R. c. Déry Bédard, 2024 QCCA 446

Il n’appartient pas à la Cour de réinterpréter les engagements pris, elle ne peut que les constater.

[6] Le ministère public prétend que le juge a erré en écartant une partie du témoignage de la plaignante qui a témoigné que l’appelant l’a étranglée à plusieurs reprises et qu’il a utilisé une force de nature à mettre sa vie en danger, au point où elle est d’avis qu’il a tenté de la tuer.

[7] Selon l’entente entre le ministère public et l’intimé expliquée au juge, la preuve attendue lors de l’audition sur la peine devait expliquer l’infraction à laquelle l’intimé a plaidé coupable, soit l’alinéa 267c) du Code criminel, ainsi que les conséquences du crime. Selon le juge, la preuve administrée expose plutôt une trame factuelle davantage compatible avec l’infraction plus grave prévue à l’article 268 du Code criminel, qui est de commettre des voies de fait mettant la vie d’une personne en danger, abandonnée par le ministère public en échange du plaidoyer.

[8] Il faut reconnaître que l’imprécision relative de l’entente sur les faits admis a créé une situation difficile. Il s’agit d’une situation qui aurait pu être évitée en établissant plus précisément les faits à la base de l’admission, d’autant que l’avocate du ministère public indique que la plaignante était présente au moment du plaidoyer : R. c. Guilbeault, 2023 QCCA 1563, par. 156. Or, l’intimé avait expressément dit au juge qu’il n’acceptait pas de plaider coupable à l’infraction prévue à l’article 268 du Code criminel. Il n’appartient pas à la Cour de réinterpréter les engagements pris, elle ne peut que les constater.

[9] Le ministère public n’était pas démuni s’il était convaincu que les faits au soutien du plaidoyer ne correspondaient pas à l’infraction à laquelle l’intimé devait être déclaré coupable. Il pouvait exiger un procès. De même, tout en rappelant que les circonstances seront rares, et sans conclure qu’il s’agissait d’un tel cas, et en rappelant également que franchir ce pas ne doit pas être pris à la légère, le ministère public aurait pu demander de répudier son entente sur le plaidoyer : R. c. Nixon, 2011 CSC 34 (CanLII), [2011] 2 R.C.S. 566, par. 48.

[10] Face à ces circonstances, l’appelant ne démontre pas que le juge a commis une erreur en concluant qu’il avait renoncé à faire la preuve d’une infraction plus grave lors de son entente pour obtenir le plaidoyer de culpabilité. Il ne convainc pas la Cour, contrairement à ce qu’il avance, que le juge a omis de tenir compte des craintes de la plaignante au moment de l’événement.

Le juge pouvait conclure que la preuve dépassait manifestement la démonstration d’un facteur aggravant liés aux faits admis ou celle des conséquences des faits admis. Elle s’attardait plutôt à prouver des faits additionnels qui appuient l’accusation plus grave à laquelle le ministère public avait renoncé.

[11] Le juge pouvait conclure que la preuve dépassait manifestement la démonstration d’un facteur aggravant liés aux faits admis ou celle des conséquences des faits admis. Elle s’attardait plutôt à prouver des faits additionnels qui appuient l’accusation plus grave à laquelle le ministère public avait renoncé. C’est en ce sens que le juge écarte le fait que la vie de la plaignante a été effectivement mise en danger, ce qui était le sens de son témoignage. On ne peut cependant lui faire le reproche d’avoir omis de tenir compte de la crainte subjective de la plaignante pour sa vie, laquelle était par ailleurs clairement admise.

[12] Le juge a donc eu raison de conclure que la preuve dépassait le cadre d’une audition sur la peine et la preuve de facteurs aggravants au sens de l’arrêt R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 368. Certes, une infraction plus grave est un fait aggravant. L’équité élémentaire requiert toutefois que l’audition sur la peine ne soit pas l’occasion de tenir un procès sommaire sur une infraction plus grave après s’être assuré d’un plaidoyer de culpabilité : R. v. Hunt, 2002 ABCA 155, par. 18; similairement, voir Di-Paola c. R., 2023 QCCA 651.