R. c. Zampino, 2023 QCCA 1299

Même si une communication entre un client et son avocat ne relève pas nécessairement de la prestation de services juridiques, elle doit avoir lieu dans un climat de confiance. Sans évidemment prétendre que ce climat de confiance doit nécessairement être respecté au point où toute communication entre un avocat et son client doit demeurer confidentielle (ce n’est pas l’état du droit), il demeure essentiel de tenir compte de cette réalité dans l’élaboration des modalités d’accès en matière d’écoute électronique.

[108]   Le secret professionnel de l’avocat est un concept fondamental en droit canadien et il doit être protégé à tout prix en limitant autant que possible l’accès aux conversations privilégiées.

[109]   Ainsi que le souligne à juste titre l’intervenante, l’Association des avocats de la défense de Montréal-Laval-Longueuil, « [l]e secret professionnel de l’avocat est un rouage indispensable au bon fonctionnement du système de justice ». L’intervenante fait ainsi écho aux arrêts de la Cour suprême, notamment Canada (P.G.) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20, [2016] 1 R.C.S. 336, qui rappelle que ce secret est un principe de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte. Pour sa part, l’arrêt Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 R.C.S. 574, souligne le caractère essentiel des conseils d’un avocat pour le système de justice et la nécessité de lui assurer une garantie de confidentialité aussi absolue que possible. Comme il est mentionné dans Rizzuto c. R., 2018 QCCS 582, au paragr. 209, la plus grande prudence s’impose.

[110]   Cela étant, il est indéniable que, même si une communication entre un client et son avocat ne relève pas nécessairement de la prestation de services juridiques, elle doit avoir lieu dans un climat de confiance. Sans évidemment prétendre que ce climat de confiance doit nécessairement être respecté au point où toute communication entre un avocat et son client doit demeurer confidentielle (ce n’est pas l’état du droit), il demeure essentiel de tenir compte de cette réalité dans l’élaboration des modalités d’accès en matière d’écoute électronique. Ainsi, dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, [2006] 2 R.C.S. 319, on peut lire :

26     Ces décisions, parmi d’autres, traitent abondamment de l’origine et du fondement du secret professionnel de l’avocat, fermement établi depuis des siècles. Il reconnaît que la force du système de justice dépend d’une communication complète, libre et franche entre ceux qui ont besoin de conseils juridiques et ceux qui sont les plus aptes à les fournir. La société a confié aux avocats la tâche de défendre les intérêts de leurs clients avec la compétence et l’expertise propres à ceux qui ont une formation en droit. Ils sont les seuls à pouvoir s’acquitter efficacement de cette tâche, mais seulement dans la mesure où ceux qui comptent sur leurs conseils ont la possibilité de les consulter en toute confiance. Le rapport de confiance qui s’établit alors entre l’avocat et son client est une condition nécessaire et essentielle à l’administration efficace de la justice.

                                                                                                         [Soulignements ajoutés]

Sachant que la conversation peut être écoutée (même si ce n’est que par un juge) sans aucun motif préalable de croire qu’elle pourrait ne pas être privilégiée (alors qu’elle est présumée l’être), la confiance dont il est question risque d’être ébranlée. Non pas parce qu’un juge ne respectera pas la confidentialité, mais parce que l’on ne peut exclure le risque d’erreurs dans l’envoi des enregistrements au juge et même le risque d’erreurs par celui-ci.

[111]   Sachant que la conversation peut être écoutée (même si ce n’est que par un juge) sans aucun motif préalable de croire qu’elle pourrait ne pas être privilégiée (alors qu’elle est présumée l’être), la confiance dont il est question risque d’être ébranlée. Non pas parce qu’un juge ne respectera pas la confidentialité, mais parce que l’on ne peut exclure le risque d’erreurs dans l’envoi des enregistrements au juge et même le risque d’erreurs par celui-ci.

[112]   De même, la possibilité d’une écoute systématique, par qui que ce soit, est susceptible d’ébranler la confiance des clients qui, somme toute, croient que personne, quel que soit son rôle, ne prendra connaissance de leurs communications à teneur juridique. Il existe pourtant un moyen de protéger efficacement cette confiance et c’est l’utilisation d’une clause similaire à celle utilisée dans Pasquin. Précisons que c’est de la confiance des clients dont il est ici question, et non d’une atteinte au privilège; il reste néanmoins que cette confiance est la base d’une relation avocat-client.

Il faut savoir accorder sa confiance à un tribunal judiciaire. S’il se trompe, il existe des mécanismes de contestation.

[113]   Bien entendu, un juge, un tribunal judiciaire, est le forum approprié pour déterminer qu’une telle communication n’est pas privilégiée : Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc.,2004 CSC 18, [2004] 1 R.C.S. 456, paragr. 47.

[114]   Malgré cela, la juge de première instance estime que, contrairement à ce que prévoit l’autorisation, un juge n’est pas en mesure de scinder une communication pour en extraire les parties non privilégiées. Comme mentionné précédemment, elle écrit, dans le jugement Zampino :

[50]   Le privilège avocat-client ne se fragmente pas au cas par cas, de conversations ou de bribes de conversations diverses, glanées en un espace temporel et situationnel défini, mais constitue bien un continuum de communication entre l’avocat et son client.

[…]

[52]   Ainsi, il semble difficile, selon le Tribunal, de concevoir comment le juge autorisateur qui ne connaît pas tout l’historique événementiel d’un dossier, puisse déterminer ce qui est privilégié de ce qui ne l’est pas, en totalité ou en partie.

[53]   Surtout dans le contexte où l’enquête roule depuis six ans et que le requérant est représenté par la même firme depuis trois ans.

[54] Aussi, le juge ne connaît pas la preuve, ni toutes les incidences explicites et implicites des propos entre les parties. Ce qui est transmis aux policiers, après examen, peut devenir une mine de renseignements pour ces derniers qui, eux, maîtrisent la preuve et sont en mesure d’effectuer des liens avec des éléments anodins pour le juge autorisateur.

                                                                                                      [Référence omise]

[115] C’est faire bien peu de cas de l’expérience judiciaire et même de la fonction judiciaire, sans compter qu’il y a, dans cette affirmation, une bonne part de conjecture, d’hypothèses et même de préjugés. Un juge est formé pour rendre des décisions fondées sur la preuve et le droit. Il faut savoir accorder sa confiance à un tribunal judiciaire. S’il se trompe, il existe des mécanismes de contestation.