tests passés le 23 novembre 2014.

[73]      La preuve soumise en défense n’ébranle pas le témoignage de monsieur Tremblay qui confirme qu’il n’y a aucune documentation scientifique démontrant que l’absence d’entretien peut causer dans un cas particulier un mauvais fonctionnement, pouvant fausser les résultats obtenus.

[74]      Ce qui reste de la preuve de la défense est le fait de l’absence d’un entretien régulier. Ceci ne suffit pas, face à un certificat du technicien qualifié conforme, à susciter un doute raisonnable quant au mauvais fonctionnement de l’alcootest utilisé dans le présent dossier.

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE l’accusé coupable du seul chef de la dénonciation.