Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Dafinei, 2023 QCCA 1596
Le principe d’interprétation énoncé par la Cour supérieure est d’application générale. Il s’applique non seulement aux excès de vitesse et autres infractions relatives à la sécurité routière, mais à l’ensemble des infractions pénales de compétence provinciale.
[5] En appel, la Cour supérieure[5], s’appuyant sur l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Ville de Saint-Jérôme c. Sauvé[6], conclut qu’il existe une présomption au Québec selon laquelle les infractions pénales provinciales appartiennent à la catégorie des infractions de responsabilité stricte, au sens conféré à ce terme au Canada depuis l’arrêt Sault Ste. Marie[7]. La Cour supérieure ordonne un nouveau procès.
[6] Le principe d’interprétation énoncé par la Cour supérieure est d’application générale. Il s’applique non seulement aux excès de vitesse et autres infractions relatives à la sécurité routière, mais à l’ensemble des infractions pénales de compétence provinciale. Deux exceptions permettent d’écarter l’application de ce principe : l’infraction exigeant la démonstration d’une faute et l’infraction de responsabilité absolue. Elles ne pourront s’appliquer que si elles sont imposées par un texte de loi exprès ou par déduction nécessaire dans le contexte législatif. La rigueur encadrant ces exceptions met en lumière la portée et l’importance du principe privilégiant une catégorisation des infractions pénales comme infractions de responsabilité stricte.
[7] La généralité de la présomption d’interprétation issue de l’arrêt Sault Ste-Marie[8], selon laquelle une infraction règlementaire sera présumée appartenir à la catégorie des infractions de responsabilité stricte en l’absence de termes spécifiques traduisant une intention contraire de la part du législateur, ressort de plusieurs arrêts de la Cour suprême[9]. Au Québec, la Cour l’a confirmée dans l’arrêt Ville de Saint-Jérôme c. Sauvé[10], puis l’a réaffirmée à trois occasions.[11] Le principe d’interprétation général est donc bien établi au Québec. Toute jurisprudence antérieure sur la classification des infractions pénales provinciales qui serait incompatible avec ce principe doit être considérée comme écartée[12].
[8] Ce principe général peut se résumer en deux points. Premièrement, il existe une présomption selon laquelle, au Québec, les infractions pénales de compétence provinciale appartiennent à la catégorie des infractions de responsabilité stricte, sauf si les termes exprès de la loi, ou par déduction nécessaire, imposent d’interpréter l’infraction comme requérant la preuve d’un élément de faute ou comme une infraction de responsabilité absolue[13]. La partie qui cherche à soulever l’une ou l’autre de ces exceptions doit pouvoir la justifier. Deuxièmement, les infractions de responsabilité stricte permettent souvent la présentation de moyens de défense spécifiques selon les modalités du régime législatif dont elles font partie. Elles offrent aussi la possibilité de soulever des moyens de défense généraux, qui doivent être établis selon la prépondérance des probabilités, y compris tout moyen qui réfute la preuve de l’actus reus (p. ex., l’acte involontaire, l’impossibilité, l’alibi), la diligence raisonnable, les erreurs de fait raisonnables, les troubles de santé mentale et la nécessité.
[9] Il n’y a rien dans le libellé de l’article 329 du Code de la sécurité routière, l’économie générale du cadre réglementaire établi par l’Assemblée nationale, l’objet de la loi, ou la nature et la gravité de la peine, qui révèle une intention de réfuter la présomption de responsabilité stricte pour l’infraction dont il est question en l’espèce[14].
[10] Ce principe général élimine toute ambiguïté relativement à la qualification des infractions pénales provinciales au Québec, sauf si le texte de loi indique, expressément ou par déduction nécessaire, qu’une infraction donnée doit être considérée comme une infraction qui requiert la démonstration d’une faute ou comme une infraction de responsabilité absolue. Les motifs de l’arrêt Ville de Saint-Jérôme c. Sauvé établissent clairement que le critère permettant d’invoquer ces exceptions est strict[15]. Il s’agit d’exceptions qui s’appliqueront seulement s’il existe une indication claire de la volonté législative.
Un doute raisonnable quant à la vitesse exacte ne confère pas à l’accusé un droit à l’acquittement, sauf si celle-ci est en deçà de la limite permise.
[21] Par conséquent, la question qui devait être tranchée était de savoir si le témoignage de l’intimé, qui affirmait que son indicateur de vitesse affichait 112 km/h, était susceptible de soulever un doute raisonnable quant à la vitesse à laquelle il circulait[18], mais pas quant à la commission de l’infraction d’excès de vitesse. La Cour adopte ainsi le principe énoncé par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt York (Regional Municipality) v. Winlow[19], selon lequel la vitesse réelle ne constitue pas un élément essentiel de l’infraction, mais n’est pertinente que pour la détermination de la peine.
[22] Un doute raisonnable quant à la vitesse exacte ne confère pas à l’accusé un droit à l’acquittement, sauf si celle-ci est en deçà de la limite permise.De plus, la vitesse n’est pas une infraction incluse. L’infraction consiste à circuler à une vitesse supérieure à la limite indiquée. La vitesse détermine l’amende et les points d’inaptitude applicables. Dès lors, si l’accusé admet avoir commis un excès de vitesse, mais en circulant à une vitesse inférieure à celle dont il a été accusé, l’audience ne portera pas sur sa culpabilité à cette infraction, mais plutôt sur la détermination de la peine qui établira la vitesse à laquelle il circulait.