Le paragr. 21(2) C.cr. s’applique au cas où bien qu’il n’y ait ni aide, ni encouragement, une personne peut devenir partie à l’infraction commise par quelqu’un d’autre lorsqu’elle savait ou aurait dû savoir que l’infraction serait une conséquence probable de la poursuite d’une fin commune illégale avec celui qui l’a effectivement commise.
[8] Le paragraphe 21(2) C.cr. traite de l’intention commune entre deux ou plusieurs personnes lors de la commission d’une infraction :
21. (2) Intention commune – Quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s’y entraider et que l’une d’entre elles commet une infraction en réalisant cette fin commune, chacune d’elle qui savait ou devait savoir que la réalisation de l’intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l’infraction, participe à cette infraction. | 21. (2) Common intention – Where two or more persons form an intention in common to carry out an unlawful purpose and to assist each other therein and any one of them, in carrying out the common purpose, commits an offence, each of them who knew or ought to have known that the commission of the offense would be a probable consequence of carrying out the common purpose is a party to that offence.
[Soulignements ajoutés] |
[9] Dans l’arrêt R. c. Vachon, la Cour résume les cas d’application du paragraphe 21(2) C.cr. tel que défini par la Cour suprême auparavant dans R. c. Simpson[2]:
[23] En l’espèce, ce dernier paragraphe n’était pas applicable puisque l’intention commune de poursuivre une fin illégale était de commettre l’infraction même qui a fait l’objet de l’inculpation. Le paragr. 21(2) C.cr. s’applique au cas où bien qu’il n’y ait ni aide, ni encouragement, une personne peut devenir partie à l’infraction commise par quelqu’un d’autre lorsqu’elle savait ou aurait dû savoir que l’infraction serait une conséquence probable de la poursuite d’une fin commune illégale avec celui qui l’a effectivement commise.[3]
[Soulignement ajouté]
[10] La Cour d’appel de l’Ontario rappelle dans l’arrêt R. v. Cadeddu que la responsabilité criminelle en vertu du paragraphe 21(2) C.cr.comprend les trois éléments suivants : 1) un accord, soit que les participants poursuivent une fin illégale; 2) une infraction, soit la commission d’une infraction incidente et différente par un autre participant; et 3) une connaissance, soit la prévisibilité que l’infraction incidente pourrait être commise[4].
[11] L’alinéa 267b) C.cr. définit ainsi l’infraction de voies de fait causant des lésions corporelles :
267. Agression armée ou infliction de lésions corporelles – Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :
[…] b) inflige des lésions corporelles au plaignant. |
267. Assault with a weapon or causing bodily harm – Every one who, in committing an assault,
[…] (b) causes bodily harm to the complainant, is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years or and offence punishable on summary conviction and liable to imprisonment for a term not exceeding eighteen months.
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[12] Cette infraction comporte deux éléments essentiels : 1) l’intention de commettre des voies de fait, soit une application intentionnelle de la force contre une victime; et 2) des lésions corporelles qui résultent de l’application de cette force[5].
[13] Au procès, la preuve a été faite au moyen de l’enregistrement vidéo de l’altercation ainsi que du témoignage du plaignant. Celui-ci a relaté les faits et il a commenté la vidéo en apportant certaines précisions. Malgré l’absence d’un diagnostic médical, le plaignant a aussi expliqué les multiples lésions qu’il a subies. Il faut également ajouter que l’enregistrement montre qu’il saigne abondamment, ce qui corrobore son témoignage sur ce point.
[14] Le visionnement de la vidéo montre que l’appelant entreprend les hostilités et qu’il s’acharne contre le plaignant pendant près de deux minutes, lui donnant de nombreux coups. Son compagnon Chevarie vient en renfort en sautant à pieds joints sur le plaignant.
[15] En raison de la nature et de la force des nombreux coups portés par l’appelant, il appert que des lésions corporelles pouvaient en résulter. La même conclusion s’applique à l’égard de la participation de Chevarie. Un doute peut certes subsister sur l’identité de l’auteur de chaque lésion corporelle, notamment sur celle de l’auteur des fractures aux côtes du plaignant, vu l’intervention de Chevarie.
[16] Les trois éléments essentiels du paragraphe 21(2) C.cr. sont ici réunis : l’appelant et Chevarie ont poursuivi ensemble une fin illégale, au cours de laquelle des voies de fait ont été infligées. La prévisibilité de lésions corporelles pouvant en résulter ne fait pas de doute, vu la force des coups portés par l’appelant et Chevarie, tel que le montrent les images captées par la caméra de surveillance de l’établissement.
[17] Contrairement à ce que prétend l’appelant, la vidéo de l’événement prouve l’existence d’un projet commun avec Chevarie dès le moment où ce dernier a décidé de se jeter dans la mêlée. L’intervention de ce dernier a permis à l’appelant de se dégager de l’emprise du plaignant et de lui asséner des coups de poings additionnels ainsi qu’un coup de pied au visage.
[18] L’argument de l’appelant concernant l’incompatibilité entre le témoignage du plaignant et l’enregistrement des événements est sans fondement. Le plaignant décrit avec exactitude les coups reçus. Ses explications concernent un bref extrait de la vidéo où la présence d’autres clients et du mobilier de l’établissement obstrue partiellement la vue de l’altercation entre lui et l’appelant. Il ne décrit pas des coups « absents de l’enregistrement », tel que le soutient l’appelant, mais ne fait que préciser ce qui est plus difficilement perceptible l’espace d’un instant précis. Une chose demeure certaine à la lumière du visionnement : l’appelant a, pendant ce laps de temps, porté plusieurs coups au plaignant.
[19] Finalement, notons que la Cour serait venue à la même conclusion sans recourir au paragraphe 21(2) C.cr. parce qu’il appert que c’est l’appelant qui a commencé la bagarre et asséné au plaignant des coups qui ont manifestement causé ses lésions au visage.