Le délai excédant le plafond était dû non pas à un manque de temps empêchant le système d’améliorer les délais institutionnels enracinés, mais au refus du ministère public de consentir à la tenue d’un procès devant juge seul, et ce, malgré le fait qu’il avait été averti des conséquences possibles du délai.
[7] Deuxièmement, comme l’a à juste titre souligné le juge d’appel Nordheimer, le ministère public a eu [traduction] « amplement le temps » de s’adapter à l’arrêt Jordan (par. 148). Le délai excédant le plafond était dû non pas à un manque de temps empêchant le système d’améliorer les délais institutionnels enracinés, mais au refus du ministère public de consentir à la tenue d’un procès devant juge seul, et ce, malgré le fait qu’il avait été averti des conséquences possibles du délai, et le fait que l’affaire Jordan avait été décidée près de deux ans et demi auparavant. N’eût été la décision du ministère public, le procès se serait tenu en deçà du plafond. Cela démontre clairement que les parties et le système avaient disposé de suffisamment de temps pour s’adapter.
Nous rejetons la règle « absolue » que suggère le ministère public et suivant laquelle tout délai qui s’écoule, jusqu’à la première date disponible, postérieurement au rejet par un avocat de la défense d’une date de procès proposée par le tribunal, doit être qualifié de délai imputable à la défense.
[9] À l’instar des juges majoritaires et du juge dissident de la Cour d’appel, nous rejetons la règle [traduction] « absolue » que suggère le ministère public et suivant laquelle tout délai qui s’écoule, jusqu’à la première date disponible, postérieurement au rejet par un avocat de la défense d’une date de procès proposée par le tribunal, doit être qualifié de délai imputable à la défense. Nous souscrivons à l’opinion de la juge d’appel van Rensburg et du juge d’appel Tulloch, maintenant juge en chef de l’Ontario, au par. 56, voulant que cette approche soit incompatible avec ce que notre Cour considère comme un délai imputable à la défense. Les délais imputables à la défense comprennent « les retards causés uniquement ou directement par sa conduite » ou « les périodes que la défense renonce à invoquer » (Jordan, par. 66). De plus, « les périodes durant lesquelles le tribunal et le ministère public ne sont pas disponibles ne constituent pas un délai imputable à la défense même si l’avocat de la défense n’est pas disponible lui non plus » (par. 64). Toutes les circonstances pertinentes devraient être considérées afin de déterminer comment la responsabilité du délai doit être répartie entre les différents acteurs (R. c. Boulanger, 2022 CSC 2, par. 8). Nous sommes d’accord avec les juges majoritaires et le juge dissident de la Cour d’appel pour dire que, eu égard aux circonstances de la présente affaire, il est injuste et déraisonnable de qualifier la totalité de la période comprise entre juin et octobre 2019 de délai imputable à la défense (par. 59 et 136).