R. c. Binet, 2019 QCCA 669 

Les suggestions communes ont une très grande importance dans le système de justice pénale et les juges ne peuvent les refuser que si elles sont contraires à l’intérêt public

[16] À la lumière de ces principes, la Cour est d’avis que le juge a commis une erreur révisable en rejetant la suggestion conjointe. Il ne s’est pas interrogé à savoir si la peine suggérée était susceptible de déconsidérer la justice ou encore si elle était contraire à l’intérêt public. Il modifie la peine proposée afin de permettre à l’intimé d’aller auprès de sa mère. Pour en arriver à cette conclusion, il se demande si la peine suggérée par les parties, soit 28 mois de prison, atteindrait davantage les objectifs et principes de détermination de la peine qu’une peine équivalente à 25 mois et 25 jours. Il reproche aux parties de ne pas revoir leur suggestion en raison de la situation factuelle différente de celle prévalant au moment des négociations en juin 2018.

[17] C’est donc pour imposer une peine plus appropriée à la situation particulière de l’intimé que le juge n’accepte pas la suggestion commune des parties. Or, la Cour suprême écarte le critère de la « justesse » d’une peine lorsqu’un juge doit déterminer s’il accepte la proposition des parties[4].

[18] Le juge ne pouvait pas écarter la suggestion commune comme alternative au rejet de la requête en vertu de l’article 523(2)a) C.cr. Les suggestions communes ont une très grande importance dans le système de justice pénale et les juges ne peuvent les refuser que si elles sont contraires à l’intérêt public, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

[19] La Cour d’appel d’Alberta, dans une affaire récente, indique bien la distinction entre les principes devant guider un juge pour accepter ou refuser une suggestion commune et ceux applicables à la détermination d’une peine. Elle s’exprime ainsi :

[17] After a review of the case law, the sentencing judge summed up the test as follows:

51 The principles to be drawn from these cases suggest that a joint submission will bring the administration of justice into disrepute or otherwise be contrary to the public interest when it does not adequately reflect the general principles of sentencing identified in the Criminal Code and where the benefits of accepting the joint submission do not outweigh these concerns. (Emphasis added)

This, however, is not the test for accepting a joint submission set in Anthony-Cook. It echoes the “fitness” or “demonstrable unfitness” tests that were specifically rejected in that case.

[18] While the sentence that might have resulted after trial is relevant, it is an unhelpful approach to start the analysis by reverse engineering the joint submission. In other words, it is inappropriate to first determine what sentence would have been imposed after a trial, and then compare it to the joint submission. This inevitably invites a conclusion that the joint submission would bring the administration of justice into disrepute merely or primarily because it departs from the conventional sentence. Rather, the analysis should start with the basis for the joint submission, including the important benefits to the administration of justice, to see if there is something apart from the length of the sentence that engages the broader public interest or the repute of the administration of justice.[5]

[20] La Cour partage ce point de vue. Le juge a commis une erreur de principe en refusant la suggestion commune des parties. Sous le couvert de l’intérêt public, il a plutôt imposé une peine qu’il trouvait plus appropriée dans les circonstances.